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L'Eglise : François

Premier bilan de ces douze années de pontificat

Premier bilan de ces douze années de pontificat

De Jean-Pierre Maugendre :

Alors que les obsèques du pape François le samedi 26 avril, à Rome, ont rassemblé la plupart des puissants de ce monde, Donald Trump en tête, et que se prépare un conclave à l’issue particulièrement incertaine, il n’est pas interdit, après avoir confié l’âme du pape défunt à la miséricorde de Dieu, de tenter un premier bilan de ces douze années de pontificat.

Des ruptures symboliques

Dès son apparition à la loggia de la basilique Saint Pierre le 13 mars 2013 le tout juste élu pape François avait stupéfié le monde en demandant à la foule, réunie devant lui, de le bénir avant que lui-même ne la bénisse. Le nouveau style avait été immédiatement affirmé sous les yeux incrédules de celui qui avait été le cérémoniaire de Benoît XVI, Mgr Guido Marini : rupture avec les pratiques usuelles et « appel au peuple ». Après le temps de « l’Eglise conciliaire », selon l’expression du cardinal Benelli, était venu celui de l’Eglise synodale, de “odos”, le chemin. Une Eglise en marche, en perpétuel mouvement.

Une Eglise dans laquelle le « peuple de Dieu » est promu au rang de lieu théologique, les évêques n’étant plus que des membres particuliers de ce troupeau en mouvement comme l’illustrera ultérieurement, à satiété, la communication autour de la synodalité représentant un évêque, en crosse et mitre, au milieu d’une masse de personnes en marche et non la guidant, en en prenant la tête.

Cette rupture avec les traditions et habitudes de l’Eglise s’est ensuite manifestée dans de multiples gestes : logement à Sainte Marthe et non à Saint Pierre, enterrement à Sainte Marie Majeure et non à Saint Pierre, mise en avant du titre d’évêque de Rome au détriment de celui de vicaire du Christ, hostilité aux pratiques liturgiques traditionnelles, paradoxales chez un chantre des piétés populaires.

Le pape des périphéries

Le pape François, dès son élection, a mis son pontificat sous le signe de l’accueil de ce qu’il appelait les périphéries. Périphéries sociales : les migrants et religieuses ; les personnes en délicatesse avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise : divorcés remariés, homosexuels et transsexuels. Son modèle était celui du Bon pasteur abandonnant ses 99 brebis pour aller rechercher la brebis perdue (Luc, 15, 3-7). Cette référence évangélique suscite néanmoins deux réflexions. D’abord, ce qui peut être reproché au pape François ce n’est pas de se tourner vers la brebis égarée et perdue mais de la maintenir dans son égarement, en ne lui rappelant pas, charitablement mais fermement, qu’elle doit réintégrer le troupeau et en respecter les règles.  Ensuite, que penserait-on d’un berger qui pendant des semaines délaisserait son troupeau, l’abandonnant aux loups et aux intempéries, pour ne s’occuper que de la brebis perdue ? On ne louerait pas la générosité ni les bonnes intentions du berger mais on déplorerait son manque de discernement. Drame de ceux qui jugent des idées et des comportements sur leur générosité apparente et non sur leur pertinence dans une situation concrète donnée. Drame, par exemple, de Nicolas de Hannapes, dernier patriarche latin de Jérusalem, refusant de lever l’ancre afin d’accueillir le plus grand nombre possible de réfugiés sur son navire lors de la chute de Saint Jean d’Acre, le 18 mai 1291. Le bateau sombra, équipage et passagers, patriarche inclus, périrent noyés ! Bilan pitoyable d’une générosité dévoyée. On ne demande pas à une idée d’être généreuse mais d’être juste ! A cet égard il ne paraît pas inutile de rappeler que la finalité de l’Eglise est d’abord surnaturelle : ce qui lui importe c’est le salut des âmes par la prédication de la foi, l’exercice de la charité et l’usage des sacrements. Le reste est contingent : « Des pauvres vous en aurez toujours avec vous » (Mc, 14,7). Cela ne signifie pas que l’Eglise se désintéresse de la justice sociale, des conditions qui permettent à chacun de mener une vie conforme à sa dignité d’enfant de Dieu, mais que la mission de l’Eglise n’est pas d’abord d’œuvrer au progrès matériel de l’humanité même si les œuvres de miséricorde temporelle accomplies par l’Eglise depuis 2 000 ans (hôpitaux, dispensaires, écoles, universités) font qu’elle n’a, dans ce domaine, de leçons à recevoir de personne.

Un pape dans l’air du temps

En phase avec les courants dominants de la doxa contemporaine le pape François s’est beaucoup préoccupé de la planète, des moyens de, prétendument, la sauver et des conditions de vie de ses habitants. Fustigeant, à juste titre, la financiarisation de l’économie, mais se ralliant, sans nuances, à la thèse de l’origine anthropique du réchauffement climatique. Surtout prêchant, au nom de la dignité ontologique de la personne humaine, un droit de chacun à s’installer où il le souhaite afin de bénéficier de meilleures conditions de vie. Position profondément nouvelle évacuant toute notion de bien commun et niant le droit des peuples à assumer une continuité historique. De manière paradoxale le pape François a également tenu à la fois des propos très fermes sur la défense de la vie humaine innocente et entretenu de bonnes relations avec des partisans affirmés de ce que Jean-Paul II qualifiait de culture de mort : Joe Biden ou Nancy Pelosi.

Les concerts de louange qui ont accompagné le rappel à Dieu du pape défunt ne trompent pas sur la nature de ses aficionados, souvent d’ailleurs plus non catholiques que simples catholiques qui essayent, vaille que vaille, de vivre au quotidien les exigences de l’Evangile. Ceux-ci se sont sentis abandonnés, voire même trahis, ce dont témoigne l’effondrement du denier de Saint Pierre (71,8 M € en 2013, 48,4 M € en 2023). Le phénomène n’est pas nouveau. L’historien Alain Besançon le notait il y a déjà plusieurs décennies : « Il a pu paraître beau et même sublime de se proclamer “Evêque des autres”. “Evêque des siens” pour être moins sublime et plus humble est un éloge qui vaut la peine d’être recherché ».

Et la foi dans tout cela ?

Le pape François s’est toujours présenté plus comme un pasteur que comme un gardien de la foi. Ainsi il n’a cessé de rappeler que la miséricorde de Dieu était infinie, mais omettant de signaler que cette miséricorde n’était pas sans condition. Tout est pardonné à Marie-Madeleine mais à condition qu’elle renonce à sa vie de débauche ! La pastorale bergoglienne est toute autre, ce dont témoigne la demande faite aux confesseurs de toujours accorder l’absolution au pénitent sans même s’être enquis de son ferme propos. Des quatre encycliques écrites par le pape François, une a été, en fait, rédigée par le pape Benoît XVI Lumen fidei (29 juin 2013), deux portent sur des questions plutôt dites de société : Fratelli tutti, sur la fraternité universelle, (3 octobre 2020) et Laudato si’ sur la sauvegarde de la planète (24 mai 2015) et la dernière Dilexit nos (24 octobre 2024) traite du Sacré-Cœur de Jésus. Après le pontificat du pape enseignant que fut Benoît XVI le pontificat du pape François fut un pontificat de gouvernement par la promulgation de 54 motu proprio – actes du pape résultant de sa seule décision – en 12 ans, alors que Benoît XVI en avait promulgué 13 en 7 ans, avec pour objectif de faire prendre à l’Eglise un tournant irréversible. Au cœur de ce changement se situe la lutte contre le « cléricalisme » et la promotion « du peuple de Dieu » alliée à une grande méfiance vis-à-vis de ce que le pape appelle l’ « idéologie », qui est tout simplement la doctrine traditionnelle de l’Eglise. Ainsi, concrètement, les synodes dits des évêques accueillent désormais des prêtres, des laïcs et des femmes ; une religieuse, sœur Simone Brambilla est devenue préfète du dicastère pour les Instituts de vie consacrée, etc. Quant aux questions doctrinales chacun a en mémoire la déclaration d’Abou Dhabi du 4 février 2019, signée avec le recteur de la mosquée Al-Azhar et affirmant que « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage disposition de la volonté divine ». Déclaration ébouriffante qui revient à mettre toutes les religions sur le même plan et entretient un indifférentisme certain. Si la foi de l’Eglise est portée par le « peuple de Dieu » il est cohérent que celle-ci évolue dans le temps et soit diverse, les peuples étant divers. Traditionnellement la première note de l’Eglise était son unité, de foi et de doctrine. Cette unité n’existe plus sans que ce pluralisme n’ait été récompensé par une progression quantitative du nombre de catholiques, la situation de l’Eglise s’étant très sensiblement dégradée en Orient (quasi-disparition des chrétiens au Moyen-Orient), en Amérique latine (progression de l’évangélisme) et en Occident (sécularisation accentuée). Quant à l’avenir il s’annonce, humainement bien sombre avec une diminution générale du nombre de prêtres (- 3 % en 10 ans) et de séminaristes (- 11 %).

Heureusement le Saint-Esprit veille cependant, si l’on me permet ce mauvais pastiche : « Le Saint-Esprit c’est comme la Sainte-Vierge, si on ne le voit pas de temps en temps, le doute s’installe ».

Jean-Pierre Maugendre

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