Article d’Hervé Rolland, Président de la Fondation pour l’école, tiré du Journal du Lycée Saint-Augustin – Juin 2024 :
Pour beaucoup, heureusement, la question ne se pose pas. Parents et professeurs constatent depuis de (trop) nombreuses années l’inexorable déclin du système éducatif français, déclin régulièrement et tristement illustré par les dernières places de notre pays dans les récents classements internationaux (TIMSS, Pisa).
Loin de baisser les bras, ces parents et professeurs se sont lancés dans la création d’établissements libres hors-contrat : libres du choix des méthodes, des pédagogies, souvent mélangées, de la vitesse d’apprentissage des programmes, adaptée aux enfants. Et surtout, libres de choisir les maîtres.
En quelques sept ans, le nombre de ces écoles a plus que doublé pour atteindre aujourd’hui le chiffre de 2510. Et la tendance n’est pas près de s’inverser.
Et, comme chacun sait, les enfants ont la faculté de grandir vite, on est très logiquement passé des écoles maternelles et primaires aux collèges et aux lycées. A la rentrée 2023, 47% des 110 créations d’établissements concernaient justement collèges et lycées.
Mais si le choix du libre hors-contrat pour ses enfants est une évidence pour les parents, pour le primaire et désormais le collège, on constate parfois une sorte de frilosité en ce qui concerne le lycée.
Deux raisons à cela. Premièrement, certains parents considèrent qu’à l’issue du collège, « le plus dur est fait », leurs enfants ayant été particulièrement bien suivis jusque-là. Ils peuvent donc désormais rejoindre un autre type d’établissement, en général privé sous contrat.
Deuxième motif, plus étonnant pour des parents qui ont tant donné, de temps et d’argent, on note parfois une petite crainte que les élèves des lycées libres soient considérés à part, des originaux en quelque sorte. Crainte aussi pour les inscriptions dans l’enseignement supérieur. Les enfants risquent-ils d’être un peu ‘discriminés’ ?
Sans parler d’un vague reste de mondanité ou de respect humain, y compris, chose surprenante, dans des familles dont on n’aurait pas soupçonné une telle attitude.
Première réponse : un lycéen arrive en classe de seconde à 15 ans.
Avec la maturité d’un garçon ou d’une fille de 15 ans ! Loin d’être accompli, il ou elle est justement à l’âge de tous les questionnements, des premiers choix fondamentaux -qui vont conditionner sa vie, en fait-, certains diraient de tous les dangers, tant les sollicitations sont nombreuses.
Ainsi, fait relativement nouveau, les réseaux sociaux habituent les adolescents à une dangereuse horizontalité : sauter d’un sujet à l’autre, au gré des actualités, des modes, des influenceurs (même les ‘bons’), sans jamais vraiment approfondir la réflexion.
Ces âges de lycée, de 15 à 18 ans, sont en réalité le moment où l’adolescent a le plus besoin de conseils, qu’il accepte plus ou moins bien de ses parents à cet âge. Il faut donc veiller, pendant ces trois années de lycée, à ce qu’il forme son jugement sans trop subir les influences de toutes sortes, surtout dans des établissements dans lesquels l’élève est moins accompagné qu’il ou elle l’a été dans des collèges libres.
Deuxième réponse : les craintes concernant l’après-bac.
Que les parents soient rassurés. Les bacheliers des lycées libres sont très prisés et même recherchés.
Pourquoi ? D’abord parce qu’ils reçoivent une instruction de grande qualité, parce qu’ils sont mieux suivis. Ensuite… parce qu’ils travaillent plus ! Tout simplement parce qu’ils doivent passer les 16 épreuves du bac, une par une. Pas de contrôle continu bienveillant pour eux, contrairement aux autres candidats au bac.
Cela, les responsables des classes préparatoires et des écoles d’ingénieurs ou de commerce post-bac le savent très bien et n’hésitent pas à le dire.
Et les chiffres le prouvent ! Une étude réalisée l’an dernier par la Fondation pour l’école sur les 4000 bacheliers des lycées libres donne les résultats suivants :
- 24% sont admis en classe préparatoire aux grandes écoles, contre une moyenne de 6,11% pour les autres bacheliers.
(Les meilleurs élèves intégrant, par ailleurs, les meilleures ‘prépas’.)
- 10% font une école de commerce ou d’ingénieur postbac
- 31% s’inscrivent en licence
- 15% entrent en BTS ou en BUT (‘Bachelor’)
- 10% choisissent Médecine ou d’autres métiers de la santé
Pour les parents angoissés pour l’avenir de leurs enfants, voilà une réponse sans appel !
Hervé Rolland
Président de la Fondation pour l’école