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Qu’est-ce qu’être Français ? L’échec d’une évidence

Qu’est-ce qu’être Français ? L’échec d’une évidence

Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

Interrogé sur l’opportunité d’un débat national à propos du droit du sol, le Premier Ministre a annoncé sur RMC vouloir élargir la question. Une énième réflexion sur l’identité nationale qui en dit long sur la faillite de nos marqueurs identitaires.

L’académicien Jacques Bainville aimait à souligner qu’il en est de certains peuples comme de certains hommes : on s’aperçoit assez vite qu’ils ont un bel avenir derrière eux. Qu’en sera-t-il pour l’interrogation « Qu’est-ce qu’être Français ? » mise sur la table par François Bayrou et qui sent le réchauffé après l’inabouti débat sur l’identité nationale, initié sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ?

Déjà en 2009, le Premier Ministre d’alors, François Fillon, s’était appuyé sur la pensée Bainvillienne :

« Bainville disait que ce qui était remarquable chez Jeanne d’Arc, ce n’était pas d’avoir délivré Orléans, mais d’avoir reconnu le Dauphin et d’être tombée à genoux devant lui. Je crois que l’identité française se reconnaît à ce dialogue de l’orgueil et de l’abnégation, à cette alternance entre les guerres intestines et les élans d’unité, à ce tiraillement bien Français, et finalement fécond, entre la passion du “je” et la nécessité du “nous” ».

Plus de quinze ans ont passé et cette nécessité du “nous” est devenue plus problématique que jamais dans son incarnation. Le dernier dossier de Valeurs Actuelles en témoigne : les chiffres de l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie montrent en effet combien le phénomène de submersion migratoire ne relève en rien d’un sentiment mais d’une réalité visible et quantifiable. Or, comment faire peuple et dessiner ce “nous” au sein d’une telle disparité de mœurs et de repères ? Lorsque François Bayrou s’interroge sur le plateau des Grandes Gueules :

« Vous voyez bien ce qui fermente depuis des années. Ce qui fermente, c’est : “Qu’est-ce qu’être Français ? Qu’est-ce que ça donne comme droit ? Qu’est-ce que ça impose comme devoir ? Qu’est-ce que ça procure comme avantage et en quoi ça vous engage d’être membre d’une communauté nationale ?” »,

l’observation a le mérite d’être honnête. Mais, surtout, elle mériterait d’être aussitôt prolongée par une lucide introspection, dans la veine de l’Angor Patriae – l’angoisse de la partie – qu’exprimait feu Léon Daudet.

Depuis Madrid où se tient un important rassemblement des droites nationales et des souverainistes ce week-end, Marine Le Pen n’a pas manqué de grincer contre cette énième annonce de débat sur l’immigration, la citoyenneté et l’identité : « Ça fait 25 ans qu’on débat de ça, ça commence à bien faire », appelant de ses vœux « à arrêter de blablater ».

« Blablater », le mot n’est pas choisi par hasard. Nous le savons avec Boileau, ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement. A cet égard, pour définir ce qu’est le véritable sentiment national, Ernest Renan recourait à la formule, ramassée et indépassable, du Chant spartiate : « “Nous sommes ce que vous fûtes, nous serons ce que vous êtes”, voilà dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. » Les Athéniens, les Spartiates, les Thébains, les Eginois, les Milésiens et les citoyens des autres cités ne se pensaient pas nécessairement Grecs mais ils se savaient Hellènes face aux Barbares commentera judicieusement Jean-Yves Le Gallou.

Dans le village global et le développement sans frein du multiculturalisme, le pape François soulignait lui-même, dans l’encyclique Fratelli Tutti, qu’il n’y a pas pire aliénation que celle de faire l’expérience de ne pas avoir de racines. Quant à Jean-Paul II, dans son testament politique Mémoire et identité, il priait déjà « pour que l’esprit de Dieu renouvelle en chacun la conscience que la fidélité à l’identité nationale possède aussi une valeur religieuse ».

Prêtre je suis. Cette identité française, j’aspire à la transmettre, à ma place, de toutes les fibres de mon être sacerdotal. Homme de Jésus-Christ, l’angoisse de la Patrie me traverse de part en part. Depuis les 40 ans de ma courte existence, de Saint-Germain-en-Laye à Béziers, de Sainte-Anne-d’Auray au centre de la France, j’assiste à la lente confusion identitaire de mon pays. Quelle que soit la nature de ce bouleversement considérable, peut-on, en chrétien, se résoudre à l’impuissance ? Michel De Jaeghere prévient de ce risque dans l’un des chapitres de sa magistrale Compagnie des Ombres. Oui, des Français désespérés, dépossédés de leurs quartiers, de leur sécurité, de leurs coutumes poussent parfois ce cri de désespoir : « On est chez nous ! ». Mais pour être « chez nous » et prétendre en demeurer maîtres, encore faudrait-il être « nous » souligne-t-il. Pour le directeur du Figaro Histoire, il ne s’agit pas de former un simple syndicat de locataires. L’enjeu vital consiste à

« être liés par une communauté de foi, d’espérance ou de culture, par ce “souvenir de grandes choses faites ensemble” sans quoi ne peut apparaître la volonté d’en accomplir de nouvelles, parce qu’il est seul susceptible de nous inspirer cet amour de préférence qui donne consistance et vie à une philanthropie condamnée à rester, sans lui, théorique, nébuleuse impuissante. Avoir au cœur le sentiment de la dette que nous avons contractée à l’égard des ancêtres, la volonté de nous comporter en passeurs des trésors que nous avons reçus ».

Contribuer à la paix civile reviendra donc aussi à rappeler les conditions qui la permettent. Innombrables, et étroitement liées les unes aux autres, il y aurait beaucoup à dire sur chacune d’elles. S’il fallait en choisir une pour conclure cette chronique, je choisirais la politesse. « On ne perd rien à vivre généreusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, égal et raisonnable » écrivait saint François de Sales. On ne perd rien et l’on peut même gagner beaucoup. C’est du moins ce que suggérait le philosophe Henri Bergson.

Dans un merveilleux discours de remise de prix, prononcé au lycée Henri-IV en 1892, le professeur qu’il est rappelle alors à ses jeunes élèves les charmes inouïs de la politesse. Loin d’être une vertu de luxe, elle joint opportunément la grâce à la force, selon lui. Elle substitue partout la discussion à la dispute. Elle amortie le choc des opinions contraires et conduit les citoyens à une certaine cordialité. La beauté sauvera le monde dit-on, et la politesse ? Sauvera-t-elle la France ? Le final de son intervention pourrait avoir valeur de boussole pour une jeunesse en perte de repères identitaires :

« Dites-vous bien qu’en cultivant votre intelligence, en élargissant votre pensée, en vous exerçant, pour tout dire, à la politesse supérieure de l’esprit, vous travaillez à resserrer ces liens et à fortifier cette union d’où dépendent l’avenir et la grandeur de la Patrie. »

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