De Vincent Trémolet de Villers à propos du Conseil de Paris, qui vote successivement la piétonisation des voies sur berges et la création dune zone naturiste :
"[…] Proposons ici aux élus de Paris d'attribuer à ces braves gens une partie des voies sur berge de la rive droite. Une zone sans voiture, sans chemise et sans pantalon. À pied, en trottinette ou en Vélib, on y déambulera nu comme des vers. L'outrage aux bonnes mœurs s'arrêtera à cette nouvelle frontière et le mooning (coutume britannique qui consiste à montrer son arrière-train), laissera le passant indifférent. Il y aura inauguration (tenue de ville?), campagne électorale sur zone où l'on pourra mesurer le degré d'implication des candidats. C'est magique et tragique: un mélange de Houellebecq et de Philippe Muray.
«Le réel ne passera pas», poursuivait ce dernier. Le réel, il faut dire, est triste comme un monospace, ennuyeux comme un lotissement, vulgaire comme un embouteillage. Plus encore, avec sa cohorte de chômeurs, de commerciaux qui roulent en diesel, de prolos qui ont la même bagnole depuis 1998!, de banlieusards qui n'habitent pas une surface atypique en plein cœur de Paris, de «pass Navigo» qui ne goûtent pas à la poésie des «défaillances techniques» et des «incidents voyageurs» dans le RER E, le réel est dégoûtant. «Salauds de pauvres!», lançait Jean Gabin dans La Traversée de Paris.
On préfère une vie de coulées vertes et de potagers urbains (bio), de plages estivales et de Nuit debout, de marchands de légumes oubliés et de lieux de mémoire, de restaurants végans et de galeries vides, de squares sans tabac et de salles de shoot, de burkinis et de naturistes, de barbiers «à l'ancienne» et de hipsters. Puisqu'il est impossible de remplacer l'asphalte des rues parisiennes par les surfaces souples des écoles maternelles, la mairie, heureusement, ne lésine pas sur les «alertes nécessaires ainsi que les informations et les recommandations en direction des usagers sur ce qu'il faut faire et ce qu'il vaut mieux éviter» (Muray encore). On oubliera donc ni casque ni genouillère, et «la police du plaisir sain», bras croisés et bottes de cuir, veillera au grain dans les rues de Paris. Rollers et matraque: le bonheur, c'est fluide comme une circulaire municipale. […]"