Dans Valeurs Actuelles, l’abbé Danziec souligne que la fête de la sainte Valentin masque le grand vide laissé par Mai 68 :
[…] La révolution sexuelle pensait délivrer les désirs humains de leurs contraintes naturelles ou sociales. Elle aura surtout passablement abimé la qualité de leur réalisation. L’ère de la contraception, de l’amour libre et de la décontraction morale a opéré un bouleversement anthropologique majeur dans les relations humaines, et dans ce qu’elles ont de plus intime. Toutes les révolutions ont leur retour de bâtons. La facilité déconcertante avec laquelle est envisagée aujourd’hui l’union de deux êtres dit beaucoup de l’insoutenable légèreté de notre société sur des sujets aussi lourds et sérieux que peuvent être ceux de l’amour, de la fidélité ou de la prévenance de cœur. Non, il n’y a rien d’anodin à déshabiller son être. On ne fait pas l’amour comme l’on fait un gâteau ou un château de sable. Pas plus qu’on ne « fait » la fête ou un enfant. On célèbre quelque chose ; et en cela on offre à l’amour toute sa majesté. On se rencontre, on se retrouve. On échange et on se communique. Dans les choses les plus ordinaires du quotidien comme dans le secret d’une relation. Dans la délicatesse comme dans la tendresse. On se donne d’une façon spéciale. On se transporte aussi. Au final, surtout, on s’élève. Et cela s’apprend. Non pas techniquement, à coup de cours d’éducation sexuelle ou d’objets coquins sensés pimenter ce qui devrait être déjà sublime en soi. Sinon à perdre son âme, l’amour ne saurait devenir un produit de consommation. Imagine-t-on un seul instant le prince charmant assis sur la margelle d’une fontaine proposer à Cendrillon un coup d’un soir ? L’amour, ce ne peut être s’aimer que la nuit. C’est s’aimer pour toujours. La nuance est de taille.
Le 9 février dernier, lors de ses grands entretiens sur la chaine parlementaire (LCP), Maïtena Biraben a ainsi recueilli sur son divan les confidences de Brigitte Lahaie. Invitée particulière parce qu’ancienne actrice de film pour adultes dans les années 70, celle qui est désormais une animatrice parmi d’autres sur Sud Radio s’inquiète : « Je pense vraiment que si les gens étaient plus heureux dans leur vie amoureuse, la société irait mieux. » Mais comment cette dernière pourrait-elle aller mieux quand on la prive de toute transcendance et que l’on nie à cette vie amoureuse les exigences liées à sa survie ? Aimer son conjoint, aimer son pays, aimer sa famille, aimer son Seigneur imposent des sacrifices et réclament fidélité. L’appétit de l’autre, la complétude que l’on trouve dans la fusion des cœurs demande un pas à pas, une approche lente et progressive, un dévoilement prudentiel. Tout le contraire du déshabillage empressé, de « la hâtive et irrépressible jouissance, la brûlure que donne au corps le seul contact d’un corps, le plaisir gâché et gaspillé » dont parle Brasillach avec un indéniable talent dans l’une des plus belles pages de son roman Les Sept Couleurs. Le monde érotisé ne rend pas les gens davantage heureux. Le tout sexuel réduit l’amour humain à sa pesanteur terrestre quand, au contraire, sa dimension charnelle devrait lui donner des ailes.
La Saint-Valentin, loin de célébrer l’amour vrai, exploite les passions humaines pour mieux en tirer profit. Et se rire d’elles ensuite. Or l’ironie de l’amour libéré est sévère. 50 ans après mai 68, à l’heure de tous les possibles et de toutes les permissivités, l’état de l’amour dans la société, entre scandales à répétition et prolifération des célibataires, laisse à désirer. Plutôt que de jouir sans entrave, il est temps de rappeler qu’il s’agit plutôt d’aimer sans limite. Jusqu’à l’oubli de soi. Jusqu’au don de sa vie. Et parfois même son sacrifice. Le sublime ou un ouvrage intime nécessite des efforts, du courage, de l’abandon. De la patience aussi. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, l’amour ne saurait se dessiner en une nuit. Il est le travail d’une vie. Et selon saint Jean de la Croix, nous serons même jugés sur lui.