Suite à la pénalisation de la négation du génocide arménien et aux réactions turques, Maroun Charbel rappelle cet autre massacre, dans Présent :
"Il était alors normal que ma réflexion me porte vers cet autre génocide turc : celui contre la population chrétienne du Mont-Liban tout au long des quatre années de la Grande Guerre. Systématiquement, méthodiquement, les Chrétiens du Mont-Liban ont été assiégés, affamés, enlevés, déportés par ordre du gouvernement Jeune-Turc, celui-là même qui massacrait les Arméniens.
Le Mont-Liban était depuis son statut organique de 1864, au lendemain des massacres de 1860, une province autonome de l’Empire ottoman avec son statut propre. Les Jeunes-Turcs, pur produit des Lumières, considéraient que tout habitant de l’Empire était citoyen ottoman et donc soumis aux mêmes règles, dont le service militaire obligatoire. Le régime des capitulations était balayé, comme celui des « Millet » qui faisaient des communautés religieuses non islamiques autant de petites nations au sein de l’Empire, et le Mont-Liban perdait son statut de province autonome.
Le blocus était total et comme si cela ne suffisait pas une invasion de criquets ajoutait un malheur au malheur et détruisait tout sur son passage. Donc, plus de récoltes, mais aussi plus de semences. Plus de 180 000 Libanais devaient mourir de faim, plus de 20 000 étaient déportés en Cilicie et en Arménie et consignés dans les maisons des Arméniens envoyés à la mort, des dizaines de milliers d’orphelins erraient dans les rues. Le Liban chrétien perdait plus du tiers de sa population. La guerre finie, les premiers secours arrivent avec les troupes françaises. Mais des milliers de Chrétiens ne pensent alors qu’à une chose : embarquer pour n’importe où, et mettre entre l’islam, les Turcs et eux, la mer et les océans."