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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Pratiquer l’œcuménisme avec tant de communautés chrétiennes et ne pas savoir dialoguer avec les traditionalistes n’est pas un signe de charité

Pratiquer l’œcuménisme avec tant de communautés chrétiennes et ne pas savoir dialoguer avec les traditionalistes n’est pas un signe de charité

Enzo Bianchi, bénédictin fondateur de la communauté interconfessionnelle monastique de Bose, oeuvre beaucoup pour l’unité des Chrétiens. Ce moine, ami du Pape François, a néanmoins été invité à quitter la communauté parce qu’il n’acceptait pas de renoncer à la gestion des affaires du monastère après sa démission en tant que prieur en 2017.

Il vient de publier un texte favorable à la messe traditionnelle, traduite sur Le Forum catholique. Extraits :

[…] nous savons bien que dans d’autres pays – surtout en France, en Allemagne et aux États-Unis – les traditionalistes constituent une minorité bien attestée, non négligeable et très efficace en termes de communication et de visibilité. Dans une diaspora catholique, parmi des catholiques de moins en moins nombreux, leur présence apparaît significative et capable de s’exprimer avec un militantisme persévérant.

Il faut tout de suite préciser qu’il s’agit d’une présence bigarrée, montrant différents visages, différents styles, différentes manières d’être dans la communion ecclésiale, avec des manières très différentes de lutter pour continuer à exister : d’une critique réfléchie et légère, à une contestation presque continue, à une délégitimation de l’Église catholique, du pape François et des évêques. Nous assistons parfois à la mutation d’une critique consciencieuse et filiale en une accusation dure et convaincue de trahison de la foi, et donc une accusation d’hérésie.

La situation est grave, et il est temps de cesser de se moquer de cette partie de l’Église, voire de la railler et de la mépriser. Pratiquer l’œcuménisme avec tant de communautés chrétiennes, parfois gravement appauvries du noyau de la foi en Christ, et ne pas savoir dialoguer et marcher même avec les traditionalistes n’est certainement pas un signe d’authentique charité fraternelle, ni de conscience que nous sommes unis par l’unum baptisma, l’unique baptême, qui fait de nous des frères et des disciples de Jésus-Christ.

Pouvons-nous parvenir à un discernement calme et serein de cette réalité ? Dans mon existence de moine catholique et de chrétien, toujours attentif à la vie si diverse des églises, de même que j’ai toujours fréquenté des églises et des monastères de communautés chrétiennes non catholiques mais orthodoxes ou réformées, de même j’ai toujours fréquenté des communautés ou des monastères qui, désireux d’être fidèles à la tradition antérieure à la réforme liturgique, ont obtenu la possibilité de continuer à vivre la liturgie en la célébrant avec le Vetus Ordo. Il ne me suffisait certainement pas de contempler, de participer et de jouir de la beauté des rites et du chant grégorien, mais je regardais attentivement la vie humaine et spirituelle de ces communautés, et je remarquais toujours un amour sincère pour la liturgie, une fidélité sérieuse et profonde à la tradition monastique, vécue avec une intention évangélique, riche d’initiatives et de travail pour vivre la condition de tous les hommes, une vie commune capable d’une grande charité. J’ai donc envoyé mes frères moines à l’abbaye française du Barroux, une communauté florissante, pour apprendre à faire du pain, et dans mes séjours dans ce monastère et dans d’autres monastères traditionalistes, j’ai pu vérifier que même avec eux “il est beau et doux de vivre ensemble“. Je les ai sentis tout simplement frères, et j’avoue que je me suis mieux retrouvé parmi eux que dans certains monastères qui se disent fidèles à Vatican II mais vivent une vie de résidence religieuse non monastique.

[…] Lors d’une audience avec le pape François en 2014, le pape m’a demandé ce que je pensais des traditionalistes, et je lui ai dit :

“Votre Sainteté, s’ils acceptent le concile Vatican II, s’ils acceptent vraiment votre ministère de successeur de Pierre, s’ils déclarent valides la réforme liturgique et l’eucharistie normalisée par Paul VI, laissez-les vivre…. L’Église doit accepter une communion plurielle, elle ne peut plus être monolithique dans ses formes.”

Je continue à avoir la même opinion après toutes ces années où l’Eucharistie , au lieu d’être un lien d’unité est devenue une cause de division. […]

Nous connaissons déjà tellement de tensions et d’oppositions dans l’Église aujourd’hui que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre ne serait-ce que la paix eucharistique. La messe ne peut pas être un lieu de contestation et de division fraternelle, et pour que s’ouvre un chemin de vraie communion, il est plus que jamais nécessaire que la célébration du Novus Ordo soit pratiquée en évitant le laisser-aller, la banalité et la laideur. Actuellement, la situation fait qu’il est vraiment fatigant pour de nombreux catholiques d’assister à la liturgie pour en tirer des fruits spirituels. Trop de proéminence du prêtre, trop de verbiage, des chants mal édités et indignes, des homélies qui se nourrissent maintenant presque uniquement des sciences humaines, de la psychologie, de l’histoire de l’art : cela enchante tout le monde mais ne convertit personne.

À mon avis, la situation est dramatique et je comprends que les amoureux de la tradition n’acceptent jamais le Novus Ordo, mais restent ancrés au rite ancien qui ne doit jamais être méprisé et dévalorisé. La liturgie, si elle n’est pas un mystère ordonné, si elle n’est pas belle même dans sa simplicité, si elle n’est pas une célébration de l’Évangile, elle ne peut attirer personne, pas même par la grâce. L’unité catholique ne peut et ne doit donc pas être une uniformité, mais une harmonie multiforme, une communion plurielle, dans laquelle chacun et tous trouvent des possibilités de participation vivante. Traditionis custodes et Desiderio desideravi doivent être une invitation pour tous à renouveler la foi eucharistique à travers une veillée et une belle célébration de l’Eucharistie vécue comme une communion et non comme une occasion de division ecclésiale.

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