Les lecteurs attentifs du Salon beige ont déjà entendu parler de M.Vincent Souleymane. Converti formé à l’IESH (Institut Européen des Sciences Humaines), cette « université » de Château-Chinon qui forme les imams européens à l’idéologie « fréro-salafiste »), M.Souleymane est tout à la fois enseignant, référent en chari’a, imam et auteur (« Savoir lire le Coran » ; « L’islam. Le Message Suprême »). Bref, une référence.
Nous avions déjà rapporté l’un de ses propos typique du vivre-ensemble musulman :
« Par exemple, en France, un musulman ou une musulmane qui irait dans un village où il n’y a pas de musulmans, il n’y a pas de mosquée, pas de boucherie hallal, rien ! Y’a pas de cimetière. Si il meurt, y’a personne pour faire [mots en arabe]. Eh bien, ça, c’est interdit ».
En juin dernier, M.Souleymane avait légèrement défrayé la chronique car il devait traduire en direct une conférence devant être donnée par le cheikh Ad Dedew au centre islamique Tawhid (Rue Notre-Dame à Lyon, ça ne s’invente pas…) sur le thème : « L’identité musulmane, une fierté ».
Or, ce cheikh était connu notamment pour avoir soutenu l’attaque contre Charlie Hebdo. Cela faisait désordre. La conférence avait été interdite par le ministère de l’intérieur.
Voilà-t-il pas que nous sommes tombés au hasard de la navigation sur le web sur un enseignement du sieur Souleymane, mis à disposition par Instagram interposé. Avouons immédiatement n’être pas un expert de ce réseau social : nous n’avons pas trouvé le moyen de faire apparaître la durée totale de l’enregistrement (sans doute plus d’une heure ; notre esprit de sacrifice n’a pas de limite…) ni le décompte du temps (de telle sorte que nous ne sommes pas capables, pour ceux qui auraient envie de se reporter à un passage précis de la vidéo, de déterminer le moment minuté des paroles rapportées ci-après). Ci-dessous, l’écran qui apparaît avec des commentaires assez représentatifs d’une ambiance, quoique complètement déconnectés du sujet traité, allez savoir pourquoi…
En tout cas, une chose sûre, c’était le 14 décembre 2022 parce que cela commence par : « Demande pour commencer après le match. Pendant le match, j’aurais eu deux personnes » et continue ensuite pendant dix minutes en particulier pour savoir si c’est autorisé (haram, bien sûr) de se divertir en regardant un match de foot. Il s’agissait, vous l’aurez peut-être deviné, de la demi-finale du championnat du monde France Maroc.
De l’écoute attentive de ce long commentaire sur un hadith fourni en arabe, nous retirons deux idées représentatives de l’islam.
Première idée : les non-musulmans sont exclus du champ de la loyauté musulmane.
« La religion, c’est la sincérité, la loyauté. La religion c’est ça. Bien sûr donner le bon conseil à quelqu’un, ça fait partie de la sincérité. Les compagnons ont dit : « Envers qui ? ». Et le prophète a dit : « envers Allah ». Envers son livre, envers son messager, les imams et la masse des musulmans. Ca résume la religion : donner son droit à autrui, être sincère et véridique ».
On comprend alors que « autrui », ça n’inclut pas les non-musulmans. Mais on se dit qu’on a peut-être mal compris. Donc on continue d’écouter M.Souleymane qui, dans une présentation structurée, déroule son raisonnement. Il explique d’abord la loyauté envers la sunna [la tradition et les pratiques de Mahomet] qu’il faut suivre absolument. Mais le musulman peut cependant faire preuve de bon sens : « Si le prophète se déplaçait à dos de chameau, ce n’est pas parce qu’il y avait une sunna faisant partie du message prophétique. Non, c’est parce qu’à son époque, ça se faisait comme ça et c’était le meilleur moyen de traverser dans le désert… On n’est pas obligé d’avoir les mêmes goûts que le prophète ». Et de raconter ainsi que, même si le prophète a refusé un jour de manger de l’iguane [sic], ce n’est pas parce que c’est interdit mais pour une question de goût : Et « il [Mahomet] aimait l’épaule d’agneau. Eh bien celui qui n’aime pas l’épaule d’agneau, il ne le fait pas contre la sunna ».Nous sommes rassurés.
M.Souleymane parle ensuite de la loyauté à l’égard des imams, qu’il distingue en deux catégories : les savants (« Ce sont les héritiers du prophète qui nous transmettent les éléments e la révélation. Ce sont les cadres de la communauté ») et les gouverneurs.
Et il termine ainsi son enregistrement :
« Ensuite, et je vais finir avec la loyauté, envers tous les musulmans. C’est la base du comportement du musulman. Aider son frère lorsqu’il en a besoin. Envers tous les musulmans, être de bon conseil. Bref, on peut résumer : vouloir pour l’autre ce qu’on voudrait pour soi-même. Agir avec les autres comme on aimerait que les autres agissent envers nous. Et ça, c’est rapporté par le célèbre hadith : « Personne ne croira tant qu’il ne veut pas pour son frère ce qu’il veut pour lui-même ». Voilà. On va s’arrêter là pour l’explication du hadith [le hadith du tout début ayant provoqué tous les commentaires ci-dessus] ».
On ne peut pas être plus clair sur le fait que l’ « autre », le « frère », c’est un musulman. Nous avions donc bien compris. Pour les non-musulmans, oualou, en quelque sorte.
Deuxième idée : l’obéissance au gouverneur est conditionnée à son obéissance à Allah.
Revenons maintenant au passage sur ces gouverneurs, une des catégories des imams. Voilà ce qu’en dit M.Souleymane :
« Il y a unanimité sur le fait d’obéir au gouverneur qui gouverne selon les lois d’Allah. Ca n’empêche pas de le conseiller, mais l’obéissance est obligatoire. Mais celui qui ne gouverne pas est gouverné par les lois d’Allah. Ne pensez pas seulement couper la main du voleur, les peines légales, c’est pas que ça. C’est surtout qui établit la justice de l’islam. Parce qu’avant tout ça et même ces peines légales, elles sont au service de la justice. L’islam, c’est la justice sur terre. Donc qui applique vraiment les principes de l’islam. Mais si le gouverneur, il mène une politique qui ne s’inspire pas du tout des valeurs de l’islam, qui transgresse les règles, alors en théorie l’obéissance, elle ne lui est plus dûe. L’obéissance au gouverneur est conditionnée à son obéissance à Allah. ».
Et M. Souleymane de s’interroger alors sur ce qu’on doit faire si le gouverneur n’obéit pas à Allah. Eléments de réponse :
« La révolution armée ne donne jamais rien de bon. Ca donne une guerre civile, ça donne quelque chose dont le pays ne se remet pas. Regardez la Révolution française : ça a mis des années de terreur pour finalement ne pas changer grand-chose [sic]. Quelqu’un a dit : c’est possible si on est sûr d’avoir des gens qui reprennent le pouvoir derrière. Ca c’est bien en théorie mais c’est un peu difficile à appliquer ».
Ah, au fait, M.Souleymane a fait une petite remarque au cours de son enseignement : « Une minorité peut causer la perte de toute une nation », qu’il a même répétée.