L'abbé Christian Venard, aumônier du 17e RGP, a été interrogé dans La Vie. Extraits :
"Aîné d’une tribu de sept enfants, j’ai grandi dans une famille qui a donné à l’Église beaucoup de prêtres et de religieux. Du fait du métier de mon père, officier dans l’armée, nous déménagions souvent, mais c’est à Rennes que j’ai passé le plus clair de mon enfance. Quand j’avais 12 ans, mes parents furent victimes d’un grave accident de voiture. Maman, qui était alors une jeune femme, en sortit défigurée. Cet épisode marquaprofondément leur vie spirituelle. Jusqu’alors, ils étaient catholiques par tradition familiale ; leur relation au Christ devint plus intense. Cela rejaillit sur toute la famille. Nos parents nous firent vivre ainsi une enfance imprégnée par le catholicisme. La ferveur faisait partie de la trame ordinaire des jours.
Mon bac en poche, j’allai à Paris faire des études d’Histoire et de droit. En 1989, je fondai également une société spécialisée dans le recrutement d’assistants dentaires. Le succès fut très rapidement au rendez-vous. Pourtant, malgré cette réussite, je n’étais pas heureux. Je ressentais une insatisfaction, le sentiment profond de n’être pas là où j’aurais voulu être. Au fond de moi, je savais la raison de ce mal-être : l’appel de Dieu, entendu à 8 ans, lors d’un camp louveteaux. Un prêtre m’avait demandé : « As-tu jamais songé à devenir prêtre ? » Aussitôt, dans une sorte de fulgurance, j’avais su que le Christ m’appelait. Cette vocation, que je gardais dans le secret de mon coeur, je me suis longtemps senti incapable de la déployer. Marqué par le fond janséniste de mon éducation, je croyais que le Seigneur n’appelait à lui que des saints. Une confession, lors du carême 1987, joua le rôle d’un déclencheur. Je m’agenouillai devant le prêtre, et tout s’éclaira. « Tu n’as rien compris, me dis-je, si tu veux devenir saint, suis cet appel, ne le rejette pas au motif que tu es pécheur. » Mais rien n’était joué. Je ne voulais pas devenir prêtre car je savais que c’était une vie crucifiée, que le coeur d’un prêtre était un coeur saignant, blessé dès le départ par le célibat. Cette souffrance me faisait peur. Comme Jacob, je luttai donc pied à pied. Happé par le succès de ma société, la vie sociale qui en découlait, j’essayai d’étouffer cette vocation. C’est alors que Dieu, par l’entremise des personnes qu’il plaça sur mon chemin, me bombarda de signes tangibles qu’Il était là et qu’Il me voulait. Un jour de 1992, je m’avouai vaincu… Au séminaire français de Rome où l’on m’envoya me former, je découvris ce qu’était une vocation diocésaine.
Je réalisai aussi que je n’avais pas d’attachement à un diocèse, ayant été pendant toute mon enfance balloté d’une ville à l’autre au gré des affectations de mon père. En revanche, le seul endroit dont je me sentais proche, ma seule terre, mon seul terreau, c’était l’armée. Je fus donc ordonné prêtre en 1997 avec la mission de devenir aumônier pour le diocèse aux armées. Au-delà de la partie cultuelle, la mission d’un aumônier militaire consiste à accompagner humainement les troupes. Nous vivons immergés dans l’armée, nous portons la tenue des soldats, nous partageons leurs repas, leurs soucis. L’essentiel de ma pastorale consiste à faire le tour des régiments, à serrer des mains, à regarder chaque militaire que je croise avec le regard du Christ, indépendamment de son grade, à être, pour lui, une figure paternelle auprès de laquelle il se sente vivant. L’homme de Dieu est aussi l’interlocuteur privilégié quand le régiment rencontre la mort. C’est alors que tout le vécu partagé avec les troupes, la légitimité humaine acquise auprès d’eux, trouve son sens. Dans ces moments de deuil, comme ceux que nous vivons en ce moment, les « gars » n’ont pas une demande spirituelle spécifique. Mais ils attendent, pudiquement, que je sois, tel un père, un padre, présent auprès d’eux. Voilà d’ailleurs l’essentiel de ma mission : être la présence réconfortante du Christ au milieu de mes frères militaires."
PG
Très beau témoignage.
Mais pourquoi cette manie dans l’armée et chez les scouts d’appeler les aumôniers ”padre”, comme si dire l’abbé ou le père ou M. l’abbé ou Père était minoratif. Ce genre de tics de langage de certains milieux finit pas les séparer du reste du monde catholique, me semble t il.
Papy résistant
Le terme Padre dans les armées, vient à l’origine de l’armée de l’air, où ce fut une habitude rapidement prise (comme dans la Marine, l’appellation Boüt). Cette appellation à été ensuite reprise par les premiers parachutistes (créés, faut-il le rappeler, au départ,dans le cadre de l’Armee de l’air). Pendant longtemps, seuls les aumôniers paras et Légion, furent ainsi désignés. A partir de 1999 et les opérations au Kosovo qui virent l’ensemble des unités de l’armée de terre partir en opération extérieure, cette appellation s’est généralisée.
À ma connaissance, l’appellation Padre dans le cadre civil n’a pas vraiment de raison d’être (si ce n’est parfois un peu de mythomanie…).
Concrètement, elle permet à l’aumônier militaire catholique d’être ainsi dénommé par tous les militaires quelle que soit leur confession ou leur absence de confession.
Cassianus
@PG
Je me pose la même question que vous, et la seule réponse qui me vient à l’esprit est qu’un langage trop catholique peut donner l’impression un peu honteuse d’être… catholique. C’est la même pudeur qui fait dire “caté” ou “catéchèse” pour éviter le mot “catéchisme”. Ou “catho” pour ne pas dire “catholique”. Avec l’usage, ces expressions au départ un peu insoumises deviennent pesamment conformistes, et c’est le langage traditionnel qui, en revanche, prend une allure d’indépendance altière et presque provocante.
Sancenay
Très bien mais je ne vois pas en quoi une tradition familiale catholique ne pourrait pas être très naturellement intense?
Serait-ce un peu le syndrome mondain “padre” comme le fait remarquer judicieusement PG, “padre”,qui paraissent parfois redécouvrir l’Amérique.
Après tout si cela les invite à prendre le chemin des exemplaires cardinaux et évêques américains qui, à la tête de leur brebis, prêtres et laïcs tout simplement , défendent sans complexe la Vie , toute la Vie ,contre le totalitarisme déferlant également outre atlantique du fait d’un (autre) chouchou des média…
PG
@Papy résistant
Merci pour ces précisions : c’est encore un coup de l’armée de l’air……
xenophon
Il y a une lignée formidable d’aumôniers militaires dont le “père” Venard manifestement fait partie,on pense bien sûr au père Casta,au père de Pommerol, au père Yannick Lallemand qui vient d’être promu commandeur de la Légion d’honneur ,à Mgr Ravel ,actuel évêque aux armées!
Michal
Cet abbé, et pour déplaire à certains, ce Padré, fût aussi le mien, tant à la BP, que plus tard en la Lande Bretonne… Il m’a raccroché fermement à la foi, m’a appris à concilier Vatican II et mon coté “tridentin”, m’a préparé à la confirmation, et je le remercie pour tout !
C’est un exemple d’intégrité et de foi ! Salutations Monsieur l’Abbé, salutations Abbé Christian !
A bientôt, je l’espère, UDP
Amaretto
Quel beau témoignage, puisse t il encourager tous les jeunes qui se posent sérieusement la question de la vocation mais craignent la réponse ! Merci Padre !
PS : Padre, c’est Papa, Papa de tous, des soldats loin de leur famille, des soldats en manque de figure paternelle, et c’est la raison de vivre d’un prêtre : être le padre de chacun sur sa route
Il n’y a pas à polémiquer étroitement tel un pharisien sur les termes
brennou
Après les campagnes d’Afrique et la fréquentation des indigènes islamisés, les aumôniers (fréquents à l’époque et bien considérés dans l’Armée) furent surnommés les “marabout”, bien sûr abrégé en “Marab” dans l’Armée de Terre pendant que la Marine gardait le “Boüt” pour marquer sa distance. Quand l’Armée de l’Air apparut, il lui fallut se distinguer avec le “Padre”. Pourquoi pas ? Ces appellations familières qui ne choquent que les non initiés font tomber bien des barrières psychologiques dans les milieux où elles ont cours.