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France : Politique en France

Quand l’ultragauche emprunte les méthodes du fascisme

Quand l’ultragauche emprunte les méthodes du fascisme

Tribune de Jean-Frédéric Poisson dans le JDD :

On croyait le fascisme rangé au grenier des vieilles peurs, coincé entre les chandeliers poussiéreux et les proclamations martiales. Mais il revient : il avance masqué, muni d’un vocabulaire neuf, d’un lexique lavé à la lessive idéologique, et se pare du titre somptueux d’« antifascisme ». C’est sa première ruse : se présenter comme l’antidote de ce qu’il répand. Il est vrai que le fascisme n’est pas né dans un dîner de gala droitier. Il est l’enfant turbulent de la gauche révolutionnaire, un rejeton impatient, avide d’ordre total, de vertu imposée par la force, de société disciplinée par la pureté morale.

Mussolini, avant de devenir le Duce, dirigeait Avanti !, le plus grand journal socialiste italien. Il exaltait la grève générale, le renversement de l’ordre bourgeois et la régénération de la société par la violence. Ses « Faisceaux » [Faisceaux italiens de combat, mouvement politique créé en 1919 par Mussolini et première incarnation du mouvement fasciste en Europe, NDLR] n’étaient pas une armée d’aristocrates en monocle : c’était un regroupement de syndicalistes maximalistes, d’anciens socialistes lassés de la démocratie trop lente. Le fascisme, avant d’être une dictature, fut une tentation : celle d’imposer le bien par la force pour aller plus vite que le Parlement et plus droit que la loi, quitte à briser quelques vies et quelques vérités au passage.

Et voici que le vieux spectre ressurgit, travesti en activisme moderne. On ne marche plus sur Rome, on marche sur les scènes de théâtre et on met le feu – littéralement – aux concerts. On ne brûle plus les librairies, on annule les spectacles. On ne s’empare plus des mairies, on arrache les sapins. On ne harangue plus les foules, on chasse les crèches et on bordélise les marchés de Noël. On ne défile plus en uniforme, on s’indigne en collectif. La méthode, pourtant, demeure étrangement familière : désigner l’ennemi, le faire taire et intimider jusqu’à ce que la peur devienne loi. Rien n’est plus efficient qu’un petit groupe décidé à décider pour tous, particulièrement lorsque personne ne lui résiste.

Il y a chez ces nouveaux justiciers une ardeur qui confine au religieux. Le juge se trompe ? La rue corrigera. Une journaliste emploie un mot déplaisant ? La foule s’en chargera. Une inauguration ne cadre pas avec la morale du moment ? On la sabordera. Un média critique la révolution ? On le fera interdire. Ce n’est plus l’espace public : c’est un tribunal mobile où l’on est coupable de ce que des groupuscules qui répandent la terreur ont décidé. On perpétue un vieux rituel inventé par les chemises noires : « punir » l’adversaire avant qu’il n’ait eu le temps de se défendre. Et peu importe que la justice institutionnelle ait déjà parlé : le tribunal militant est infaillible.

Les procédés, eux, ont l’accent des heures les plus sombres de notre histoire : l’intimidation morale, l’humiliation publique, le sabotage des cérémonies. Les squadristi italiens [chemises noires, adhérents à la milice du régime fasciste de Mussolini, NDLR] interrompaient les réunions adverses à coups de gourdins ; nos nouveaux vertueux le font à coups d’accusations, de campagnes ciblées, de pressions sociales. Leur violence n’est pas toujours physique, mais ils partagent l’idée fondatrice : le droit d’imposer silence à ceux qui déplaisent.

Mais le plus inquiétant n’est pas l’excès de ces zélateurs ; c’est le silence massif de l’État. On dirait un maître d’école qui, voyant les élèves les plus bruyants terroriser la classe, se contente d’éternuer dans son mouchoir en espérant que le calme reviendra par miracle. L’autorité, quand elle se retire, ne laisse pas un espace libre : elle laisse un terrain de jeu aux fanatiques.

Il serait raisonnable de nous souvenir que la liberté n’est jamais abolie d’un coup : elle s’effrite, s’effiloche, se dissout dans les applaudissements polis, parfois aussi dans le silence moquetté des allées du pouvoir. Et que les fascistes, les vrais, ne portent pas toujours la chemise brune. Ils arborent des slogans qui paraissent neufs, défendent des causes apparemment nobles et entretiennent l’obsession inoxydable de sauver l’humanité, pour abuser des peuples qui n’ont plus de mémoire et qu’on a déculturés.

Ces temps-ci, la France est témoin des mésactions des révolutionnaires de bac à sable, des musulmans conquérants et des pseudo-féministes. Jusqu’à quand les Français se laisseront-ils emmerder ? Il y a quelques mois, un habitant d’Ajaccio rentrant chez lui était molesté par des vendeurs de paradis à l’entrée même de son immeuble. Un peu plus tard, quelques dizaines de Corses amis venaient faire comprendre à ces dealers qu’il faudrait déguerpir ou être découpés en rondelles : l’hospitalité insulaire n’exclut pas la fermeté. Ils ne citèrent aucun philosophe, n’invoquèrent aucun comité, mais firent savoir avec une clarté toute méditerranéenne qu’il existe des limites à ne pas franchir. Les Corses ont ce don rare : ils pratiquent la justice ordinaire avec un sérieux presque poétique et l’inflexibilité d’un officier de la Légion. J’aime bien les Corses.

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