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France : Société

Propriété privée et Bien commun

De Cyril Brun :

P"Face au bien commun […] se pose le problème du bien personnel. Comment concilier les deux ? Question délicate, souvent passionnelle et conflictuelle, au sein même des chrétiens. […] Tous les biens terrestres appartiennent en commun et indistinctement à tout le genre humain. Ils sont à la disposition de tous selon les principes de la justice et de la charité. Ce qui faisait dire à saint Basile : « mon superflu est le vol du nécessaire des autres. » Les biens terrestres doivent en effet servir au bien de tous et à procurer à ceux qui sont dans le besoin des conditions de vie plus humaines. Ils sont destinés à satisfaire les besoins de tous les hommes. En effet, « avec la terre, la principale ressource de l’homme, c’est l’homme lui-même. » Par-là Jean-Paul II signifie que le bien par excellence qui est destiné à tous c’est l’homme lui-même. Aussi la tâche primordiale, qui commande tout développement humain, est-elle d’éveiller l’homme à lui-même, par l’éducation afin qu’il puisse faire un usage responsable de sa liberté. Au plan international, ce principe fonde l’étroite solidarité des peuples dans la mise en œuvre des richesses du monde pour un mieux-être de l’humanité. Ainsi, un État ne peut-il refuser sans cause juste et raisonnable l’accès de son territoire à des étrangers privés de ressources. Mais l’accueil ne peut se faire au détriment de l’équilibre et du bien-être du pays. « Il s’agit, rappelait Pie XII en 1941, de réaliser une meilleure distribution des hommes sur la surface que Dieu a créée et préparée pour l’usage de tous. » À l’intérieur même d’une nation, il faut « ramener aux exigences du Bien Commun et aux normes de la justice sociale la distribution des ressources du monde. » (Quadragesimo Anno) Or cela passe donc par une plus large diffusion de la propriété privée. En effet, seule l’extension à tous de la propriété privée rendra possible la réalisation du droit qui concède à tous l’usage des biens matériels. […]

Le propriétaire possède un droit naturel, donc une exigence qui lui permet et même lui enjoint d’organiser librement et raisonnablement la gestion (l’usage) des biens nécessaires à sa vie, à ses besoins et à ceux de sa famille, dans le présent ET dans l’avenir. Si l’homme tient ce droit de la nature, il ne lui est pas concédé par l’État. La propriété n’est donc pas une fonction sociale au service de l’État, puisqu’elle repose sur un droit personnel que l’État doit respecter. Ce droit s’exerce sur les biens d’usage comme sur les moyens de production. Mais il demeure subordonné au Bien Commun. Je ne peux avoir un usage désordonné des biens qui me sont confiés. Je dois les faire fructifier et ne pas les utiliser aux dépens des autres hommes. Celui qui possède est vraiment maître, mais il doit tenir compte de la destination universelle des biens et de l’utilité commune du Bien Commun. Dès lors, la propriété a une fonction sociale en ce qu’elle est subordonnée au Bien Commun et par-là ordonne les hommes entre eux – ce qui est un principe de société –. C’est donc un droit qui comporte des obligations sociales. Aussi, à la question, ‘est-il licite de posséder en propre un bien extérieur à l’homme ?’ saint Thomas d’Aquin répond : « Deux choses conviennent à l’homme au sujet des biens extérieurs. D’abord le pouvoir de les gérer et d’en disposer ; et sous ce rapport, il lui est permis de posséder des biens en propre. C’est même nécessaire à la vie pour trois raisons :

  1. Chacun donne à la gestion de ce qui lui appartient en propre des soins plus attentifs qu’à un bien commun à tous ou à plusieurs ; parce que chacun évite l’effort et laisse le soin à l’autre de pourvoir à l’œuvre commune.

  2. Il y a plus d’ordre dans l’administration des biens quand le soin de chaque chose est confié à une personne, tandis que ce serait la confusion si tout le monde s’occupait indistinctement de tout.

  3. La paix entre les hommes est garantie si chacun est satisfait de ce qui lui appartient.

Ce qui convient encore à l’homme au sujet des biens extérieurs, c’est d’en user. Et sous tout rapport, l’homme ne doit pas posséder ces biens comme s’ils lui étaient propres, mais comme étant à tous, en ce sens qu’il doit les partager volontiers avec les nécessiteux. Aussi S. Paul (I Tim 6,17-18) ‘Recommande aux riches de ce monde… de donner de bon cœur et de savoir partager ’ ». Somme théologique, I-IIae q. 66, a2

Les richesses doivent donc être utilisées pour venir en aide aux autres. La foi chrétienne, fait aux chrétiens un devoir de conscience de s’examiner sur l’origine de leurs revenus, l’utilisation qu’ils en font, le placement de leur capital, l’usage de leurs biens et leur attitude à l’égard de ceux qui sont dans le besoin. Ici, la Doctrine Sociale de l’Église distingue deux cas :

1- « Dès qu’on a accordé ce qu’il faut à la nécessité et à la bienséance, c’est un devoir de verser le superflu aux pauvres. » rappelle l’encyclique Rerum Novarum. Le tout étant d’apprécier le ‘superflu’ ! Néanmoins, il convient de s’occuper d’abord de soi et tenir compte de son rang, de l’avenir et du devoir d’état. Il est évident que les dépenses dues par le devoir d’état d’un ministre diffèrent de celles requises par un enseignant. Ce surplus reversé peut prendre plusieurs aspects, du don aux œuvres aux placements dans des opérations utiles à la communauté, en passant par les investissements dans des entreprises de production, utiles au Bien Commun. Mais il convient de prendre garde aux déplacements de valeurs dues notamment à la publicité qui crée de faux besoins, ou à des investissements hasardeux.

2- À côté des besoins courants, nous trouvons les cas d’extrême nécessité. C’est alors un devoir de justice de donner le nécessaire. Le droit va plus loin, puisque nous n’avons pas le droit de refuser à un nécessiteux de prendre son nécessaire.

Il convient donc de respecter et de protéger la fonction vitale de la propriété privée dans son rôle personnel et social, tout comme il apparaît clairement que la propriété a une fonction vitale : servir la vie humaine, personnelle, familiale et sociale.

  • La propriété favorise, en effet, les facultés d’initiative et de prévoyance, le sens des responsabilités. C’est par ailleurs un stimulant au travail et à l’épargne. Mais par-dessus tout, elle assure le respect de la dignité et de la liberté de l’homme.

  • Elle assure également la stabilité, la cohésion, l’unité et l’indépendance de la famille.

  • Enfin, comme le constatait saint Thomas, l’homme met mieux en valeur ce qui lui est propre et globalement c’est un accroissement de bien dont profite toute la société."

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1 commentaire

  1. A la liberté naturelle de posséder et de gérer ses biens, répond l’obligation de la gratuité au travers du don.
    Mais pour cela il existe des formes sociales et économiques qui permettent l’exercice de cette liberté et du don, et d’autres qui le freinent, ou l’handicapent considérablement.
    Autrement dit se prononcer sur la DSE sans se demander si aujourd’hui dans les société européennes et dans la société française en particulier, cette deux potentialités sont totales, c’est renoncer à agir.
    On retrouve là le moralisme catholique de l’affirmation de principes mais sans jamais quitter cette ”neutralité d’en haut” qui fait que les catholiques finissent par ne jamais se prononcer concrètement sur les sujets d’actualité : ayant condamné le monde présent pour infidélité jadis au roi, maintenant au christ roi, ils demeurent dans la hauteur des principes.
    Le bloguer des Yeux Ouverts se plaint que beaucoup d’autre blogueurs catholiques n’aient pas relayé la pris de position des évêques : mais c’est parce que cette prise de position, 6 à 8 mois avant les élections, ne se prononce pas sur les partis pour lesquels il est interdit de voter : une prise de position dont la ”mollitude” fut la même en 2007.
    Avec quel résultat ? un blanc seing de fait pour les promesses non tenues de N. SARKOZY sur les sujets évoqués dans la déclaration épiscopale de 2007.
    Que dire en effet de prises de position détachées des contingences pratiques, et dont la hauteur de vue sert à justifier la neutralité voire l’absence de prise de position ? Rien.
    Cyril BRUN comme les évêques, en ne disant pas que le socialisme keynésien des technocraties européennes de droite et de de gauche est l’ennemi des conceptions thomistes qu’il défend se condamne à n’avoir dit que la moitié de ce qui est à dire : il a énoncé des prémisses dont il ne tire pas de conclusions. Par cet acte manqué si typique du catholicisme français depuis des décennies, voire deux siècles, raisonner sur l’économie du don sans indiquer comment elle peut exister concrètement, quels exemples existent ou ont existé, quels solutions ont été proposées ou déjà mises en oeuvre, cela est plaisant à lire, à défaut d’être novateur.
    Il serait intéressant que Cyril BRUN nous explique si la redistribution est conforme à ce qu’il dit, si le développement de fondations libres et riches par la déductibilité fiscale des dons est souhaitable, etc……bref quelles politiques actuelles s’en approchent ou pas, où et comment.
    Du concret, du présent, de l’incarné, du réel, du catholique.

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