D’Alain Chevalérias dans L’Homme Nouveau :
"le 24 avril, déjà, Haaretz, journal israélien, annonçait l’enclenchement de négociations entre Damas et l’État hébreu. Ces indices et d’autres encore semblent prouver le changement de cap de la politique syrienne. Dans un premier mouvement on ne peut que s’en réjouir. Dans un second temps, néanmoins, on s’interroge sur la crédibilité du retournement du régime syrien. […]
en 1990, déjà, le prédécesseur de Bachar, son père Hafez, avait amorcé un rapprochement avec l’Occident. L’Union soviétique, son pourvoyeur d’armes, s’effondrait et refusait d’effectuer des livraisons à crédit. En outre, le conflit libanais arrivant à son terme grâce aux accords de Taëf, la Syrie se voyait installée par le même Occident et les Arabes dans son rôle de gendarme du Pays des cèdres. Besoin d’armes d’un côté, de s’assurer la reconnaissance sur le long terme de son emprise sur le Liban de l’autre, Hafez Al-Assad voyait la route de Damas passant désormais par Washington. Mais, acculé, le maître de la Syrie savait bien l’entrée dans le camp des États-Unis impossible sans un accord avec Israël. Sans état d’âme, il demanda alors à l’Égypte, en paix avec les Israéliens, de servir d’intermédiaire. […] L’éclatement de la première guerre du Golfe, le 17 janvier 1991, transformant la Syrie en pays de la ligne de front contre l’Irak, permit à Assad de s’éviter l’humiliation d’une reconnaissance d’Israël. […]
Bachar n’a fait que s’inscrire, une fois de plus, dans la continuité de son père car, comme lui en 1990, il se voit acculé. L’Iran, son allié, mène une politique de plus en plus aventureuse en Irak, en Afghanistan et au Liban. […] D’un autre côté, le procès des assassins de Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre libanais, apparaît désormais inéluctable. Or, il est de plus en plus certain que le régime syrien ne manquera pas de se voir impliqué. Il ne reste plus à Bachar qu’à négocier sur le terrain politique en jouant son atout, la paix avec Israël.
Demeure un problème de taille. Le régime syrien est une oligarchie tyrannique aux mains d’une secte religieuse, les alaouites, qui représentent environ 16 % de la population, contre 70 % de musulmans sunnites et 13 % de chrétiens. […] dans le cadre d’un rapprochement avec l’Occident, l’abaissement de la garde du régime, au nom de la démocratie, serait suivi d’une montée en puissance d’une population sunnite largement gagnée à l’influence islamiste. Si, par contre, les États-Unis fermaient les yeux sur la nature du régime des Assad, c’est à un accord entre celui-ci et Israël auquel nous pourrions assister, pour un partage du Liban entre les deux pays. En d’autres termes, la paix risque de jouer longtemps l’Arlésienne dans la région."