Dans Minute, Bruno Larbière analyse l'ouvrage de Patrick Buisson. Extraits :
"[…] Ce que Patrick Buisson remet en cause, au nom d’un « conservatisme transgressif » qui est bien plus que cela, c’est toute l’évolution de la droite française depuis que le « sinistrisme » décrit par Albert Thibaudet – le glissement à gauche de la vie politique française – a remplacé son substrat par des idéologies qui lui étaient étrangères, venues de la gauche, comme le libéralisme. De sorte que dans la classification des droites établies par René Rémond – la droite légitimiste, la droite orléaniste, la droite bonapartiste –, seule l’est véritablement la première. […]
On est loin, très loin, de la politique politicienne, loin même de la simple chronique indiscrète d’un quinquennat vécu au plus près du prince d’un instant – ledit prince étant, au demeurant, mû par l’instantanéisme. Quand tous les autres ou presque prennent pour point de départ, qui la victoire de François Mitterrand – c’était tout à l’heure, il y a quelques minutes –, qui Mai 1968 – c’était hier –, qui 1870, 1848 ou la Révolution française – avant-hier –, Patrick Buisson s’inscrit dans le temps long.
« Il aura fallu 45 000 ans, écrit-il, pour que le marché supplante le sacré », ajoutant, en une condamnation radicale qui fait écho à ses passages d’une rare densité sur la droite et l’argent, la droite et le marché, la droite subjuguée et pervertie par l’économisme : « Dépouillé de ses oripeaux symboliques par les philosophes du soupçon, l’homo oeconomicus a pris la relève historique de l’homo religiosus définitivement disqualifié pour manque d’appétit consumériste. » Ce que nous étions depuis la grotte Chauvet n’est plus, et de cela droite et gauche sont coupables de l’avoir fait, en un temps incroyablement court au regard de cette même histoire.
Ce que reproche Patrick Buisson à la droite française et à tous ceux qui s’en prévalent, c’est de s’être reniée elle-même. C’est de s’être abjurée – et de l’avoir fait sans jamais vouloir l’avouer, pire : en faisant croire qu’elle était restée elle-même. C’est d’avoir délaissé tout ce qui faisait sa spécificité, tout ce qui faisait sa précieuse richesse, tout ce qui faisait sa raison d’être : les racines, la transmission, la défense des communautés naturelles et des solidarités traditionnelles. […]
L’adage est connu qui veut qu’en France, « il y ait deux formations de gauche dont l’une s’appelle la droite ». Pour Buisson, la droite qui renaît, la droite qui arrivera, celle dont il voit d’intéressants prémices dans le mouvement initié par et autour de La Manif pour tous, est celle qui, s’étant retrouvée, sait « saisir le sacré immergé dans le temps », fait montre « d’un don incomparable pour mettre à jour les permanences anthropologiques à travers la trame des siècles », est la « gardienne des continuités », est la « conservatrice des traditions », la « passeuse préposée à la transmission de l’hoirie », mot ancien qui signifie héritage. […]
L’habileté de Patrick Buisson est d’avoir su délivrer son message politique ô combien réactionnaire, ô combien anti-moderne – et ô combien réjouissant – au fil d’un ouvrage où il fait alterner anecdotes et références à Péguy, Bernanos, Chesterton, ou encore Pierre Chaunu, Christopher Lasch ou Marcel Gauchet, et que La Cause du peuple se lit comme l’explication de texte drolatique et illustrée du quinquennat de Nicolas Sarkozy. […]"