Tout chrétien ne pouvait qu’être interpellé par l’écran d’accueil qui a été un moment affiché par le site musulmansdefrance (site internet qui a remplacé celui de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), expression française de la Confrérie des Frères musulmans, implantée en 1983) :
Mon frère ? Mais qui est mon frère ? Et plus spécifiquement, qui est mon frère pour un musulman ? N’y aurait-il pas là comme un domaine de rapprochement possible pour ceux qui aiment s’illusionner sur un dialogue de nature inter-religieuse entre islam et catholicisme ?
D’autant plus que ces zélotes peuvent exciper du fameux Document sur la Fraternité humaine signé à Abou Dhabi le 4 février 2019 par le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayyib et par le Pape François. Le début en est :
« Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix….. . Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux »
et la fin est aussi idyllique :
« Al-Azhar et l’Eglise Catholique souhaitons que cette Déclaration soit un symbole de l’accolade entre Orient et Occident, entre Nord et Sud, et entre tous ceux qui croient que Dieu nous a créés pour nous connaître, pour coopérer entre nous et pour vivre comme des frères qui s’aiment ».
Même si certains sites décrivent l’islam comme la religion de la fraternité, de l’amour et de la tendresse entre les hommes, comme on connaissait déjà la religion de la tolérance et de la paix, la consultation de quelques sites musulmans conduit à une certaine modération de l’enthousiasme naissant.
Et remarquons tout d’abord que la majorité des articles trouvés contiennent la formulation « en islam » : Le respect en islam ; se disputer avec son frère en islam…. L’islam apparaît dès l’abord comme un ensemble total, comme bien décrit dans un autre article, La fraternité en islam:
« La fraternité en Islam est un lien sacré, lien qui n’est pas fondé en vertu d’une appartenance à un même parti, à un même pays, ville ou parce que l’on partage des intérêts matériels en commun. Toutes les différences pouvant exister entre les croyants (fortune, noblesse, pouvoir, etc.) sont abolies par le lien indissoluble de la fraternité religieuse. Allah ne se limite pas à affirmer l’importance de la fraternité islamique en l’érigeant en slogan mais il l’entoure de commandements et d’interdits qui en font une réalité concrète entre les individus de la société Musulmane. La fraternité est un fondement essentiel de l’édification de notre communauté » (Écrit par Cheik Saumtally Mujahid).
Il s’agit de cette communauté, cette umma, transcendante y compris au lien national, et que les progressistes ont quelque mal à comprendre. Et ainsi,
« en islam, les croyants ne se manquent pas mutuellement de respect, pas plus qu’ils ne tolèrent que l’on manque de respect à leurs frères et sœurs en religion ».
Reprenons quelques citations extraites de ces différents sites qui toutes démontrent ce lien entre fraternité et islam :
Dans les trois articles sur Le respect en islam :
« L’érudit musulman Hasan al-Basri a dit : « Nous avions l’habitude de nous rappeler les uns les autres que quiconque expose un péché de son frère en religion pour lequel son frère s’était déjà repenti, Dieu le châtiera en lui faisant commettre le même péché. ».
Le frère est clairement alors le musulman.
Sur le site ajib.fr est proposé un article sur Se disputer avec son frère en Islam ! :
« En Islam, la discorde et les disputes doivent être bannis de la vie d’un musulman. Effectivement, il est interdit d’éviter un musulman plus de trois jours. A ce sujet, Allah dit : «Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu’on vous fasse miséricorde.». (Coran 49/10).
Enfin, sur le site l-islam.com, même si le début d’un article sur La fraternité en islam donne à penser que la fraternité est universelle
« L’islam est une religion humaniste et universelle qui s’adresse au genre humain dans son ensemble et dans sa diversité, il a sans doute fixé le lien qui unit tous les êtres humains quelques soient les différences qui les caractérisent. Ce lien se manifeste clairement dans le verset suivant : ” Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus, pour que vous vous entre connaissiez ” (Coran 49/13). Ce verset établit, ainsi, le principe de la fraternité humaine d’une façon générale »,
la fin se concentre, sans craindre la contradiction, à nouveau sur la fraternité entre musulmans seulement :
« Les hommes sont tous des frères. L’humanité est une seule famille. Ainsi, tout nous ramène à cette unique vérité, qui est aussi le remède essentiel: notre amour pour Allah doit passer avant notre amour de la vie, et de cette foi pleinement réalisée viendra cette fraternité vis-à-vis de nos frères et sœurs en Islam ».
C’est qu’en réalité, l’islam est une religion classificatoire : nous sommes classés du moins au plus, de la moindre valeur à la plus grande valeur.
- Ainsi, l’enseignement sur le respect en islam explique aussi que « de tous les êtres humains, ce sont les plus pieux et les plus proches de Dieu qui méritent le plus notre respect.»
- Hani Ramadan (frère de Tariq Ramadan et petit-fils de Hassan al-Banna, le fondateur de la Confrérie des Frères musulmans, adepte de la Charia et nostalgique du califat) explique dans un sermon sur « Les sens de la fraternité en islam » : « Ce mot fraternité a en Islam des significations qui ne sont pas toutes d’égale valeur». En classant ces significations par ordre croissant de valeur, on obtient quatre strates :
Il y a d’abord un
« sens qui nous renvoie d’un côté à une notion de proximité, et de l’autre à une signification beaucoup plus vaste qui englobe l’ensemble de l’humanité. Il s’agit de la relation fraternelle de parenté. Elle s’applique à notre frère de sang qui nous est très proche, mais elle s’étend également au reste de l’humanité, car nous sommes tous issus d’Adam, et Adam a été créé de terre… C’est ainsi que l’Islam nous a recommandé de tisser les meilleurs liens de fraternité avec l’ensemble des hommes, tant qu’ils se comportent en hommes, et tant qu’ils ne nous agressent pas ou ne nous livrent pas de guerres ».
- Il y a ensuite « le lien qui t’unit au peuple au milieu duquel tu vis, les gens de ton pays ou de ta patrie. Et cela, même s’ils ne partagent pas ta foi et s’ils ne croient pas en un Dieu Unique ou au Jour dernier».
- Il y a enfin « le lien le plus fort qui puisse exister entre deux frères : c’est celui qui repose sur la foi. Dieu dit ainsi dans le Coran : « Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Dieu, peut-être vous serait-il fait miséricorde.» (Coran, 49, 10)».
- Mais même pour ce qui concernela fraternité qui repose sur la foi, il y a deux degrés : -Le premier degré est d’avoir un cœur sain, qui n’est habité par aucun mauvais sentiment vis-à-vis de notre frère, comme la haine, la rancœur, la jalousie et le fait de penser du mal de lui. Le second degré est d’aimer pour son frère ce que l’on aime pour soi-même, comme l’a dit notre Prophète : « Aucun de vous n’est parfaitement croyant, jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même. » ».
Intéressant : on retrouve ici la citation publiée sur la page de garde du site internet et copiée en tout début d’article. Nous avons donc notre réponse : le frère ainsi cité sur cette page est celui qui répond à la valeur la plus grande de la fraternité en islam. Il ne s’agit en rien d’une fraternité universelle. C’est même la fraternité la plus exclusive.
Et d’ailleurs, toutes ces catégories sont rappelées encore plus clairement par M.Sifaoui citant Hassan Al-Banna dans son livre Taqiyya ! Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France publié en 2019- :
« Aux yeux du frère sincère, les gens appartiennent à l’une des six catégories suivantes : les musulmans qui luttent, les musulmans passifs, les musulmans pécheurs, les dhimmis liés par un pacte, les non-musulmans pacifistes et les non-musulmans belliqueux. Chacune de ces catégories a un statut spécifique au regard de l’islam. Dans les limites de ces catégories, on jauge les individus et les institutions » (p.276).
Tout ceci est donc bien éloigné de la religion chrétienne. Il suffit de se remémorer l’épisode du bon Samaritain dans l’Evangile de Saint Luc (Luc 10.25-37) ou même encore plus simplement le Notre Père (« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés »). Et si les chrétiens sont frères par le baptême, il ne s’agit pas là d’une catégorie de plus haute valeur : pour Dieu, tout homme est une histoire sacrée et au surplus, les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers (Mt, 19-20)
Au surplus, on remarquera aussi que la fraternité en islam n’a rien à voir avec la fraternité de la devise républicaine française.
Mais que penser alors de la déclaration commune sur la Fraternité humaine ? Il suffit sans doute de rappeler quelques points pour en évaluer la pertinence :
- Cette déclaration inclut le paragraphe suivant : « La liberté est un droit de toute personne : chacune jouit de la liberté de croyance, de pensée, d’expression et d’action», immédiatement frappé de suspicion quand on sait que le même signataire Ahmad Al-Tayyib a déclaré en 2016 que « l’abandon de l’islam (apostasie) était puni de mort. À son avis, les crimes, les voies de fait et la trahison sont des formes d’apostasie et doivent être punis. Les apostats doivent rejoindre l’islam ou être tués ».
- Cette déclaration inclut aussi le paragraphe suivant : « nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang», comme (sur le même thème) : « Le terrorisme détestable qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant panique, terreur ou pessimisme n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent », qui ne peuvent manquer de faire naître des interrogations légitimes.
- Et enfin, l’extrait suivant : « Le concept de citoyenneté se base sur l’égalité des droits et des devoirs à l’ombre de laquelle tous jouissent de la justice. C’est pourquoi il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité» est signé par celui-là même qui, depuis la fenêtre de son université égyptienne, aperçoit peut-être les villages coptes, ceux-là dont les habitants ont un statut de deuxième (voire troisième) zone et qui sont soumis périodiquement à des violences musulmanes.
Mais après tout, pour mieux comprendre cet entremêlement de contradictions et d’ambiguïtés, on rappellera la pratique de la taqiyya, définie ainsi par M.Sifaoui. Elle
« signifie littéralement la prudence ou la crainte pour se protéger. Elle apparaît dans le monde musulman au Xème siècle pour désigner le fait de devoir dissimuler sa pratique religieuse par peur de représailles : c’est à l’origine une pratique chiite, toujours préconisée dans les pays où des minorités se reconnaissant dans ce courant sont persécutées. Mais au fil du temps, avec l’émergence de mouvements extrémistes sunnistes, de mouvances terroristes dites djihadistes et de groupes prônant l’islam politique, des factions et des confréries, estimant que leurs actions n’étaient pas tolérées par les pouvoirs en place, l’application de cette dissimulation s’est muée en idéologie visant à cacher son seulement sa pratique religieuse dans des contextes de persécution, mais surtout son radicalisme, son activisme en faveur d’un islam belliqueux et extrémiste, sa véritable nature haineuse, ses convictions idéologiques et ses projets… La confrérie des Frères musulmans, née en Egypte en 1928, a très vite adopté cette règle pour en faire un élément consubstantiel à son idéologie ». (pp 10/11).
Le diable n’est pas que dans le détail.