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Projet de loi relatif à la bioéthique. Quand les mots n’ont plus de sens

Projet de loi relatif à la bioéthique. Quand les mots n’ont plus de sens

Le débat concernant le projet de loi relatif à la bioéthique s’est tenu en première lecture à l’Assemblée nationale à partir du 24 septembre pour s’achever par son adoption le 15 octobre par 359 voix contre 114.

Une série de présentations issues de la lecture de toutes les séances consacrées à son examen vous est proposée avec comme objectifs  d’une part de faire ressortir une ambiance parlementaire, d’autre part de mieux comprendre quelques enjeux, en particulier associés à la PMA sans père.

Vous sont successivement proposés ;

  1. Une introduction
  2. Le projet parental, ou l’enfant comme produit
  3. Le mensonge à tous les étages
  4. La foire aux incohérences
  5. Quand les mots n’ont plus de sens
  6. Respirons : un peu d’humain
  7. L’embryon, un « amas de cellules » ?
  8. Elargissement du DPI ou non ?
  9. Quand la GPA s’invite par la fenêtre

Le philosophe Bertrand Vergely l’avait bien annoncé lors d’une manifestation à Lyon, préparatoire à celle du 6 octobre : la première des dix raisons pour s’opposer à la PMA sans pères, c’est, disait-il, la « préservation de ma raison ». Ne pas se sentir devenir fou soi-même. Parce que, souvent, on a l’impression d’être chez les fous, là où les mots n’ont plus de sens.

Il y a d’abord des sortes  d’éclairs individuels :

  • Brahim Hammouche :

« quoi de plus beau que de permettre à une femme qui vit dans la solitude de passer au stade de la sollicitude et de transmettre certaines valeurs tout en se déliant de son passé pour se projeter vers un avenir ? La sollicitude est au cœur de ce projet d’extension de la PMA aux familles dites monoparentales »

  • Maxime Minot :

« j’ai choisi de soutenir ce projet de loi, parce qu’il porte en germe des valeurs qui forgent mon combat au quotidien : l’universalisme, l’équité, l’altruisme. Loin des querelles philosophiques dont ce sujet peut être porteur, je suis avant tout un pragmatique…. Bien sûr que nous sommes tous d’accord sur le fait qu’un enfant a le droit d’avoir un père ! Mais il est tout aussi important que les enfants, quels qu’ils soient, puissent se voir reconnaître deux mères ».

  • Mme Pau-Langevin répondant à Mme Thill (qui disait « Nous y voilà. La France va inscrire dans sa loi le père facultatif et permettre la venue au monde d’enfants sans père. Mais qui êtes-vous, pour vous permettre une telle mutilation ?»)

« C’est de la protection sociale ! ».

  • Bastien Lachaud :

« La société n’a pas à s’immiscer dans l’identité de genre d’une personne. Nous n’avons pas à leur demander de choisir entre transition, transidentité et paternité ou maternité ». 

  • Mme de Vaucouleurs lors de son explication (sic !) de vote

« Pour ma part, j’ai abordé ce texte à l’aune des propos de Michel Serres : « Nous n’existons ni comme étants ni comme êtres, mais comme des modes. […] Possible, impossible, nécessaire et contingent montent les quatre murs de nos demeures culturelle et naturelle. »

  • Il y a bien sûr cette réponse de Mme Buzyn à une question que lui posait, lors du débat, une journaliste de LCP (« un père, c’est une fonction symbolique. Ca peut être une femme ?») :

« ça peut être une femme évidemment. Ca peut être une altérité qui est trouvée ailleurs dans la famille. Ça peut être des oncles, ça peut être une grand-mère ».

  • Il y a enfin cette généreuse concession de Mme Aurore Bergé :

« Pardonnez-moi de vous le dire, mais je vous sentais inquiets sur le sujet : ni dans ce projet de loi ni demain, nous n’empêcherons des parents hétérosexuels de concevoir un enfant et de créer des familles de manière charnelle !».

La folie étant là l’extension du contrôle de l’Etat à des domaines de plus en plus intimes, comme le démontre aussi le tweet envoyé le 23 septembre 2019 par le Secrétariat d’Etat chargé de l’Egalité Femmes/Hommes et enjoignant :

« Aujourd’hui, c’est la journée de la bisexualité. Tous les couples ont le droit de s’aimer sans crainte ».

Il y a  aussi toutes les interventions « trans ». Oui, parce que depuis 2016, la loi autorise les personnes à changer de genre à l’état civil sans avoir à subir d’opération stérilisante. En conséquence, certains ont gardé leurs capacités reproductives naturelles et  changé de genre à l’état civil. Ce qui veut dire que des hommes déclarés peuvent porter un enfant, et accoucher. Ou que deux femmes déclarées peuvent concevoir naturellement un enfant. Ah, la beauté du monde moderne et progressiste !

Mme Buzyn rappelle en commission un principe légal :

« Si une femme transgenre décide de changer de sexe et devient un homme à l’état-civil, elle n’aura pas accès à la PMA. Ca aboutirait à ce qu’un homme à l’état-civil devienne mère. Une femme transgenre devenant homme mais qui ne l’inscrit pas à l’état-civil, pourra elle, ou lui, accéder à la PMA. Restons aujourd’hui à la notion d’homme ou de femme tel que cela figure sur l’état-civil ».

Elle est complétée par N.Belloubet qui s’embrouille :

« Si c’est un homme qui est devenu femme à l’état-civil, elle pourra très bien faire une PMA avec une autre femme. On prend le sexe à l’état-civil ».

M.Raphaël Gérard fait preuve dans ce domaine d’une créativité à jet continu :

– « Monsieur Hetzel, je vous rappelle que la ROPA se rapporte exclusivement à la réception d’ovocytes. Vous n’avez donc pas lieu de l’invoquer s’agissant de spermatozoïdes. Gardons-nous de toute confusion : l’amendement porte sur le cas particulier d’un couple de femmes menant à bien un projet parental à partir des ovocytes de la femme cisgenre et des spermatozoïdes de la femme transgenre préalablement conservés » 

– encore :

« Imaginons un couple comptant un homme transgenre ayant conservé ses ovocytes, à qui nous avons refusé ce matin d’ouvrir l’accès à la PMA, et une femme stérile : ils pourront avoir un enfant à travers le don d’ovocytes ou d’embryons avec tiers donneur, alors même que des ovocytes d’un membre du couple sont disponibles »

– et en complexifiant les hypothèses :

« Aujourd’hui, si une femme en couple avec une autre femme a un premier projet parental avec sa compagne, celle-ci se voit refuser l’établissement d’un second lien de filiation à son bénéfice – et cela continuera si, en ne votant pas cet amendement, nous entérinons cette situation –, alors même que sa compagne pourra, dans le cadre d’un mariage avec une autre femme, qui n’aura pas été à l’origine du projet parental, proposer à celle-ci une adoption intraconjugale – qui, pour le coup, est déjà parfaitement opérante – et priver la mère qu’était sa compagne au moment du projet parental de tout lien de filiation. On refuse ainsi une filiation à l’enfant, et on refuse à la mère qui était la coconstructrice du projet parental d’établir son lien de filiation. C’est un vrai problème ».

M.Gérard est décidément inarrêtable :

« Depuis le début de ce débat, l’existence de certaines familles, notamment transparentales, a été largement niée ».

M.Xavier Breton fait alors preuve de bonne volonté :

« Je m’efforce de suivre vos arguments et de rester à la page, pour pouvoir en parler avec mes enfants et leurs amis le dimanche (Rires), mais pouvez-vous m’expliquer, monsieur Gérard, ce qu’est un couple « transparental » ? Quelles en sont les combinaisons possibles ? Peut-il s’agir de deux femmes dont l’une est transgenre, notion que j’ai intégrée, et l’autre cisgenre, bien que je ne sache trop ce que cela signifie ? ».

Et M.Bazin de s’interroger :

« Une femme devenue homme à l’état civil, même non opérée, affiche sa volonté d’être un homme : elle ne saurait de ce fait accéder à l’AMP en arguant de sa féminité – il faut être cohérent. Si une personne veut être un homme, elle ne peut pas, dans le même temps, vouloir être mère. L’amendement soulève une question d’une grande gravité – nous l’avons déjà évoquée en commission. Il met en effet en évidence une faille de votre projet de loi : une femme désireuse de devenir homme, mais qui n’a pas encore effectué le changement de sexe à l’état civil, pourra avoir accès à la PMA dans le cadre de ce texte. Mais une femme qui a eu recours à l’insémination pourra-t-elle devenir homme à l’état civil ? Madame la ministre, jusqu’où nous emmenez-vous ? Quel monde construisons-nous pour les enfants qui, demain, naîtront dans de telles conditions ? »

A part cela, vous vous rappelez, Mme Vallaud-Belkacem avait promis que la théorie du genre n’existait pas. Comme d’autres avaient promis que le mariage homosexuel n’existerait jamais, et que la PMA sans père ne serait jamais proposée.

M.Xavier Breton propose de revenir à la réalité des sexes :

« Dès lors que l’on ne se fonde plus sur une réalité objective, on ne peut plus vivre ensemble, à moins de considérer que le sexe n’a aucune importance. Nous croyons, nous, à la réalité objective des sexes, sans pour autant en tirer des conséquences sur la sexualité des gens, ni sur la manière dont ils la vivent – nous la respectons complètement –, avec leurs besoins, leurs désirs, leurs fantasmes, leurs souffrances. La question est de savoir comment construire le droit : doit-il reposer sur une réalité objective ou subjective ? L’introduction du genre – c’est pourquoi nous dénonçons la théorie du genre depuis des années – conduit à mettre tout à l’envers. J’ai rédigé il y a quelques mois, avec un collègue, un rapport sur le régime des fouilles en détention. C’est un problème qui se pose dans les prisons, madame la garde des sceaux, vous vous le rappelez fort bien. Je n’ai pas voulu aborder le sujet mais, pour l’instant, ces fouilles sont organisées en fonction des sexes : les hommes fouillent les hommes, les femmes fouillent les femmes. Que fera-t-on si l’on introduit dans le droit les notions de genre et de sexualité ? Vaut-il mieux qu’un homme soit fouillé par un homme homosexuel, par une femme homosexuelle, par une femme transgenre ou par un homme cisgenre qui est homosexuel ? On est complètement perdu. Pour éviter de nous engager dans des impasses, nous devons revenir au plus simple : la réalité corporelle, qu’il faut accepter telle qu’elle est objectivement, au moins dans notre droit ».

Tout à l’opposé, Mme Obono énonce :

« De nombreuses difficultés résultent de la mention du sexe à l’état civil. Par exemple, pour les personnes transgenres, la modification de cette mention est une procédure particulièrement complexe, judiciarisée et, dans certains cas encore, médicalisée – bien que cette condition ait été supprimée dans la loi. Supprimer la mention du sexe permettrait en outre d’établir plus facilement les filiations biologiques des personnes transgenres. La suppression de la mention du sexe à l’état civil – mention qui ne semble pas présenter d’intérêt dans la société actuelle et dont l’utilité et l’efficacité semblent désormais nulles – permettrait en outre de combler cette lacune ».

Il y a enfin la multiparentalité en ligne de mire. M.Bastien Lachaud :

« à titre personnel, ne voit pas quel problème pose la pluriparentalité. Dès lors que l’on affirme que la filiation n’est pas biologique mais culturelle et qu’elle correspond à un projet, à une construction sociale, alors pourquoi trois personnes ne pourraient-elles pas l’assumer aussi bien que deux ? ».

Et Xavier Breton rappelait :

« Je me souviens même avoir entendu [M.Touraine] dire, lorsque le sujet a été évoqué par la mission d’information – mais il confirmera ses propres propos – que plus il y a de parents et plus l’enfant est protégé, selon une logique quantitative ».

Ce florilège a été enrichi par une participation sans doute involontaire mais de qualité de la part du rapporteur Coralie Dubost. Quelques extraits :

  • « Il me semble que l’ouverture de la PMA aux femmes seules met surtout en exergue un autre sujet de société qui, lui, renvoie à énormément de peurs tout en suscitant des images de fragilité et de vulnérabilité : celui de la monoparentalité en général. Il s’agirait dès lors de bien distinguer monoparentalité subie, monoparentalité aménagée et monoparentalité choisie et donc assumée » ;

  • « Qui peut nier le fait que nous ne soyons pas égaux face à la violence d’un deuil dans une vie ? Certains auront besoin de tourner la page, mais il faut peut-être aussi laisser la place aux femmes qui seraient dans une résilience et qui souhaiteraient transmettre cette dernière à un enfant. Bien des femmes élèvent des enfants malgré la perte de leur conjoint pendant une grossesse obtenue par PMA» ; 

  • « En vous entendant débattre de la filiation avant même que nous abordions l’article 1er, mes chers collègues, je me sens obligée d’intervenir pour vous répondre et vous annoncer une excellente nouvelle : entre la biologie, à notre droite, et la sociologie, à notre gauche, nous vous proposons une solution de rassemblement qui n’oppose pas l’une à l’autre mais accueille l’une et l’autre. Nous pensons sous l’angle de la responsabilité. Qu’est-ce qui a causé la venue au monde d’un enfant ? Est-ce une procréation charnelle ou est-ce un fait sociologique, une décision, un acte de volonté manifeste ? Que ce soit l’un ou l’autre ou que les deux coïncident – car on peut aussi procréer charnellement et avoir un acte de volonté dans la responsabilité de la venue au monde de cet enfant – nous aurons donc trois options :… la procréation charnelle, l’acte de la volonté et la procréation charnelle assortie d’un acte de volonté. Cela nous permettrait d’englober tous les enfants, quelle que soit la première cause, dans une même situation. Je pense que c’est le travail de notre assemblée d’arriver à une solution juste et qui permette, non pas d’opposer des réalités, biologiques ou sociologiques, mais de les rassembler et de les mettre en cohérence pour un avenir sociétal commun».

  • Et enfin, l’invention des demi-génétiques: Mme Dubost fait référence

« au choix fait dans ce texte, qui est bien de consacrer le droit, pour les enfants devenus majeurs, d’accéder à une partie des informations sur leur ascendance génétique – les aïeux – mais pas sur les « demi-génétiques », terme que je préfère à l’expression « demi-frère ou demi-soeur génétique », susceptible d’entraîner une confusion. Ce texte n’a pas vocation à recréer des pseudo-familles génétiques. Il faut être très prudent sur cette question… Dans le cadre de ce récit génétique, la ministre l’a dit et je le répète, on consacre le droit à une information sur l’ascendance génétique, non sur des frères et sœurs supposés génétiques, dits demi-génétiques » ; tout en constatant plus loin : « Des rencontres entre demi-génétiques se sont très bien passées, et il ne faut pas que cela devienne un sujet d’affolement en France ».

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