Mgr. Giampaolo Crepaldi, Président de l’Observatoire International Cardinal Van Thuân sur la doctrine sociale de l’Eglise, archevêque de Trieste et président de la Commission « Caritas in veritate » du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE), a élaboré 4 critères pour orienter les politiques migratoires :
"A la base, il y a les orientations de la Doctrine Sociale de l’Église. Il faut reconnaître que sur ce phénomène les encycliques sociales n’ont jusqu’à présent pas dit grand-chose. Mais l’enseignement ordinaire des derniers papes et surtout les Messages pour ‘la Journée mondiale des migrants et des réfugiés’ contiennent de nombreuses informations précieuses. Aussi les Conférences épiscopales européennes – de la COMECE et de la CCEE – ont fait entendre leur voix, ainsi que les épiscopats nationaux que ce soit des pays d’émigration ou des pays d’accueil. Il y a donc certains critères que je veux mentionner ici de façon très synthétique d’autant qu’ils ont également guidé le travail du présent Rapport.
Le premier critère est que le droit d’émigrer existe, de quitter son propre pays soit lorsque la vie y est devenue très difficile, voire impossible, en raison d’une persécution politique ou religieuse mettant en danger sa vie ou celle de sa famille, soit quand il est dévasté par la guerre, soit encore quand un état de détérioration, de pauvreté endémique ou de sous-développement empêche la survie ou la soumet à des conditions de souffrances disproportionnées. Tout le monde a le devoir d’aimer son pays, mais personne n’est obligé de devenir esclave. S’expatrier est donc un droit qui doit être reconnu.
S’il existe donc un droit à l’émigration, il faut aussi tenir compte qu’il y a aussi, et peut-être d’abord, un droit de ne pas émigrer. L’émigration ne doit pas être contrainte, forcée, ou même planifiée. Ce principe est très important car il entraîne des obligations connexes : le devoir pour la communauté internationale d’intervenir sur les causes avant d’agir sur les conséquences, d’affronter les problèmes qui dans les pays d’où l’on émigre poussent ou obligent les gens et les familles à s’en aller, en donnant sa propre contribution pour les résoudre, mais aussi le devoir pour ceux qui émigrent de vérifier si plutôt que de partir il n’existe pas la possibilité de rester et d’aider leur pays à régler ses difficultés. Malheureusement, au contraire, les grandes puissances elles-mêmes déstabilisent certaines aires géopolitiques, en armant et en finançant des états corrompus et des califats. De nombreux évêchés africains invitent avec insistance leurs enfants à ne pas s’en aller, à ne pas se laisser égarer par des propositions illusoires, mais de rester pour contribuer au progrès de leur pays. Du droit à ne pas migrer on ne parle pas beaucoup. Chaque situation est un cas particulier et ces principes ne peuvent pas être généralisés ; cependant, ils peuvent contribuer à éclairer justement les situations particulières.
Un autre principe est que s’il y a un droit d’émigrer, il n’existe pas un droit absolu d’immigrer ou d’entrer dans tous les cas dans un autre pays. En d’autres termes, les pays de destination ont le droit de gouverner l’immigration et d’établir des règles pour l’accès et l’intégration des immigrés dans leurs sociétés. Des principes élémentaires du droit humanitaire disent que celui qui arrive doit être accueilli et soigné, mais les gouvernements doivent aussi penser au bien commun de leur propre nation à l’égard duquel l’immigration peut constituer une menace. Parmi les critères de la défense du bien commun dans les politiques d’immigration, il y a aussi le devoir de préserver son identité culturelle et d’assurer une intégration efficace et non un multiculturalisme de simple voisinage sans intégration.
Un autre critère est le réalisme chrétien. D’une part, ne pas se verrouiller face à ces événements importants, de l’autre, ne pas céder pas à une rhétorique superficielle. L’accueil et l’intégration représentent des problèmes très prenants et il ne suffit pas d’une bonne volonté générale pour les résoudre. Le réalisme signifie ne pas céder à des explications simplificatrices des phénomènes migratoires, en attribuant la faute à la droite ou à la gauche. Cela signifie qu’il faut voir comment le mal et le bien viennent toujours ensemble dans ce type de circonstances : de nombreux migrants sont très certainement dans le besoin, d’autres peuvent migrer avec des objectifs moins nobles. Cela signifie qu’il faut voir que derrière les migrations, il n’y a pas seulement des besoins légitimes, mais aussi des réseaux d’exploitation des personnes et des desseins de déstabilisation internationale. L’acceptation du prochain ne peut pas être aveugle ou tout simplement sentimental, l’espérance de ceux qui émigrent doit aller de pair avec l’espérance de la société qui les accueille. L’espérance doit être organisée, et pour cela il faut du réalisme.
Le réalisme chrétien exige donc que l’on ne fasse pas de chaque cas une généralité. Il est évident que l’immigration islamique a des caractéristiques propres qui la rendent particulièrement problématique. Le reconnaître est un indice de réalisme et de bon sens et non de discrimination. L’Islam a à voir avec les migrations de deux façons : d’une part, pour les califats islamiques qui forcent les gens, en particulier les chrétiens, à fuir pour sauver leur vie, et de l’autre parce que l’intégration des populations musulmanes dans d’autres pays est objectivement plus difficile, en raison de certaines caractéristiques de la religion islamique elle-même. Il ne s’agit pas de blâmer l’Islam, mais de prendre acte qu’il y a dans l’islam des éléments qui empêchent d’accepter certains aspects fondamentaux des autres sociétés et en particulier ceux de celles qui ont une longue tradition chrétienne. L’accueil dans l’urgence doit être donné à tous. Mais ensuite quand vous passez de l’accueil à l’intégration, il est prudent de ne pas considérer tous les immigrants de la même façon, sans distinction, y compris les cultures et les religions d’origine."