Hier encore, tandis que l’UE cherchait un accord, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a faisait savoir qu’il avait appelé Condoleezza Rice et que la secrétaire d’Etat américaine avait exprimé son soutien à l’ouverture de négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE. Déjà, le 8 septembre, le sous-secrétaire adjoint au département d’Etat pour les affaires européennes et asiatiques Kurt Volker avait appelé l’UE à ouvrir les négociations d’adhésion avec la Turquie comme prévu le 3 octobre afirmant même : "il est dans notre propre intérêt que les négociations d’adhésion avec la Turquie commencent à la date prévue". Pourquoi cette insistance américaine ? Quel intérêt ?
Il faut se souvenir qu’un rapport de la CIA, daté de décembre 2004, affirmait que l’UE n’est pas une puissance d’avenir, contrairement à l’Inde, la Chine, le Brésil voire l’Indonésie. En effet, la population vieillissante, l’élargissement sans fin et la croissance au ralenti sont autant de facteurs qui annoncent sa fin sur la scène internationale. Enfin, l’entrée de la Turquie est annoncée dans ce rapport comme une source de tensions en raison de l’intégration d’une forte population musulmane.
Pour garantir la suprématie américaine sur la scène internationale, les Etats-Unis ne souhaitent plus que l’UE barre sa route (l’épisode irakien n’est pas encore avalé). C’est pourquoi, ils encouragent l’entrée de la Turquie dans l’UE afin d’affaiblir son poids politique. Pour les USA, l’Europe ne sera bientôt plus qu’une partie du Maghreb (intégrée au projet US de Grand Moyen-Orient ?) en raison de l’accroissement de la population musulmane, que ce soit par l’immigration ou par la démographie. L’agrandissment de l’UE consacre sa perte de puissance, c’est pourquoi, outre la Turquie, ils militent également pour l’intégration de l’Ukraine.
Dans Le consentement fatal. L’Europe face aux Etats-Unis, le général Gallois indique que "l‘idée de base, c’est qu’en faisant ainsi entrer la Turquie en Europe, on transformerait cette Europe en un vaste marché économique qui serait moins créateur, étant donné que l’apport musulman est intellectuel et artisanal mais pas scientifique ni de haute technologie, puisque ces peuples s’en sont toujours désintéressés. On aurait ainsi un vaste magma européen dont on aurait détruit les entités nationales au nom de la mondialisation, en expliquant que l’Etat national est chose dépassée. Ce vaste magma serait un mélange islamo-chrétien, dépourvu de sens politique et simplement réduit à un vaste marché où s’écouleraient les produits américains. Le but étant que l’Europe, l’Amérique latine et demain l’Afrique, dont les Etats-Unis comptent bien exploiter les richesses, fassent bloc face à la zone Asie Pacifique dominée par la Chine." (p. 140)
Compostelle
Une analyse militaire interessante (c’est tout à fait lié à l’entrée de la Turquie dans l’UE):
http://www.ludovicmonnerat.com/archives/2005/10/la_france_et_lo.html
La France et l’OTAN
Extraits: il s’agit pour la France de réaffirmer son statut de puissance militaire sur le plan international, et d’être capable de commander des actions d’envergure dans le cadre de l’OTAN ou de l’Union européenne. C’est pourtant bien l’Alliance atlantique qui constitue le moteur de cette évolution, et le retour progressif de la France dans ce bercail, quitte à formater un état-major et ses éléments de soutien selon les standards OTAN, montre bien que l’UE ne constitue qu’une hypothèse politique.
L’Armée de terre française vient en fait de mettre en oeuvre le 7e état-major terrestre multinational de réaction rapide, qui entre dans le cadre des High Readiness Forces (HRF) de l’OTAN ; les 6 autres sont l’Allied Rapid Reaction Corps essentiellement britannique (et qui se prépare à commander l’ISAF en 2006, en Afghanistan), l’Eurocorps, le corps germano-néerlandais, le corps italien, le corps turc et le corps espagnol.
JBP
Vous évoquez le poids politique affaibli de l’UE si la Turquie y entre… Critiquer cet affaiblissement, c’est bien le piège dans lequel tous nos amis sont tombés: si nous voulons une France forte, le seul moyen est d’intégrer la Turquie dans l’UE et de ramener cete dernière à ce qu’elle est, une alliance économique de nations. Comme vous le souligniez dans un précédent message, l’Union Européenne n’est pas l’Europe, et à ce titre, je pense qu’il faut y intégrer la Turquie. Sans oublier les avantages en termes de développement économique de la Turquie une fois qu’elle sera membre, et les conséquences en ce qui concerne l’inversion des flux migratoires vers les pays européens, dont la France. Alors, s’il vous plaît, ne confondez plus :
– Europe et Union Européenne :lorsque vous parlez des “racines” ou des “frontières de l’Europe”
– France et Union Européenne : seule la première peut avoir un “poids politique”, puisqu’elle est une véritable nation et une véritable patrie au sens où l’entendait Jean-Paul II dans “Mémoire et Identité”.
Janva
Ce n’est pas l’analyse du Général Gallois : la Turquie ne profitera pas à l’UE, ni économiquement, ni politiquement.
Et il ne peut y avoir d’union sans objectif commun, sans un but commun, une politique commune. L’union économique est un leurre sans idéal commun.
Enfin, la dilution de l’UE en un magma informe de 25,27 et bientôt 30 pays l’empêchera, comme l’ont bien analysé les USA, d’être une force d’envergure internationale…
JBP
Je suis désolé de m’être sûrement mal exprimé : je voulais tout simplement dire que la Turquie profitera politiquement à l’UE dans le sens où elle la ramènera… hors du de la grande politique, c’est à dire d’une “union politique”, ce qui est aujourd’hui essentiel lorsque l’on voit avec quelle célérité les institutions européennes (en particulier la CJCE) sont capables de détruire nos souverainetés dans tous les domaines (comme le domaine pénal, encore récemment) et de se transformer peu à peu en Etat quasi-tentaculaire.
En revanche, économiquement, il est évident que l’entrée de la Turquie ne peut que profiter à l’UE: une zone d’échange plus grande entraîne toujours des échanges plus nombreux et permet un bien être global supérieur pour l’ensemble des agents économiques: l’avantage pour les Turcs est dans tous les cas supérieurs, mais nous y gagnons aussi, d’autant plus que la Turquie constituerait rapidement un ilot de prospérité (du moins sa partie occidentale) et connaitrait, selon toute probabilité, un ratrappage à l’irlandaise. D’autre part, l’entrée de la Turquie dans le marché commun constituerait une externalité positive formidable en ce qui concerne les flux migratoires: une fois la manne financière européenne (FEDER…) affectée en partie à ce pays, quel deviendrait l’intérêt pour un potentiel émigrant d’émigrer?
Enfin, et j’attire particulièrement votre attention sur ce point pour avoir des connaissances qui souffrent de cet état de fait, les minorités chrétiennes en Turquie se réduisent aujourd’hui comme peau de chagrin (ce qu’évoquait Valeurs Actuelles il y a quelques mois): elles sont non seulement écartées de la société turque mais également victimes d’une oppression qui ne dit pas son nom. Avec une Turquie dans l’UE (et non dans l’Europe, je le répète, qui comporte des pays comme la Russie etc et qui est par définition chrétienne), ces minorités pourraient être protégés efficacement sur une terre où elles existent depuis les premières heures du christianisme.
Janva
Je ne suis pas d’accord avec votre analyse.
Sur le plan politique : si la Turquie affaiblira l’UE en tant que puissance politique, ce sera pour mieux imposer la sienne et aucunement pour que chaque nation retrouve sa souveraineté. En somme, vous rejetez la peste pour mieux vous jeter dans le choléra…
Sur le plan économique : l’élargissement de l’UE n’a jamais enrichi personne (les polonais achètent US, les Espagnols également, les Turcs aussi : l’économie des pays d’UE ne profite pas beaucoup de l’arrivée de ces pays). On ne fait pas des qualités en additionnant des vices… La meilleure solution concernant les accords économiques et le libre-échange restent encore les accords bilatéraux.
Sur le plan des minorités : c’est l’inverse de ce que vous écrivez qui va se produire, notamment à cause de l’immigration et de la démographie galopante de ce genre de populations. Politiquement, la Turquie aura le plus grand poids à Bruxelles et non seulement on ne pourra pas faire grand chose pour lui demander de respecter les chrétiens (nous sommes déjà incapables d’exiger une reconnaissance de Chypre – ce qui signifie, soit-dit en passant, que la Turquie a de l’ambition concernant le côté sud de l’île…), mais surtout c’est la Turquie qui imposera ses volontés, notamment en matière d’islamisation. Entre nous, ne croyez pas que nos commissaires bruxellois, infoutus de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe, vont se réveiller tout d’un coup pour demander à la Turquie de respecter pleinement les chrétiens….