De Benoît de Rougnoux pour le Salon beige :
Parmi les fidèles de la messe tridentine, nombreux sont ceux qui sont des survivants des scandales liturgiques et catéchétiques. Quand on rencontre des fidèles qui furent jadis paroissiens de prêtres ayant défrayé la chronique pour des raisons morales, on évite de les scandaliser une deuxième fois en leur retirant leur environnement liturgique (tridentin en l’occurence) et les prêtres qui les accompagnent dans leur foi (même si ceux-cis appartiennent à un institut ex. Ecclesia Dei). C’est le B-A BA d’une attitude pastorale. Même si on pense que leurs pasteurs devraient concélébrer à la messe chrismale; tout n’est pas à mettre sur le même plan nous semble-t-il.
Il est bien plus grave de concélébrer avec son évêque, en refusant des pans entiers du dogme et de la morale, que de ne pas concélébrer et d’adhérer intégralement au magistère catholique.
Il est bien plus grave de concélébrer avec son évêque en participant aux ragots dans la sacristie ou en pleine célébration, que d’être uni de cœur et d’esprit – en participant éventuellement à la communion eucharistique, sans concélébrer.
La communion avec l’autorité invoquée pour elle-même, sans que la foi catholique soit partagée intégralement, est un ésotérisme religieux qui fait fi de la charité et de la vérité. C’est une trahison, un faux ami et un abus ; un de plus. On est là en pleine gnose.
Quand les évêques sourcilleux sur la question de la concélébration auront montré aux fidèles qu’ils attendent de leurs prêtres (qui sont leurs premiers collaborateurs) l’adhésion totale à la foi catholique, jusque dans ses contenus les plus exigeants, alors ils pourront se poser la question de savoir s’ils peuvent obliger à la concélébration pendant la messe chrismale.
Ceci suggère quelques questions (et des réponses) :
Comment en effet imposer la concélébration si l’adhésion au magistère de l’Eglise tel que le Catéchisme de l’Eglise Catholique le présente n’est pas attendue expressément des prêtres ?
Comment imposer la concélébration si les moyens de vérification de la “qualité” de la foi des prêtres sont peu ou pas efficaces ?
Ceci sous-tend une question : un évêque peut-il savoir si ses prêtres adhèrent vraiment à la foi catholique ? Il est intéressant à ce sujet de constater comment les saints évêques ont par le passé réformé leur clergé. Les vieilles recettes sont souvent les meilleures. Prenons deux exemples :
Saint Augustin, qui s’y connaissait en ésotérisme pour avoir été adepte un temps de théories fumeuses, devenu évêque d’Hippone, a littéralement « monachisé » son clergé. Il lui a imposé un cadre, une règle, une formation précise dont il a soigneusement organisé et le contenu et la périodicité.
Le Bienheureux Alain de Solminhiac, évêque de Cahors, voulant lutter contre la crise de la foi et de la morale au sein de son clergé, prenait en séjour chez lui à l’évêché les prêtres récalcitrants, leur assurant lui-même une formation appropriée à leur cas. L’adoration eucharistique était au cœur de la réforme de son clergé. Il appliquait l’adage de saint Augustin repris par saint Thomas : credere Deo, credere Deum et credere in Deum. Ce in caractérise le saut en Dieu, le plongeon dans la foi, sans parachute ventral.
Si, pendant de nombreux siècles la concélébration n’a pas été une coutume dans l’Eglise, hormis au jour de l’ordination, devrait-on aujourd’hui appliquer une politique drastique et d’exclusion envers les prêtres qui ne concélèbrent pas, alors même que le code de droit canonique (promulgué sous Jean-Paul II) n’y oblige pas ?
Peut-être peut-il y avoir des raisons de le souhaiter pour certaines occasions, mais on est obligé de constater que les prêtres qui concélèbrent (très) régulièrement ont du mal à célébrer quotidiennement en temps de COVID lorsqu’ils sont seuls. Ils ont notablement perdu le sens de la messe comme sommet de leur être sacerdotal.
Nous ne parlons pas des nombreuses messes scandaleusement “concélébrées” par des pasteurs protestants : où sont les mises en demeure épiscopales ?
Quelque part, les prêtres qui ne concélèbrent pas permettent à la hiérarchie ecclésiastique de se ressaisir du sens profond de la messe.
Benoît de Rougnoux