C’est la question qui se pose à droite et qu’aborde Christophe Geffroy, directeur de La Nef, dans une analyse :
[…] Ajoutons qu’une victoire électorale de la « droite » contre Emmanuel Macron suppose impérativement de gagner deux types d’électorats : l’électorat populaire et la petite classe moyenne (en grande partie la « France périphérique ») ; et la bourgeoisie conservatrice. En 2017, schématiquement, Marine Le Pen représentait le premier électorat, François Fillon le second. Mais l’un et l’autre n’ont pas su mordre sur l’autre électorat, d’où leur échec cuisant à tous deux. Ce fut tout le génie de Nicolas Sarkozy (et de Patrick Buisson) d’avoir su capter ces deux franges de population en 2007, hélas pour trahir ce positionnement à peine élu !
Aujourd’hui, de ce point de vue là, les choses n’ont guère changé : battre Emmanuel Macron suppose de gagner la « France périphérique » très hostile à sa politique libérale mondialiste, mais aussi la bourgeoisie conservatrice, soucieuse de liberté d’entreprendre, qui est toujours attachée à la nation et à certaines valeurs morales (l’autre bourgeoisie qui avait aussi voté Fillon a très vite rejoint le nouveau président à l’instar des politiques LR qui maintenant le soutiennent). Grosso modo, électoralement, cela recoupe le RN (la « France périphérique ») et la droite de LR (la bourgeoisie conservatrice) : c’est l’union de ces deux électorats qui permettrait de battre Emmanuel Macron.
Le problème est que LR a été grandement siphonné par LREM (toute la bourgeoisie qui place ses intérêts d’argent avant toute chose l’ayant vite rejoint) et que rien ne dit qu’il pourra retrouver un niveau supérieur aux 8 % des européennes, ce qui est très insuffisant ; en tout cas, si LR ne veut pas disparaître ou être marginalisé comme le PS, il a tout intérêt à se démarquer radicalement d’Emmanuel Macron en devenant un vrai parti conservateur au sens noble et fort de ce terme, comme l’est un François-Xavier Bellamy, d’autant plus qu’il y a là un espace libre occupé par personne. Vu les blocages idéologiques et la peur du politiquement correct des responsables LR, cette orientation semble peu probable.
D’où l’idée de créer un véritable pôle conservateur autour de personnalités comme Marion Maréchal et Éric Zemmour [avec la prochaine Convention de droite] : idée sympathique qui mérite assurément d’être tentée, mais force est de constater que l’on ne connaît pas vraiment le potentiel électoral d’un tel pôle que certains voient plafonner à 8-10 % quand ses promoteurs estiment qu’il pourrait réunir peuple et bourgeoisie et atteindre des scores bien plus élevés : et il est vrai qu’en politique les dynamiques de progression peuvent être rapides, l’exemple de la candidature Macron est là pour le rappeler. C’est une expérience qui mérite d’être suivie et ce d’autant plus que l’absence de convictions profondes aussi bien de la majorité LR que de celle du RN sur les questions sociétales (la loi bioéthique qui se prépare en est un excellent révélateur, ni pour LR ni pour le RN il ne s’agit là de sujets prioritaires) rend urgente l’émergence d’un mouvement plus lucide et plus courageux pour résister à ce rouleau compresseur de la « culture de mort », pour reprendre l’expression de Jean-Paul II.
L’autre question est de savoir si le RN, handicapé par sa présidente qui ne semble pas vouloir lâcher « son » parti, est capable d’évoluer vers une structure moins monolithique, plus ouverte, plus raisonnée dans ses choix ? En politique, néanmoins, les équilibres ne sont jamais gravés dans le marbre et si la situation globale (notamment en termes d’identité, de précarité, de sécurité…) continue de se dégrader, la frange « populiste », principalement incarnée par le RN en France, ne pourra que monter et peut-être même arriver jusqu’au pouvoir. Là-dessus, les exemples étrangers sont instructifs : aujourd’hui, les « populistes » peuvent gagner seuls des élections…
Marion Maréchal et François-Xavier Bellamy ont tous les deux annoncé leur volonté de manifester le 6 octobre.