Damien Le Guay, philosophe, déplore dans le FigaroVox que les commentaires de la majeure partie des médias sur la tuerie d'Orlando aient mis au second plan l'islamisme et aient insisté sur l'homosexualité des victimes, comme si elles étaient homosexuelles avant d'être américaines. Une bonne analyse :
"Quel ne fut pas mon étonnement, lundi 13 juin au matin, d'entendre, sur une radio du service public (France Culture), tout un débat non pas pour dénoncer un acte terroriste et compatir au sort de victimes particulières, mais pour défendre l'idéologie LGBT et incriminer toutes «les postures religieuses patriarcales», dont la chrétienne, qui seraient le terreau de l'homophobie. Caroline Fourest nous a expliqué qu'aux Etats-Unis «le magistère d'homophobie était exercé par les chrétiens intégristes» (alors que le terroriste se réclamait de l'Etat Islamique) tandis que Serge Hefez, doctement, indiquait que la «haine des homophobes» était provoquée par les remises en cause, par l'homosexualité, «des questions de genre et de l'ordre patriarcal». Pour la première, ce que fit d'Omar Mateen avait une différence de degrés et non de nature avec les convictions religieuses chrétiennes. Dans cette lignée Jean-Sebastien Herpin, secrétaire régional EELV, s'est cru autorité à tweeter lundi 13 juin: «la différence entre la manif pour tous et Orlando? Le passage à l'acte».[…]
Le problème avec ce genre d'interventions est qu'elles font de ces cinquante victimes des membres de «la communauté LGBT» avant que d'être des personnes et des citoyens américains. D'où, un peu partout, sur la tour Eiffel ou en Australie, des marques de sympathie aux couleurs du drapeau de l'internationale LGBT et non du drapeau américain. Comme si notre compassion, devait, avant que de se manifester, approuver l'idéologie LGBT et abandonner toutes convictions religieuses. Comme si on devait accepter l'idée que ces cinquante personnes auraient été victime de toutes les homophobies religieuses – et dont celle des islamistes serait simplement la moins hypocrite.
Nous assistons-là, dans ce genre de débat fermé, à trois types de confusions intellectuelles – qui se retrouvent à l'œuvre dans bien des situations autour des questions de genre ou d'homosexualité. D'une part une extension, au-delà du raisonnable, de «l'homophobie», au point d'incriminer tous les chrétiens à l'occasion du crime horrible d'un fou-furieux islamiste aux Etats-Unis. Tant que le terme «d'homophobie» ne sera pas rigoureusement défini, nous constaterons ces dérives injurieuses. Tant qu'il ne sera pas distingué de la haine meurtrière intolérable ou des possibles et respectables (je le crois!) remises en cause de l'impérialisme de la théorie du genre, toute discussion commune sera impossible. Seconde confusion: une manière de criminaliser tous ceux qui défendraient «l'ordre patriarcal» – bien qu'il soit la chose du monde la mieux partagée sur terre, hormis dans les pays occidentaux – et qui serait, par nature, une incitation, plus ou moins explicite, au meurtre ou à la persécution des homosexuels. Cet amalgame permet d'envoyer les contradicteurs dans l'enfer haineux de ceux qui refuseraient la nécessaire diversité multiculturelle. Nous avions vu cette même posture lors du débat sur le «mariage pour tous». Troisième confusion: celle entre l'homosexualité comme une liberté personnelle, et qui est à préserver, et l'idéologie LGBT qui elle, via la théorie du genre, doit s'imposer à tous et désaffilier les genres et ouvrir le champ des sexualités possibles. Les idéologues LGBT, dont les représentants ont tous leurs rond de serviette dans l'audiovisuel public, ne défendent pas une liberté d'indifférence (celles des sexualités de chacun) mais prônent, volontairement, des révolutions anthropologiques radicales.
Ces trois confusions volontaires, conduisent à un coup force permanent, une constante violence intellectuelle dans tous ces débats. Celui qui remet en cause l'un ou l'autre de ces jeux de mikado des sexualités flottantes autant qu'indéterminées est jugé «homophobe». Celui qui garde une conviction religieuse est d'une manière ou d'une autre «homophobe». Celui qui dirait sa solidarité vis-à-vis des victimes d'Orlando et qui serait contre «le mariage pour tous» est un complice du meurtrier. […]
On préfère ici lutter contre les «assignations sexuelles» plutôt que de lutter, ailleurs, et surtout dans les pays musulmans, contre l'oppression bien réelle des homosexuels et des femmes, leurs humiliations, leurs condamnation à l'invisibilité sociale. Le multiculturalisme est aussi une guerre de civilisation, une manière de rendre l'entente impossible et la réconciliation improbable."