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France : Politique en France

Quand « les extrêmes sont le sel de la terre »

Quand « les extrêmes sont le sel de la terre »

Tribune de Joseph Thouvenel publiée sur le site internet du JDD :

« Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirais de ma bouche » Livre de l’Apocalypse.

En un temps où la nouvelle doxa est au rejet des « extrêmes », je confesse bien peu humblement que mes modèles ont toujours été des « extrémistes », à commencer par mon père.

Médecin libéral issu de la bourgeoisie, il fit le choix de devenir médecin des voleurs, des brigands, des escrocs, des souteneurs, des violeurs, des assassins, en exerçant au sein des prisons de Fresnes, à une époque où ce type d’engagement générait plus d’incompréhension, voire de rejet que d’approbation. Ce choix était clairement celui d’un « extrême ».

1939- la France est en guerre. Continuant dans l’excès, mobilisé il exhibe de sa qualité de veuf sans enfant pour réclamer un changement d’affectation, afin d’être au plus près du front en lieu et place d’un père de famille.

L’armistice venu il retrouve son poste de médecin chef des prisons de Fresnes et entreprend avec la complicité d’infirmières et de gardiens, d’exfiltrer des détenus patriotes. « Grâce à un certificat médical, une mise en scène de circonstance lors de la contre-visite du médecin allemand qui nous faisait fort heureusement confiance, de très nombreux Français ont pu être libérés et sauver parfois leur vie en échappant au jugement et par la suite aux recherches de la Gestapo ». Témoignage de Marie Niel infirmière major de l’hôpital de la prison de Fresnes.

Pris par la patrouille, condamné par le tribunal militaire du Gross Paris, il deviendra le matricule n°532/43 au centre pénitentiaire de Villeneuve Saint Georges où « le 11 novembre le docteur Thouvenel a mis le drapeau français [fabriqué avec un drap blanc, du bleu de méthylène et du mercurochrome] à la fenêtre de l’infirmerie, ce qui lui coûta quelques représailles ». Témoignage du lieutenant Lazare FTPF. Le directeur de la prison ayant un détenu médecin l’avait affecté à l’infirmerie.

Un extrémiste vous dis-je.

« Début mars 1943, le condamné Thouvenel faisait l’objet d’une mesure gracieuse de la part des autorités d’occupation, mesure qu’il n’avait nullement sollicitée. Celle-ci était conditionnée au versement d’une somme de 300 RM (ou 6000 francs). Par 3 fois, il déclina de signer cette mesure de faveur répondant très énergiquement qu’il ne voulait pas payer un centime d’amende au Reich. La troisième fois, le chef du Kommando Burger le convoque à son cabinet et lui pose la question de confiance suivante : Est-ce que vous ne voulez pas payer ou vous ne pouvez pas payer ? Thouvenel répondit « qu’il ne voulait pas payer, ni acheter d’un centime sa grâce » le chef du Kommando lui fit savoir qu’il risquait, en raison de son attitude, d’être déporté en Allemagne. Le condamné répondit qu’il était prêt à accepter le sort que lui réservait le tribunal ». Témoignage du directeur du centre pénitentiaire de Villeneuve Saint Georges.

Les extrémismes se reconnaissant entre eux, il fut sauvé de la déportation par un officier subalterne de l’armée allemande, maître des tampons et des formulaires, qui impressionnés par l’attitude « extrême » de mon père, valida des documents de libération en lieu et place de déportation. Cet autre extrémiste en uniforme vert de gris était un catholique autrichien antinazi. Ils se retrouvèrent d’ailleurs après-guerre à Paris.

Je pourrais continuer à vous narrer nombre d’anecdotes concernant ce partisan de l’engagement « extrême ».

Je pourrais également citer ces modèles donnés par l’Église catholique appelés Saints, fréquemment martyrs par fidélité à leur foi et leur engagement. Ils constituent à travers les siècles une sacrée bande d’extrémistes, pas vraiment de ces centristes mous, qui n’acceptant l’engagement que « convenable » c’est-à-dire nuancé, modéré, ordinaire. Le fait d’être extrême c’est-à-dire « qui est à un très haut degré » comme le précise le Petit Robert me semble être plus une qualité qu’un défaut.

Malheureusement, la classe intellectuelle et médiatique installée qui sait si bien protéger ses petits intérêts, a décrété du haut de son magistère moral que les extrêmes, sans plus de précision, étaient le danger, la menace absolue. Elle rejoue en permanence les accords de Munich, façon tête dans le sable, pour conjurer le danger et éviter d’analyser d’où vient le péril, ce qui pourrait obliger à faire acte de courage. Nos bons maîtres à penser préfèrent coller l’étiquette « extrême » à un opposant pour le disqualifier, évitant de s’interroger, d’approfondir, d’affronter ce qui peut déranger. Ils peuvent ainsi tranquillement rester dans leur zone de confort et refuser de se colleter au réel.

Cette attitude est largement majoritaire dans les médias. Combien pratiquent cette posture systématique, refusant toute attention ou prise en considération des arguments, des remarques, des expériences venant des « extrêmes » ?

Il est pourtant une exception notable, l’extrême qui brûle des voitures, casse des vitrines, hurle que « la police tue », que les patrons sont des exploiteurs, que la France doit s’excuser en permanence de tous les malheurs du monde et affirme que l’effroyable massacre du 7 octobre était un acte de résistance. Cet extrême-là bénéficie dans les médias encore dominants et le monde politique, d’une étrange complaisance. Pour certains, il y a visiblement de bons extrêmes, ceux qui agitent le drapeau rouge ou noir, juchés sur les millions de cadavres de toutes les révolutions bolchéviques, et de mauvais extrêmes, ceux qui n’ont aucune complaisance pour les bourreaux quel que soit leur masque idéologique.

Si être à l’extrême n’est pas une qualité en soi, ce n’est pas non plus un défaut en soi.

La question est de savoir si l’engagement qui va au bout, à la limite, est bon ou mauvais. S’il participe au bien commun ou à la destruction de la société et des Hommes.

Il est pour le moins étrange de voir ces mines de chaisières effarouchées que prennent nombre de personnalités en parlant des « extrêmes », eux qui bien souvent semblent préférer l’extrémité du monde plutôt que la patrie qui nous porte.

Joseph THOUVENEL

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5 commentaires

  1. Bravo et merci Monsieur

  2. Magnifique !

  3. Article extrêmement juste!
    Merci Joseph Thouvenel pour cette mise au point!

  4. Belle leçon de discernement, contre le prêt à penser. Merci.

  5. Comment vous remercier monsieur Thouvenel ? La force de votre témoignage est un phare qui éclaire la nuit de la mollesse et de la lâcheté !

    Mais j’aimerais tellement retrouver le texte de votre magnifique discours lors de la célèbre manif du Trocadero, pour défendre le vrai mariage, celui d’un homme et d’une femme !

    Quelqu’un peut-il m’aider ?

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