Lu dans Le Monde :
[…] A l’occasion d’un point presse tourné dans un verger, on assiste au face-à-face déséquilibré entre le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, droit dans ses bottes, et un journaliste qui l’accuse de s’inspirer de Donald Trump. « De quoi parlez-vous ? », le coupe Poilievre tout en continuant nonchalamment à croquer dans une pomme. Déstabilisé, son interlocuteur bafouille. Le député en profite pour resservir son leitmotiv : en revenir à une politique de « bon sens » qui fait défaut au gouvernement actuel. […]
De Donald Trump, Pierre Poilievre, 45 ans, partage le goût de la formule choc que l’on retient à force d’être rabâchée. Dans sa bouche, l’inflation devient la « justinflation », pour viser nommément le premier ministre canadien, le libéral Justin Trudeau. Devant les caméras comme sur ses tee-shirts de campagne, il affiche son mantra « Axe the tax » (« couper dans les taxes »), bien décidé à passer à la moulinette la taxe carbone, l’impôt sur la pollution instauré par le gouvernement Trudeau.
A l’instar du milliardaire américain, Pierre Poilievre n’hésite pas à injurier ses adversaires politiques. Jagmeet Singh, le chef du Nouveau Parti démocratique (gauche) ? « Un vendu. » Le premier ministre, Justin Trudeau ? « Un cinglé. » Cette dernière invective a causé son expulsion (provisoire) de la Chambre des communes, le 30 avril. Si le site américain d’informations Vox, de tendance progressiste, a qualifié ce printemps le conservatisme version Poilievre de « trumpisme poli », l’adjectif ne convient pas à tout le monde. […]
Comme le président élu américain, Pierre Poilievre rejette les médias traditionnels. Pour lui, il serait plus utile de transformer en logements le siège de CBC, le média public canadien anglophone. Celui dont le premier job fut pourtant livreur du Calgary Sun, un quotidien de l’Alberta, n’hésite pas non plus à boycotter temporairement le plus grand diffuseur privé du pays, CTV, qu’il juge coupable d’un montage déformant ses propos. La chaîne a reconnu une erreur, mais le chef du Parti conservateur estime que la chaîne s’en prend à lui parce qu’il se bat « pour le peuple, contre les capitalistes de connivence », a-t-il dit le 24 septembre.
Né d’une mère adolescente de 16 ans qui l’a confié à l’adoption, il a été élevé par des enseignants de Saskatchewan installés à Calgary, au cœur du pays. Dans sa biographie (un brin hagiographique) consacrée à Pierre Poilievre, Andrew Lawton, plume conservatrice, considère que ses origines ainsi que son diplôme en relations internationales obtenu à l’université de Calgary lui permettent d’être aussi proche du peuple qu’à l’aise avec les élites. […]
En coulisses, sa garde rapprochée, qui compte un des meilleurs amis de J. D. Vance, le futur vice-président américain, passe des coups de téléphone chez les voisins du Sud : Pierre Poilievre se prépare à entrer en scène. Des élections générales sont prévues au Canada à l’automne 2025. Mais le gouvernement Trudeau, actuellement en situation minoritaire au Parlement, pourrait tomber plus tôt. […]
PascaleBrebis
Pierre Poilievre est loin d’avoir le charisme, l’envergure et l’entregent de Donald Trump, mais il défend différemment les mêmes valeurs conservatrices. Il semble être sous sédatif. Il n’est pas très populaire au Québec, qui, pour se débarrasser de Trudeau (soutenu par les médias comme K. Harris aux USA), risque de favoriser le «Bloc Québécois» un parti indépendantiste à tendances conservatrices mais exclusif au Québec et voué à l’opposition, déterminante dans les gouvernements minoritaires (32 députés tout de même). Leur chef, Yves-François Blanchet est, objectivement, l’homme politique canadien qui communique le mieux… en français, et c’est souvent truculent, mais toujours sérieux.