Frère du commandant Jacques-Yves Cousteau, Pierre-Antoine Cousteau (1906-1958) fut un journaliste et écrivain politiquement incorrect. Les éditions Via Romana publient une série de portraits et entretiens, souvent inventés, de personnalités françaises et étrangères. Pierre-Antoine Cousteau, dernier rédacteur en chef de Je suis Partout, condamné à mort en 1946, libéré en 1953, est mort en décembre 1958 à 52 ans. Humour noir, ironie et second degré ne sont plus vraiment prisés par nos journalistes, lesquels se sentent aujourd’hui investis d’une mission de moralistes.
Son portrait de Charles de Gaulle est à lire en intégralité. En voici un aperçu :
Entendons-nous : pendant tout l’entre-deux-guerres, la politique russe a été limpide. Elle a consisté […] à éloigner des frontières de l’Union une menace d’invasion et à tout faire pour que le conflit éclatât le plus loin possible : à l’ouest et non à l’est de l’Europe, pour que les capitalistes s’épuisassent en boucheries fratricides. Ensuite, les bolchéviques n’auraient plus qu’à ramasser les morceaux.
Le pacte Ribbentrop-Molotov n’a pas d’autre sens. Seulement, ce calcul a été déjoué par la rapide défaite de la France. L’Allemagne ne s’est pas usée de Sedan à Bidassoa. Ses forces se sont accrues. Les Russes en ressentent tout le poids et s’en épouvantent. Leur intérêt vital est que les armées allemandes soient retenues à l’Ouest. Pour inefficace qu’il soit, l’appel du 18 juin sert ce dessein. […] Or les appels quotidiens de la BBC ont créé en France un climat de guerre civile. […] Or que fait le général du 18 juin ? Il s’acharne, derrière son micro surélevé de la BBC, à décerner des brevets de patriotisme français aux patriotes russes de langue française qui luttent pour l’Union soviétique.
[…] lorsque le général français du 18 juin blanchit le déserteur Maurice Thorez, lorsqu’il en fait son vice-président du Conseil, est-ce l’intérêt de la France ou l’intérêt de l’URSS ?
Lorsque le général du 18 juin se précipite à Moscou en 45 pour signer avec Staline un pacte qui n’apporte rien à la France, mais qui brise la solidarité des Occidentaux (espoir suprême du Kremlin), à qui cela sert-il ? […]
En matière coloniale, c’est tout aussi net. Le discours de Brazzaville et l’abandon de la Syrie préfigurent la liquidation de l’Empire.
En pleine guerre d’Indochine, le général du 18 juin n’a-t-il d’ailleurs pas tenu à affirmer devant la presse parisienne qu’il ne considérait pas comme une “agression” l’action des communistes (Russes, Chinois ou Français) contre nos soldats du Corps expéditionnaire ? Aucune hargne contre l’URSS. Toute la hargne contre les Américains “trop nombreux en Europe”. L’Huma ne parle pas autrement : “US go home !”
Ce bref rappel de l’action politique de l’homme du 18 juin ne laisse place à aucune équivoque. Cet individu a servi plus utilement, plus constamment l’Union soviétique que n’aurait jamais pu le faire M. Thorez ou M. Duclos.