Partager cet article

L'Eglise : L'Eglise en France

“Que Votre règne arrive” : pourquoi cette méfiance contre la chrétienté ?

“Que Votre règne arrive” : pourquoi cette méfiance contre la chrétienté ?

Dans un entretien un tantinet lunaire (“Je nomme le prêtre, mais je peux aussi le remercier“. Sic. Quel entrepreneur pourrait affirmer une chose pareille ?) dans La Nouvelle République, Mgr Jordy, archevêque de Tours, déclare sur un ton très peu pastoral :

Le phénomène traditionaliste a crû autour de la crise du Covid. Il y a eu une forme d’inquiétude des gens, de refuge dans l’entre-soi. C’était aussi une manière de manifester contre l’État, qui empêchait la tenue des messes. […] La majorité des adeptes du rite ancien restent proches du reste de la communauté, mais il y a un noyau dur ancré dans un choix de société qui ramène à 1950 et selon lequel il faut recréer la chrétienté. Ils ont des sites de réinformation. Le ton s’est durci envers les évêques. Il y a un côté viriliste qui va à l’affrontement.

Sur Renaissance catholique, Jean-Pierre Maugendre s’étonne :

Il est à tout le moins surprenant, dans la bouche d’un évêque, qu’à aucun moment ne soit évoquée, même sous forme d’hypothèse, la possibilité d’une motivation religieuse de la part des personnes qui ont découvert, à l’occasion du confinement, des églises dans lesquelles les consignes de suspension du culte étaient sans doute moins sévèrement appliquées qu’en d’autres endroits. Qu’un catholique puisse être, tout simplement, à la recherche d’un lieu où se célèbre la messe ne semble pas faire partie de l’univers mental de Mgr Jordy. Dans sa bonté monseigneur de Tours tolère la célébration de l’ancien rite. Cependant il le précise : « Les homélies ne sont pas contrôlées mais j’ai des retours. Je suis très attentif ». Le lecteur, haletant, aimerait en savoir plus. Y aurait-il des vérités de la foi remises en cause, des hérésies propagées et librement diffusées. Que nenni ! La défense de la foi ne fait pas partie des préoccupations de Mgr Jordy. Ce qui l’intéresse ce sont « les positions sociétales (…) et politiques ». Le problème c’est « un noyau dur qui ancré dans un choix de société qui ramène à 1950 et selon lequel il faut recréer la chrétienté ». Une part de notre drame est que ce noyau dur ne fait qu’être fidèle à l’enseignement constant de l’Eglise depuis deux millénaires et, en particulier, à l’encyclique sur la Royauté Sociale du Christ de Pie XI Quas primas (11 décembre 1925). Comment réagira Mgr Jordy lorsqu’à l’occasion du centenaire de cette encyclique, en décembre prochain, on lui rapportera qu’un prêtre a osé citer de bien incorrects, quoique revêtus du sceau pontifical, propos :

« L’espoir d’une paix durable entre les peuples ne brillera jamais tant que les individus et les Etats s’obstineront à rejeter l’autorité de notre Sauveur (…) Ce serait une erreur honteuse de dénier au Christ-Homme la puissance sur les choses civiles quelles qu’elles soient (…) Que les chefs des nations ne refusent donc pas de rendre par eux-mêmes et par le peuple à la puissance du Christ leurs hommages publics de respect et d’obéissance » ?

De son côté, Victor Aubert a réalisé une vidéo, dans laquelle il s’étonne à son tour des propos de Mgr Jordy, notamment sur le retour à la Chrétienté.

Ce n’est pas la première fois qu’un évêque semble dédaigner la chrétienté. Mgr de Moulins-Beaufort l’avait exprimé lui aussi en décembre 2023. Et pourtant. Comme le demande la prière du Notre Père : « que Votre règne arrive, que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », la chrétienté est la volonté de placer toutes les composantes de notre vie sous les commandements de Jésus- Christ, à la fois vrai Dieu et vrai homme ; c’est vouloir vivre pleinement l’Imitation de Jésus-Christ.

Jean-Pierre Maugendre a évoqué l’encyclique de Pie XI, dont nous fêtons cette année le centenaire. Nous pouvons aussi citer un pape postérieur à Vatican II (puisqu’on a l’impression que, comme la messe, tout ce qui est antérieur à Vatican II est dépassé…). Nous sommes tous appelés à nourrir cette Chrétienté qui n’est ni passéiste ni idéologique ni incompatible avec la laïcité (rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, sachant ce que César lui-même doit à Dieu) mais profondément incarnée dans notre vocation baptismale : « Il n’est permis à personne de ne rien faire » (Jean-Paul II, Christi fideles Laici, 1988) :

Pour une animation chrétienne de l’ordre temporel, dans le sens que nous avons dit, qui est celui de servir la personne et la société, les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la «politique», à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun. Les Pères du Synode l’ont affirmé à plusieurs reprises: tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique; cette participation peut prendre une grande diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de responsabilités. Les accusations d’arrivisme, d’idolâtrie du pouvoir, d’égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis politiques, comme aussi l’opinion assez répandue que la politique est nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l’absentéisme des chrétiens pour la chose publique.

Terminons avec Dom Gérard, fondateur de l’abbaye du Barroux, qui, dans un sermon mémorable, prononcé à Chartres en 1985, déclarait :

Sainte Jeanne d’Arc achèvera de nous dire ce qu’est une chrétienté. Ce n’est pas seulement la cathédrale, la croisade et la chevalerie ; ce n’est pas seulement l’art, la philosophie, la culture et les métiers des hommes montant vers le trône de Dieu comme une sainte liturgie. C’est aussi et surtout la proclamation de la royauté de Jésus-Christ sur les âmes, sur les institutions et sur les mœurs. C’est l’ordre temporel de l’intelligence et de l’amour soumis à la très haute et très sainte royauté du Seigneur Jésus. C’est l’affirmation que les souverains de la terre ne sont que les lieutenants du roi du Ciel. « Le royaume n’est pas à vous, dit Jeanne d’Arc au Dauphin. Il est à Messire. – Et quel est votre Sire ? demande-t-on à Jeanne. – C’est le roi du Ciel, répond la jeune fille, et il vous le confie afin que vous le gouverniez en son nom. »

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services