Guilhem Golfin est interrogé dans L’Action Française 2000. Extrait :
"[…] Il faut distinguer deux temps. Actuellement, le pouvoir échappe aux catholiques (et à tous ceux qui visent le bien commun) : il faut préparer le terrain, densifier les initiatives locales, forcément partielles, diversifier leur contenu, espérer qu’elles se renforcent les unes les autres. Mais aucune refondation ne sera durable si on n’atteint pas à terme le niveau du politique, le niveau architectonique qui permet de faire converger les énergies diverses qui font la société, de coordonner, d’unifier. Il ne faut donc jamais renoncer à exercer l’autorité politique : il y a là très clairement un travail de reconquête à mener.
Tout ce que l’Église catholique a entrepris comme action sociale depuis plus d’un siècle participe-t-il de ce bien commun ? L’Église, à travers ses structures établies et ses associations, est-elle efficace ?
Vaste question ! L’action caritative, quand elle existe, va dans le sens du bien commun. Mais il faut faire la part des choses entre cette action réelle et ce qui relève de l’idéologie de notre époque. Ainsi, par exemple, le fait que l’Église établie, comme vous dites, ait fait sien le vocable de «
solidarité», qui renvoie à une sorte de troisième voie entre le socialisme et l’individualisme libéral, n’est pas sans conséquence, et peut conduire à s’interroger sur la pertinence d’actions qui ne s’inscrivent pas toujours dans une réelle perspective de foi.Dans votre livre, n’expliquez-vous pas qu’il y a peu de chances que les clercs soient capables de penser et de conduite la refondation que vous appelez de vos vœux ?
Je le maintiens. Je ne prétends pas avoir une vision exhaustive de l’Église de France, et il y a bien sûr des clercs qui ont une juste conception de la société et sont très capables. Mais pour autant, ils ne s’inscrivent pas dans la ligne officielle telle que l’exprime la Conférence des évêques de France (CEF), censée représenter l’Église de notre pays, et ils sont minoritaires. […]
Les catholiques actifs ne sont plus qu’une minorité en France. Mais en dehors de la France, dans le monde anglo-saxon entre autres, il existe un courant philosophique et même politique qui pense les communs, le bien commun. Est-ce pertinent ?
Il y a un bien plus grand dynamisme en Angleterre et aux États-Unis que chez nous, c’est certain. L’Université y est bien plus libre qu’en France, où elle s’est transformée en tour d’ivoire et ne joue pas un rôle social. Ça ne peut que nous inspirer, malgré nos différences, et l’exercice de la raison doit permettre aux non-catholiques de retrouver une vision plus sensée, moins idéologique, de la réalité et de la société. […]"