D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
Chaque fois que l’on entre dans une église et que l’on entend le son d’un orgue à tuyaux (s’il est bien joué — ce qui, de nos jours, n’est plus garanti), on est immédiatement saisi par une atmosphère profondément spirituelle. L’orgue a le pouvoir d’élever notre âme vers les réalités surnaturelles. Comme on l’a dit tant de fois, si l’on doute du lien entre l’orgue et l’atmosphère spirituelle, il suffit de remarquer que, dans de nombreux films ou publicités, lorsque l’on veut évoquer une ambiance religieuse, on utilise le son de l’orgue, le chant grégorien ou la polyphonie — certainement pas la musique syncopée.
Et pourtant, aujourd’hui, cet instrument souffre, aussi à cause de prêtres qui n’en comprennent pas l’importance et qui, dans leurs églises, le laissent dépérir ou le confient à des personnes incompétentes. C’est là une grave erreur, car l’orgue est un bien de l’Église, comme une peinture, un autel ou une statue, et à ce titre, il doit être protégé. Acheter un orgue à tuyaux, ou même le réparer lorsqu’il est hors d’usage depuis longtemps, coûte énormément d’argent ; il est donc nécessaire de prendre soin de ces instruments que nos prédécesseurs nous ont confiés.
L’orgue doit être confié à ceux qui l’ont étudié, et non simplement à des pianistes. En effet, la technique pianistique diffère de la technique organistique : le toucher du pianiste n’est pas celui d’un organiste. S’ajoute la question du pédalier, que le pianiste ne sait généralement pas utiliser. Il faut savoir reconnaître la compétence professionnelle de ceux qui ont consacré d’innombrables heures à l’étude de cet instrument si beau et si complexe. La communauté chrétienne rassemblée dans une église doit soutenir l’organiste et les autres musiciens par une rémunération adéquate, tout comme le sacristain ou ceux qui s’occupent du système sonore de l’église.
L’orgue a la capacité unique de soutenir le chant du chœur ou de l’assemblée plus efficacement que tout autre instrument. Cette capacité réside dans sa nature même et dans la grande variété de sons qu’il peut produire. Il peut accompagner quelques chantres discrets avec une registration adaptée, comme il peut soutenir le chant puissant de toute l’assemblée. L’orgue est un instrument souple et possède, à juste titre, un caractère liturgique qui le fait primer sur tous les autres instruments de musique. Certes, d’autres instruments peuvent être admis dans la liturgie, mais sous certaines conditions. Les prêtres qui ont la responsabilité de paroisses ou d’églises devraient tout faire pour doter leur église d’un orgue à tuyaux, ou au moins veiller à sa bonne maintenance si elle en possède déjà un. Lorsqu’il est bien joué, l’orgue respire avec la liturgie, devenant avec elle presque un seul souffle, dilatant ou resserrant le temps liturgique par le pouvoir de l’art sonore, et servant de lien entre les divers moments de la célébration.
Se pose aussi la question des orgues numériques ou échantillonnés, instruments qui reproduisent plus ou moins fidèlement les sons d’un orgue à tuyaux et qui présentent l’avantage d’être beaucoup moins coûteux. La question est complexe, et certains organistes refusent de jouer sur de tels instruments. Il faut reconnaître, toutefois, que le progrès technologique en a beaucoup amélioré la qualité. Mais il ne faut jamais oublier une vérité fondamentale : ce ne sont pas des orgues à tuyaux. Marco Sofianopulo, dans Liturgie et Musique – manuel essentiel, fait cette remarque :
« La première place dans l’église revient naturellement à l’Orgue, de préférence à tuyaux, qui entraîne hélas un coût considérable et demande une maintenance attentive, continue et onéreuse. Aujourd’hui, cependant, on produit aussi d’excellents instruments fonctionnant selon des principes numériques, dans lesquels le son est “échantillonné” pour chaque touche et pour chaque registre (voix différente) : lors de la conception/fabrication, on copie le timbre vivant d’un instrument à tuyaux, puis il est reproduit, sur commande des touches, par des haut-parleurs amplifiés. Bien qu’il s’agisse toujours d’un substitut face à la majesté de l’instrument traditionnel, pour des budgets limités cette solution est excellente. La console de l’orgue électronique est tout à fait semblable à celle d’un orgue à tuyaux, de sorte que l’organiste s’y sent facilement à l’aise ; le son est pur et puissant et, aspect à ne pas négliger, l’accord est presque toujours parfait et la nécessité d’entretien pratiquement inexistante. »
Ces paroles très positives sur les orgues numériques ne peuvent toutefois pas masquer la réalité : ils demeurent un substitut par rapport à l’instrument traditionnel.
N’oublions pas, en outre, que certains orgues à tuyaux anciens présentent aussi une façade d’une grande beauté artistique, qui ajoute à la splendeur architecturale des églises. Pensons aux parents qui affirment toujours vouloir le meilleur pour leurs enfants et qui, pour atteindre ce but, sont prêts à tous les sacrifices. Voilà le raisonnement qui devrait aussi guider nos églises : pour la gloire de Dieu, il convient de consentir à tous les sacrifices — même financiers — que requiert une telle œuvre.
Chouan85
Voir le magnifique orgue de Fontgombault.