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Valeurs chrétiennes : Culture

Ouvrage inédit d’Etienne Gilson : renoncer à la métaphysique c’est mutiler la raison

Unité expérience philosophique-1re de couvertureUn livre important du grand philosophe français Étienne Gilson (1884-1978), L’Unité de l’Expérience philosophique, avec pour sous-titre « La tentative médiévale — La tentative cartésienne — La tentative moderne », vient de paraître pour la première fois en français. Gilson l’avait écrit en anglais, et l’avait fait paraître en 1937 en Amérique ; mais jamais personne ne l’avait traduit dans la langue maternelle de son auteur. Les moines de Fontgombault viennent de combler cette lacune en traduisant et publiant ce livre, précédé d’une belle préface de Rémi Brague.

Gilson y utilise l’histoire de la philosophie comme un outil pour tenter de dégager certaines lois générales de l’esprit humain :

« L’histoire de la philosophie est au philosophe ce que le laboratoire est au scientifique ; elle montre en particulier comment les philosophes ne pensent pas comme ils le veulent, mais comme ils le peuvent, car les relations mutuelles des idées philosophiques sont tout aussi indépendantes de nous que le sont les lois du monde physique. […] Un homme est toujours libre de choisir ses principes ; mais une fois qu’il les a choisis, il lui faut faire face à leurs conséquences jusqu’au bout. » (p. 117)

L’auteur examine une série de tentatives philosophiques, depuis le moyen-âge jusqu’au xxe siècle, et il constate dans l’histoire de la pensée la récurrence de certains enchaînements de phénomènes. À chaque fois qu’un penseur veut philosopher à l’aide d’une science autre que la métaphysique, par exemple la logique pour Abélard, la théologie pour Al Ashari et Malebranche, les mathématiques pour Descartes, la physique pour Kant, la sociologie pour Comte, son système aboutit à des impasses, qui elles-mêmes fraient la voie au scepticisme.

« Nous ne pouvons vivre sans assigner un certain sens à notre existence, ni agir sans assigner un certain but à notre activité. Lorsque la philosophie ne fournit plus aux hommes de réponses satisfaisantes à ces questions, les seuls moyens pour ceux-ci d’échapper au scepticisme et au désespoir sont le moralisme, ou le mysticisme, ou une certaine combinaison des deux. » (p. 98)

Gilson fait preuve de son humour habituel, parfois caustique, mais toujours empreint de bienveillance :

« Nul ne saurait être victime de son génie s’il n’en a pas ; mais ceux qui n’en ont aucun sont parfaitement dans leur droit lorsqu’ils refusent d’être victimes du génie d’autrui. N’ayant pas fait les découvertes mathématiques de Descartes et de Leibniz, nous ne saurions être tentés de soumettre toute question aux règles des mathématiques ; mais c’est notre médiocrité même qui doit du moins nous aider à ne pas commettre cette erreur. Il y a plus d’une excuse à être Descartes ; mais il n’y en a pas la moindre à être cartésien. » (p. 7)

L’auteur dégage de ces tentatives une expérience philosophique : seule la métaphysique, science de l’être et de ses propriétés, est à même de mener l’homme à une réelle connaissance philosophique, qui lui permet de tirer de la réalité une authentique connaissance du monde, de lui-même et de Dieu.

« Car notre commun juge, le voici : c’est la raison, qui est elle-même soumise au jugement de la réalité ; et tous, nous sommes égaux et libres au plus haut point lorsque nous nous plaçons également sous son gouvernement. » (p. 44)

Renoncer à la métaphysique, à cet usage de la raison qui consent à s’ouvrir au mystère de l’être, c’est en fin de compte mutiler la raison elle-même, et de ce fait la science.

« La condamnation initiale de la métaphysique au nom de la science, que de telles philosophies postulent être le seul type de connaissance rationnelle, atteint invariablement son point culminant dans la capitulation de la science elle-même devant un certain élément irrationnel. C’est là une loi nécessaire, que l’on peut déduire de l’expérience philosophique. » (p. 259)

Dans sa préface, Rémi Brague souligne :

« On remarquera avec reconnaissance et admiration que les traducteurs du présent livre, qui ont choisi de rester anonymes, ont renouvelé l’exploit déjà réalisé en 2013 avec Dieu et la philosophie : traduire le Gilson anglais dans le français coulant, élégant et coloré du même Gilson. Ils ont de plus effectué un humble et énorme travail de recherche des sources. Ils ont en particulier reproduit dans l’original grec, latin, allemand ou russe les passages que Gilson avait soit traduits lui-même soit empruntés à des traductions anglaises. De la sorte, la traduction en devient plus complète que l’original. »

Photo Gilson-grisÉtienne Gilson (1884-1978) fut professeur à la Sorbonne, à l’École pratique des hautes études, à Harvard et au Collège de France ; il fut élu à l’Académie française en 1946. Plusieurs ouvrages ont fait de lui l’un des maîtres de l’histoire de la philosophie médiévale. Il a renouvelé l’étude de la pensée de saint Thomas d’Aquin en y dégageant une métaphysique de l’acte d’être. En 1929, il fonda à Toronto l’Institute of Mediæval Studies.

Pour commander l'ouvrage :

Association Petrus a Stella

Abbaye Notre-Dame

F-36220 Fontgombault

24,00 € (+ 5,60 € de port si le livre est commandé à l’abbaye)

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