Du père Danziec dans Valeurs actuelles :
Hier, a été célébrée dans la basilique Saint-Pierre de Rome une messe en latin dans le rite traditionnel. Rassemblant une immense foule de fidèles, la cérémonie avait été permise par le pape Léon XIV. Signe d’une détente ?
Ce matin, les quotidiens italiens La Verità et Il Tempo, pour ne parler que d’eux ; vendredi, une double page dans La Croix ;hier soir à la télévision, un sujet entier dans le journal de 20h de la Rai 1, équivalent transalpin à la chaîne France 2. Chacun de ces médias ont donné la part belle à un événement détonnant de ce début de pontificat du pape Léon XIV et qui laissera, probablement, plus de traces qu’un regard distrait et rapide ne saurait y songer. Ce samedi 25 octobre était en effet célébrée une messe traditionnelle, pontificale et solennelle, par le cardinal américain Raymond Burke sur l’autel de la chaire de Saint-Pierre, dans la basilique majeure du Vatican. Cette célébration en latin, selon la liturgie d’avant Vatican II, faisait elle-même suite au colloque international organisé la veille, le vendredi 24 octobre, par Pax Liturgica. Depuis quatorze ans désormais, cette association s’attache à réunir dans la capitalede l’Église les baptisés, prêtres et fidèles, qui ont partie liéeavec la messe traditionnelle. « A l’origine, nous avons organisé ce pèlerinage en action de grâce. Notre but était de remercier Benoît XVI pour son souci d’asseoir la paix liturgique dans une Église fracturée » explique l’abbé Barthe, aumônier du rassemblement. Après le changement de style, et d’orientation, du pontificat du pape François, le rendez-vous s’est transformé en plateforme romaine, permettant de faire l’état des lieux du dynamisme missionnaire de la messe traditionnelle à travers le monde.
Plus de 115 nations représentées et de nombreuses familles au rendez-vous
A observer de près cet évènement, c’est très certainement le nombre de participants – leur jeunesse et le caractère cosmopolite du rassemblement ! – qui impressionne. « C’estvraiment adorable de la part du Vatican d’organiser une messe pour les jeunes dans Saint-Pierre-de-Rome » confie, un brin taquin, un fidèle anglophone. Au-delà de la portée médiatique, en interne dans l’Église, de ce rendez-vous annuel de fidèles attachés à l’univers traditionnel, ces deux journées témoignent avec force de la vitalité et du caractère international du rite romain ancien. Plus de soixante ans après la réforme liturgique, son attrait ne faiblit pas et ils étaient effectivement plus de trois milles fidèles à prendre part à la grande procession dans les rues de Rome, puis à la messe pontificale dans la basilique Saint-Pierre. Plus de 115 drapeaux de différentes nations se dressaient au-dessus de la foule, sans compter les près de trois cents clercs, de tous les continents, qui entouraient le célébrant à l’autel. Jamais le pèlerinage Pax Liturgica n’avait rassemblé autant de monde. Selon les organisateurs, « les attentes en ce début de pontificat et les espérances liées à la personnalité fédératrice de Léon XIV sont immenses ».
Après les restrictions singulières qu’eurent à subir les célébrations dans le rite ancien (dit “traditionnel” ou “rite de saint Pie V”), restrictions mises en place en juillet 2021 par le motu proprio Traditionis Custodes du pape François (dont certains vaticanistes estiment qu’il fut sans doute lui-même dépassé sur sa gauche par des groupes pressions, dont seule Rome peut se prévaloir d’être le théâtre), l’heure serait-elle venue au dialogue, à la paix et, finalement, à la concorde entre catholiques ? Ce rassemblement des amoureux de la messe en latin a peut-être offert l’esquisse d’une réponse. Tout d’abord, l’accord donné par Léon XIV lui-même pour que deux cardinaux, et non des moindres, y participent activement : le cardinal Burke, américain, éminent canoniste, classé conservateur, à la fois manifestement filial à l’endroit de la papauté et en même temps soucieux d’une authentique justice liturgique, et le cardinal Zuppi, président de l’influente Conférence des Évêques d’Italie, archevêque de Bologne, papabile lors du dernier conclave et personnalité habituellement classée à gauche. Ensuite, et ce fut certainement l’un des points culminants de ce pèlerinage organisé Pax Liturgica, ces deux acteurs cruciaux du dernier conclave, malgré les bords différents que suggèrent leurstrajectoires personnelles, ont pourtant échangé de longues accolades significatives, avant et après les vêpres, célébrées dans la basilique San Lorenzo in Lucina vendredi, tout près de la place d’Espagne. Ces deux personnalités, que des esprits trop cartésien opposeraient volontiers, se retrouvaient ainsi sur un enjeu d’importance pour l’avenir de l’Église : la paix liturgique. En politique politicienne, comme en politique ecclésiastique, il y a des gestes qui ne trompent pas. La liturgie ancienne comme point d’union possible et le lieu de charité authentique.
« Que l’Église entière parvienne à une compréhension et à un amour toujours plus grand du don prodigieux de la liturgie sacrée » : Cardinal Burke
Autre fait marquant, le cardinal albanais Simoni, âgé de 97 ans, qui prit la parole lors de la messe pontificale dans la basilique Saint-Pierre-de-Rome. Créé cardinal en 2016 par le pape François, il avait été auparavant emprisonné pendant 18 ans dans les geôles communistes – entre 1968 et 1981. Ce martyr vivant du catholicisme n’hésitait pas à soutenir l’événement par sa présence et sa prière. Le cardinal Burke, durant son homélie, rendait quant à lui grâce à Dieu pour l’ouverture de Benoît XVI et demander que, par son intercession, « L’Église entière parvienne à une compréhension et à un amour toujours plus grand du don prodigieux de la liturgie sacrée, telle qu’elle nous a été transmise sans interruption par la sainte tradition et les apôtres et leurs successeurs ». Le prélat américain ne manquait pas de saluer les fidèles « qui, tout au long des siècles chrétiens, ont rencontré le Christ et ont approfondi leur vie en Lui, grâce à cette forme vénérable du rite romain ». Selon lui, comment ne pas « remercier Dieu pour la manière dont cette forme vénérable du rite romain a amené à la foi et approfondi la vie de foi de tant de personnes qui ont découvert pour la première fois sa beauté incomparable ».
Ces mots forts du cardinal Burke, prononcées sous les voutes de la basilique Saint-Pierre, venaient comme en écho aux prises de paroles de convertis qui, la veille, avaient eu l’occasion de témoigner de leur parcours lors du colloque international proposé par Pax Liturgica. Celle notamment d’une brésilienne, venant du spiritisme et du protestantisme,avait fait forte impression.
De cet évènement, dont la jeunesse et l’espérance étaient sans doute les maîtres mots, il ressort que la fécondité et ledynamisme des pédagogies traditionnelles de la foi ne peuvent que contribuer au bien commun de l’Église universelle. Les prochains mois diront si ce sentiment est partagé en haut lieu.
