M.Macron, le 22 novembre 2021, a prononcé (encore) un discours à l’occasion de l’inauguration de l’exposition « Juifs d’Orient » à l’Institut du monde arabe.
L’exposition fait partie d’une opération de propagande, pardon, d’information sur les mérites et les grandeurs de la civilisation arabo-musulmane comme le précise d’ailleurs sans fard M.Macron dans son discours :
« Ce n’est pas un hasard si « Juifs d’Orient » ouvre à l’IMA en même temps que le Louvre et la RMN Grand Palais déploient 18 expositions en France sur les arts de l’islam. Face à tous les obscurantismes qui se réclament de l’islam, ce projet vient rappeler l’héritage que la civilisation islamique a légué que ce soit dans la philosophie, la médecine, les sciences ou l’art, autant de reflets de circulation d’idées auxquelles d’ailleurs cette exposition même aussi rend hommage, parce que c’est la meilleure compréhension mutuelle qui permet justement cette coexistence, ce partage ».
Trois composants de la doxa doivent rentrer dans le cerveau des petits Français : rien, à peu près, de ce qui relève des arts, de la pensée ou de la science n’est étranger à l’islam ; l’islam est fondamentalement tolérant et ouvert (voire inclusif) ; et l’islam est une part importante de la France et depuis très longtemps (sinon toujours).
M.Macron, au détour d’une phrase, concède : « sans angélisme aucun, l’histoire des Juifs d’Orient est aussi faite de persécutions, de souffrances, de conflits, d’exode ». Mais c’est une parenthèse. Parce que sinon, tout n’est qu’enchantement pour les Juifs d’Orient, une communauté qui a eu « cette volonté à chaque fois d’épouser, de conjuguer, de tresser, d’hybrider, pour survivre et partager ». Bien sûr, on aura compris que conjuguer, tresser et hybrider pour survivre, en islam, cela s’appelle se soumettre à la charia.
Pourtant, « entre les années les plus sombres, il y eut des périodes de floraison somptueuses, des ponts jetés entre les langues, entre les savoirs, entre les cultures. Il y a une formidable leçon de civilisation tout au long de cette exposition et de ce chemin. Le fait qu’au fond, l’identité est toujours plus complexe qu’on ne le croit, qu’elle se frotte à d’autres identités pour s’en nourrir [NDLR : comprendre que l’identité juive s’est frottée à l’islam pour s’en nourrir], et que la part maudite n’est jamais la part de l’autre [NDLR : comprendre que les juifs ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes]». Le discours de M.Macron est un hymne à la coexistence : on trouve là « tant et tant de symboles croisés, de signes partagés, d’histoires croisées ».
Et d’enfoncer encore le clou de l’incontournable vivre ensemble :
« Nos civilisations, nos cultures sont un accès au spirituel, à des géographies, à des savoirs, mais [NDLR : pourquoi le « mais » ?] toujours un chemin d’émancipation et de dialogue.[NDLR : il faut sans doute comprendre que l’islam est une civilisation de l’émancipation et du dialogue] Un chemin qui nous permet au fond de vivre ensemble parce que nous conjuguons tout cela… [Et] pour vivre ensemble, il faut commencer par nous connaître et nous comprendre ».
De façon définitivement rassurante, M.Macron trouve dans l’histoire des Juifs d’Orient un enseignement, peut-être même un modèle, pour la France :
«Je le dis pour la Nation que nous sommes au moment où nous nous parlons : quelles que soient les difficultés qui sont les nôtres, penser qu’elles viennent de l’autre ou de cette part de l’autre, est une facilité aussi vieille que l’humanité. Penser qu’il faudrait chasser une part de l’autre qui est au fond déjà une part de nous-mêmes, c’est grandir notre malheur et rarement le chasser bien loin. C’est cette leçon profonde de civilisation qu’offre cette exposition ».
D’autant plus que nous sommes plus multiculturels et depuis plus longtemps que nous ne pouvions l’imaginer. M.Macron nous le rappelle :
« C’est cette mémoire plurielle, foisonnante, qui fait aussi, je le dis ici avec beaucoup de conviction, la force de notre République. Parce que ces identités n’existent que dans les capacités à trouver leurs propres harmoniques et à sonner ensemble. Ceux qui veulent en retrancher ou en oublier enlèvent quelque chose à la France et à la République. Ceux qui veulent les rendre dissonantes trahissent le chemin de la France et de la République. Parce qu’elles sont là depuis longtemps et se conjuguent depuis bien avant nous. Ces harmoniques existent, nous les avons déjà entendues ».
Il définit la véritable hospitalité comme « de pouvoir accueillir sur son sol des femmes et des hommes qui avaient déjà à y être, parce qu’on découvre à ce moment qu’ils y étaient depuis très longtemps ». « Ils » n’y étaient pas, mais en fait « ils » y étaient quand même. Cela tient véritablement du prodige. Et puis il y a sous-jacente donc l’idée que les musulmans sont sur le sol français depuis très longtemps. Alors, fixons les idées : en 1872, année du dernier recensement civil en France à avoir comporté officiellement une rubrique religieuse, sur les quelques trente-six millions d’habitants que comptait le pays, près de 98% se sont déclarés « catholiques romains ». 35,4M sur 36,1 M. Auxquels s’ajoutaient près de 600 000 protestants, 50 000 israélites, 80 000 sans culte et… 3000 ressortissants d’autres cultes (parmi lesquels des musulmans) (Guillaume Cuchet Comment notre monde a cessé d’être chrétien Ed. du Seuil, p.15). La capacité des harmoniques à sonner ensemble, pour reprendre la logorrhée macronienne, n’avait sans doute pas encore été mise en oeuvre.
Et alors, comme il faut nous connaître et nous comprendre, M.Macron profite de l’occasion pour annoncer
« que la préfiguration du futur Institut français d’islamologie a démarré depuis octobre… je crois en un islam des Lumières et je souhaite le développement d’études de haut niveau sur l’islam à l’université. Nous devons réinvestir l’islamologie ».
Bon, c’est pas tout ça mais on a du vrai travail : à part en Israël, des juifs en Orient, il en reste où ? Et combien ? Combien en Arabie Saoudite ? Combien en Irak, en Syrie, en Jordanie, en Iran ? Et pour ceux qu’on arriverait à y dénicher, combien sont obligés de payer la djizîa, l’impôt qui pèse sur les dhimmis, ces non-musulmans en terre d’islam soumis pour qu’on les laisse au moins un peu tranquilles et obligés d’accepter des ségrégations sociales ?
Et au fait, à propos d’Israël : la France (présidée par le même M.Macron, celui qui entend les harmoniques, qui vante la mémoire plurielle et foisonnante…) vient de donner sa voix, le 1er décembre 2021 à une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies qui affirme que les Lieux saints de Jérusalem sont exclusivement musulmans. Elle est où l’hybridation ? Il est passé où le tressage ?
Et dans la France de M.Macron, des musulmans de Nanterre invectivent des catholiques processionnant : « cassez-vous vous êtes pas chez vous» ; « wallah sur le coran je vais t’égorger ». On ne sait pas s’il y a besoin d’un institut d’islamologie, mais certains rudiments de la paix et de la tolérance islamiques sont déjà bien maîtrisés. Une petite dissonance ?