Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport accablant sur la réforme de l’instruction en famille, des parlementaires et politiques de différents bords, mais aussi des membres de la société civile, défendent dans une tribune publiée dans Le Figaro l’instruction en famille :
Quel est le point commun entre Pierre Curie, Marguerite Yourcenar, Agatha Christie et Jean d’Ormesson ? Ils ont tous bénéficié de l’instruction en famille.
La Cour des comptes a publié récemment un rapport aussi accablant qu’éclairant sur la réforme de l’instruction dans la famille. Derrière la technicité apparente des constats – procédures lourdes, inégalités territoriales, manque de coordination – se dessine une réalité politique : l’État a délibérément érigé des obstacles pour dissuader les familles d’exercer une liberté fondamentale.
La liberté d’enseignement est protégée par le Préambule de 1946. L’article 26.3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». Cette hiérarchie est claire : ce n’est pas à l’État d’imposer, c’est aux parents de choisir, ils sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants. Le rôle de la puissance publique n’est pas d’autoriser, mais de garantir que chaque enfant reçoive une instruction afin qu’il puisse devenir un adulte éclairé.
Depuis 2021, l’instruction en famille (IEF) ne relève plus de la liberté d’enseignement garantie par le droit français, mais d’un régime d’exception. L’autorisation préalable, imposée par la loi du 24 août, a remplacé le simple régime déclaratif. Résultat : les familles doivent désormais quémander un droit qui devrait leur être reconnu d’office, un droit naturel, celui d’instruire leurs enfants. Le principe de liberté a été inversé : c’est désormais à la famille de se justifier, et à l’administration d’en juger l’opportunité.
En trois ans, le nombre d’enfants instruits en famille est passé de 72 000 à 30 644. Soit une baisse de près de 60%. Et pourtant, plus de 90% des contrôles pédagogiques sont jugés satisfaisants. Le message implicite est clair : ce n’est pas tant la qualité de l’instruction qui est en cause que la légitimité même de ce choix éducatif. La procédure est si complexe, si incertaine, si arbitraire qu’elle décourage les plus fragiles, les moins au fait des arcanes administratives, ceux qui n’ont ni réseau ni avocat. On ne supprime pas la liberté par décret, on la rend inaccessible.
Pire : les traitements varient d’une académie à l’autre. À Créteil, seul un enfant sur quatre a vu son autorisation reconduite. À Aix-Marseille, ils sont trois sur quatre. Faut-il vivre dans la bonne région pour bénéficier d’un droit fondamental ?
L’instruction en famille ne menace ni la République, ni la cohésion nationale. Elle concerne une minorité d’enfants, souvent pour une durée courte (deux ans pour les deux tiers des familles), et répond à des situations très concrètes : phobie ou harcèlement scolaire, besoins particuliers, handicap, itinérance, pédagogies alternatives. Elle est diverse, socialement, géographiquement, culturellement. Et elle donne des résultats. Les rares dérives peuvent – et doivent – être encadrées par des contrôles pédagogiques renforcés permettant de sanctionner et d’interdire des cas isolés, comme le propose la Cour des comptes.
Quelles que soient nos convictions politiques, ce que nous défendons, c’est une idée exigeante de la République française : une République française qui ne craint pas la liberté, qui fait confiance à ses citoyens, qui n’érige pas l’uniformisation en dogme, ni la conformité en vertu. Une République française qui croit encore que la liberté est la condition de l’excellence, et non son ennemi.
Les signataires :
Véronique Besse, députée (non-inscrit)
Philippe Lottiaux, député (RN)
Anne-Laure Blin, députée (DR)
Sylviane Noël, sénatrice (LR)
Stéphane Ravier, sénateur (non-inscrit)
Stéphane Viry, député (LIOT)
Marie-France Lorho, députée (RN)
Maxime Michelet, député (UDR)
Josiane Corneloup, députée (DR)
Roger Chudeau, député (RN)
Franck Menonville, sénateur (UDI)
David Lisnard, maire de Cannes et président de Nouvelle Énergie
Chantal Delsol, philosophe
Lisa Hirsig, responsable de la communication de l’IREF
Ghislain Lafont, président Fonds du Bien Commun
Jean-Baptiste Maillard, secrétaire général de Liberté éducation
Pierre-Vincent Guéret, chef d’entreprise
Bérénice Levet Docteur en philosophie et essayiste
Michel Valadier, DG de la Fondation pour l’École
Marie Bancel, autrice de livres jeunesse
Antoine Fouret, avocat
Chloé Oudin-Gasquet, psychologue
Remy Philippot, avocat
Magali Dumas, co-fondatrice de l’Association UNIE
Typhanie Degois, chef d’entreprise
Anne Coffinier, présidente de l’association Créer son école