Au moment où les partis sont en échec n’est-il pas temps de construire un grand mouvement unitaire en évitant de se diviser sur la doctrine à mettre en œuvre ? Jean-Ousset dans la troisième partie de son livre l’Action au chapitre VII (p. 179 à 186), aborde la question avec beaucoup de prudence à méditer pour aujourd’hui. Quand il faut poursuivre quinze lièvres, il vaut mieux quinze chasseurs ! C’est la diversité des initiatives et l’unité de la doctrine qui fait l’efficacité. Extraits :
« Par formules d’action massives, nous voulons désigner ces coalitions, ces regroupements, ces partis uniques que beaucoup tendent à considérer comme seules formules d’action efficaces, seules formules de salut. Peut-on les admettre ? Certes ! Mais non sans réserves. Avec précaution. A condition de leur refuser le caractère de formule souveraine qu’elles tendent à revendiquer.
Formules asphyxiantes dans la mesure où elles prétendent tout assumer, où elles ne peuvent se poser qu’en s’opposant, où elles ne se légitiment que par l’exclusive. Le progrès n’y étant conçu que par suppression ou absorption d’organismes voisins, en réalité complémentaires. Une soif inextinguible d’effectifs étant leur vrai moteur.
Appareils gigantesques qui, pour essayer d’exécuter (sans y parvenir !) les tâches qui s’imposent doivent planifier, schématiser, donc mutiler l’action souhaitable. Une hypertrophie administrative sanctionnant pour l’ordinaire chaque essai de faire plus, de faire mieux… Appareils vulnérables à souhait, par leurs dimensions mêmes, qui s’administrent plus qu’ils n’agissent réellement…
Cette incapacité de faire face aux exigences diversifiées de l’action pousse à se spécialiser, à se limiter à une ou deux formes d’activité, présentées, dès lors, comme des panacées. … On persiste à déclarer suffisant, plus rationnel, moins dispersant, le totalitarisme exercé. On déclare illégitimes, rivaux, donc condamnables, tous ceux qui, en fait, complèteraient la besogne….
C’est ainsi que, par une sorte de paradoxe, toute conception unitariste, totalitaire, a pour effet un double résultat… d’absorption et de démobilisation.
- Absoption ? Parce qu’elle tend à annexer qui l’approche ou l’entoure.
- Démobilisation ? Parce que, devant sa prétention de tout faire, chacun tend à s’en remettre à elle et à se croire inutile, superflu. On compte sur le seul grand organisme central… et l’on reste chez soi. D’acteur possible on devient spectateur.
Le résultat est qu’à très bref délai un tout petit nombre continue à travailler et qu’une multitude d’initiatives, aussi diversifiées qu’adaptées, a complètement disparu.
Et ce n’est pas tout ! L’humeur ombrageuse, l’aboulie, la vulnérabilité propres à tout gigantisme ont tôt fait de marquer ces organisations. Incapables d’un sursaut, d’une réforme, d’un renouvellement, elles s’agitent et s’épuisent en incidents de frontières, questions de préséances, querelles de maffias.
Ce qui, dans le style d’une action pluraliste et complémentaire, est source d’initiatives enrichissantes, de rebondissements dynamiques, devient, pour un esprit totalitaire, dislocation, risques d’effondrement.
On ne saurait courir deux lièvres à la fois, dit le proverbe. Mais quand il importe d’en poursuivre quinze ou vingt ? Il faut quinze ou vingt chasseurs.
Au tribunal de la raison pure, la formule d’une seule organisation chargée de tout accomplir est, sans doute, fort séduisante. Ce serait si commode !
N’est-il pas normal qu’au seul profit de la facilité, les membres d’une organisation aient tendance à tout attendre d’elle. Est-il rien de plus fastidieux (et onéreux !) que d’avoir à s’inscrire, à cotiser, à s’abonner, etc., en plusieurs endroits…
L’expérience a démontré depuis longtemps qu’une organisation unitairement conçue ne peut mener, avec un bonheur égal, les diverses formes d’action indispensables au plein succès du combat politique et social. Il est donc nécessaire de fermer l’oreille aux discours si souvent répétés de ceux qui ne conçoivent d’action efficace que par la fusion de tous les organismes existants.
Que les exigences du combat social et politique impliquent une grande unité, ce n’est point cela qui est en cause ; mais cette confusion des organismes et des fonctions qui passe pour la condition même de l’efficacité, donc du succès !
Les coalitions spectaculaires n’ont pourtant point manqué de notre côté. Qu’en est-il sorti ? La Révolution en a-t-elle été freinée ? Bien au contraire. Il semble qu’elle sut profiter de ce que ces obstacles avaient de fallacieux pour les franchir avec d’autant plus d’élan qu’ils lui avaient donné prétexte de réunir contre eux le ban et l’arrière-ban de ses suppôts.
L’expérience n’a-t-elle pas été assez concluante ? Rassemblements formés à la hâte autour de quelque personnage de renom, mais sans unité doctrinale et stratégique. Sans préparation sérieuse. Sans cadre sûrs. Aucun travail, sinon bâclé, pour sous-tendre de façon durable le gonflement d’effectifs enregistré dès les débuts.
C’est la conquête unifiante des esprits qui assure les grandes victoires, non l’unitarisme matériel de l’organisation…Le style d’action qui tend à réserver le monopole d’une idéologie au rayonnement d’un seul organisme, est, par conséquent, le plus stérile qui soit. » A suivre….
Lire et télécharger dans son intégralité le le chapitre VII – Formules d'action massives dans l’Action de Jean Ousset. Pour rejoindre une initiative qui corresponde à vos « talents » contacter le service d’information d’Ichtus. Ce livre est un maître livre pour bien penser l’action en fonction du but poursuivi. Tout homme ou femme d’action le lira avec profit pour inspirer son engagement. Jean Ousset, fondateur d’Ichtus pour Former, Relier et Agir, est le premier en effet à avoir méthodiquement formalisé une doctrine de l'action culturelle, politique et sociale à la lumière de l'enseignement de l'Eglise pour, concrètement répondre au mal par le bien. A l'encontre des pratiques révolutionnaires et de la dialectique partisane, si l'amitié est le but de la politique, Jean Ousset nous montre comment pour agir en responsable, l'amitié en est aussi le chemin.