Albert Pestour, poète complètement oublié aujourd’hui, même localement, avait dirigé une section de l’Action française en Dordogne. Il écrivait en langue limousine et en français. Très pieux, il rédigeait des prières. En voici une consacrée aux morts de 14-18.
Ayez pitié de ceux qui sont morts à la guerre
Seigneur, s’ils ont pêché, cela ne compte guère !
Ils ont assez souffert de la faim et du froid,
De la boue et des poux, dans le sépulcre étroit
Que, vivants déjà morts, ils se creusaient sous terre !
Ayez pitié de ceux qui sont morts dans les airs
Fracassés, comme l’aigle au milieu des éclairs,
De ceux qui sont tombés, mélangés à la foule,
Engloutis par la charge et roulés dans sa houle
Ou, seuls guetteurs perdus, au bord des cieux déserts.
Ayez pitié de ceux qui sont morts en silence
Et de ceux qui hurlaient sur le lit d’ambulance,
Seigneur, ayez pitié de tous ces pauvres morts
Dont l’âme, par vingt trous, s’échappa de leurs corps,
Ô vous dont le côté fut percé par la lance.
Ayez pitié de ceux qui sont morts dans les eaux,
De ceux que les Shrapnells ont taillés en morceaux
Que vos anges auront bien du mal à recoudre,
De ceux que les obus réduisirent en poudre
Et de ceux que les gaz ont pris dans leurs réseaux !
Ayez pitié des morts bienheureux dont la cendre
Engraissera ce sol qu’ils ont voulu défendre
De leurs corps étendus et de leurs bras en croix,
Et dont les yeux, ouverts pour la dernière fois,
Ont reflété l’azur français sublime et tendre !
Ayez pitié des morts qui dorment tristement
Sur un roc étranger, sous un ciel inclément,
Et de ceux-là surtout qui, les plus misérables,
Auront laissé leurs os captifs dans les sables
De la Poméranie au Vautour allemand.
Ayez pitié de ceux qui, dans leurs agonies,
Se rafraîchissent l’âme au vent des litanies,
De ceux qui blasphémaient au lieu de vous prier,
Hélas ! depuis longtemps le blasphème est guerrier,
Mais vos compassions, Seigneur, sont infinies !
Tous ces morts de Vingt ans fauchés en plein avril,
Seigneur, prévenez-les de votre amour subtil,
Et les autres, les vieux, ceux dont l’âme est moins belle,
Par la chair obscurcie, hésite et se rebelle,
Que le sang soit un baptême.
Ainsi soit-il…
Albert Pestour, 8 avril 1886 à Magnac-Bourg, Haute-Vienne – 28 décembre 1965 à Coulounieix-Chamiers, Dordogne