Dans Valeurs Actuelles, le père Danziec décrypte la « cancel culture » et le mouvement « woke » :
Au petit matin du 1er décembre 1993, un treuil monumental déroule un préservatif géant sur l’obélisque de la Place de la Concorde. Il ne s’agit pas, alors, d’une consternante « aventure artistique » subventionnée par la Mairie de Paris mais tout simplement d’une opération coup de poing menée illégalement par les militants d’Act Up. Cette « fureur créatrice » des années sida, pour reprendre l’expression du journaliste de Télérama Laurent Rigoulet, devait bouleverser le monde de l’art.
Les litanies de la disgrâce
Depuis, presque trente ans ont passé et le zèle dans la provocation n’a pas faibli. En octobre 2014, le subversif plasticien américain Paul McCarthy exposait à Paris une oeuvre monumentale et temporaire, dans le cadre de la Fiac (Foire internationale d’Art contemporain) Hors les murs. La si jolie Place Vendôme, imaginée par Jules Hardouin-Mansart et emblème éclatant du luxe à la française, se voyait affubler d’un arbre vert, s’élevant à 24,4 mètres de hauteur et gonflable, à la forme équivoque… En juin 2015, c’est au tour du jardin royal du Château de Versailles d’être labouré par l’installation gulliverienne de l’artiste anglo-indien Anish Kapoor, le fameux “Dirty Corner” ou “Vagin de la Reine”. « J’ai eu l’idée de bouleverser l’équilibre et d’inviter le chaos » dira-t-il. Son énorme sculpture, posée sur le Tapis Vert de Le Nôtre, et que l’on peut décrire comme un long tunnel d’acier, sorte de cornet acoustique, de 10 mètres de haut, à moitié recouvert de terre et de gravas, nécessitera à elle seule 500 tonnes de pierres venues de Belgique et 1.000 tonnes de terre issues de la production agricole. Cet art contemporain XXL, au mauvais goût assumé, le musée du Louvre, à travers son président Jean-Luc Martinez, refusera de servir d’écrin pour le “Domestikator” en octobre 2017. L’oeuvre de l’artiste et designer hollandais Joep Van Lieshout, d’une connotation ouvertement zoophile, composée de gigantesques blocs géométriques habitables, trouvera finalement asile, à défaut des Tuileries, au Centre Pompidou avec la bénédiction de la direction de Beaubourg.
Comme s’il était besoin de s’en convaincre, la plasticienne Juliana Notari et sa gigantesque sculpture, nommée Diva, viennent nous prouver qu’il n’y a pas de raison de croire que 2021 échappera à l’escalade de la laideur. Accrochée à flanc de colline, une fente « évocatrice » de 33 mètres de long, de 16 mètres de large et composée d’une excavation de 6 mètres de profondeur vient tout juste d’être inaugurée. Située au coeur du parc artistique et botanique Usina de Arte, à Agua Preta, au Brésil, il aura fallu onze mois de travail pour l’achever. Il s’agit, selon l’artiste, d’utiliser l’art « pour lancer le dialogue sur les questions traitant des problématiques de genre d’un point de vue féminin ». Fermer le ban.
Tandis que Michel Foucault inspire le triomphe des minorités, que les effets de la French Theory reviennent, tel un boomerang, sur le sol national, la déconstruction dans le domaine artistique perpétue, quant à elle, les litanies de la disgrâce. En 2005, Catherine Grenier, alors commissaire au centre Pompidou de l’exposition Big Bang, destruction et création dans l’art du 20e siècle notait que : « depuis le courant moderne qu’ont constitué les avant-gardes, la déconstruction est à la racine même de l’acte créateur ». L’actuelle directrice de la fondation Giacometti à Paris se félicitait, alors, que l’histoire de l’art moderne ait été jalonnée de ces remises en cause successives, toujours plus radicales. De l’expressionisme qui détruit la figure à l’anarchisme dadaïste qui dynamite la forme en passant par la dérision surréaliste qui se moque de la vérité. « L’extinction de la forme dans l’art conceptuel, le détournement des mass médias et des artistes contemporains : investissons toujours de nouveaux terrains d’action ! » écrivait-elle. On est loin des deux facultés immatérielles sources de la réussite artistique louées par Gustave Thibon : l’intelligence qui guide la main et l’amour qui s’applique au travail
Dès 1971, dans une précieuse étude intitulée A la découverte du beau, Jean Ousset faisait remarquer : « Nous ne savons plus voir ». Pour le fondateur de la Cité Catholique, jamais le sens esthétique des hommes n’a été aussi réduit à quelques routines, recettes ou spécialités. Réduit au marketing, au buzz sur fond d’outrance ou d’excès, dirions-nous aujourd’hui. Oui, nous ne savons plus écouter, comprendre, goûter. La matière, première victime du matérialisme, a rendu notre monde sec et froid. Ce qui manque à notre monde, ce n’est pas la beauté, c’est l’esprit contemplatif. Cette capacité à s’élever. A s’extraire de l’utile ou du scandale. Déceler dans la plénitude des choses, l’harmonie des êtres de quoi s’appuyer pour devenir meilleur. Prendre le temps de s’échapper du quotidien et de son bruit pour mieux les remettre en perspective. La beauté sauvera le monde pourvu que ce dernier sache, ou réapprenne, à la contempler. Socrate avait vu juste, « toute sagesse commence dans l’émerveillement ». Entre la beauté esthétique et la vérité philosophique, la frontière est ténue autant que le lien est solide.
Qui sait voir et regarder, détient alors les clefs intérieures pour percer le grand secret de la vie de l’esprit. Dans la beauté, il devient en effet possible pour le contemplatif de découvrir le visage de Dieu. A l’inverse, là où l’esprit ne souffle plus, les choses du corps finissent par perdre de leur sève et de leur originalité. Face au monde moderne et à ses déconstructeurs, comme souvent, Georges Bernanos nous éclaire. S’y opposer, lutter contre eux, ne saurait relever d’un baroud d’honneur perdu d’avance.
« Ce n’est pas mon désespoir qui refuse le monde moderne. Bien au contraire, nous dit-il, je le refuse de toute mon espérance ».
Nous voilà rassurés sur la marche à suivre. Parce qu’à observer l’aube de 2021, de l’espérance, il semble que nous allons en avoir plus que jamais besoin.
Gilles Tournier
Sculpture de Lucifer surmontant une pyramide en plein dans l’entrée de Sainte Marie des Anges (!!!!) à Rome ! Et personne, pas un prélat, un curé, pour dénoncer ce blasphème immonde !
AnneR
Notre époque ne conçoit pas que l’Homme puisse ne pas être libidineux…
Chouan85
Enlever Dieu, il ne reste que de la fange!!!