Mohammed Arkoun, influent intellectuel musulman de 80 ans, est né en Algérie, a enseigné à la Sorbonne, à Princeton et dans d’autres universités célèbres d’Europe et d’Amérique. Il est aujourd’hui directeur de recherche à l’Institut d’études ismaélites de Londres, fondé par l’Aga Khan. Interrogé par John Allen, le vaticaniste du “National Catholic Reporter“, il revient sur le discours de Ratisbonne:
“Le pape Benoît XVI a affirmé qu’il n’existe pas de relation étroite entre la raison et la foi dans la pensée islamique et dans ses expressions. Historiquement parlant, cette affirmation n’est pas vraie. Si nous considérons la période allant du VIIIe au XIIIe siècle, ce n’est absolument pas vrai. Cependant, après la mort du philosophe Averroès en 1198, la philosophie a effectivement disparu de la pensée islamique. Par conséquent, à compter de ce moment-là, le pape est dans le vrai. […] Le problème, c’est que lorsque l’on parle aujourd’hui avec des musulmans, ils n’ont pas la moindre idée de leur histoire“.
Et les 138 ne font pas exception :
“Je ne vois aucun historien de la pensée parmi eux. […] Le pape devrait plutôt créer un véritable espace de discussion, au lieu de tous ces prétendus dialogues interreligieux qui se sont succédé depuis Vatican II. J’ai participé à bon nombre d’entre eux, et je peux affirmer qu’ils sont absolument inutiles. Ce ne sont que des bavardages. Il n’y a aucun apport intellectuel, il n’y a pas de respect pour les compétences élevées. D’importantes études ont été menées sur la question de la foi et la raison. Mais tout cela est resté lettre morte. On se contente de se complimenter mutuellement, en disant: je respecte ta foi et tu respectes la mienne. Un pur non-sens".
Olivier
Sauf que le pape n’a pas affirmé qu’il n’y avait jamais eu historiquement de lien étroit entre croyance islamique et raison. Il a indiqué la raison profonde pour laquelle ce lien entre raison et foi était consubstantiel au christianisme – où la révélation est la révélation du Logos du Dieu – et pourquoi ce lien était bien plus problématique dans la croyance musulmane : à cause du volontarisme de sa conception de Dieu, de son manque de medium entre Dieu et les hommes, etc.
Un article du récent numéro de Résurrection (http://www.laprocure.com/livres/resurrection-123-124_9782845736382.aspx), intitulé Foi et raison en islam, fait le point sur la question, montrant que même avant la fermeture vers 1200 des portes de l’ijtihad, la place allouée à la raison était bien spécifique et restreinte, sauf dans des courants très vite marginalisés.
Ceci dit M. Arkoun a raison sur bien d’autres points.
Francoisdesaintjean
Merci a Olivier pour sa reponse. Une “relation etroite” aurait suppose sur un plan temporel l’absence d’interruption de la relation entre raison et foi sur toute l’histoire de l’islam, or 800 ans d’interruption depuis 1198 si l’on reprend l’argumentation de Mr. Mohammed Arkoun, c’est bien la majorite sur les 1400 ans de l’Islam. Outre l’absence de consubstantialite suffisante dans la nature meme de l’Islam que rapporte Olivier.