Le rapport des 344 participants au synode sur la synodalité est en ligne ici, en anglais, en italien et en polonais… Dans Le Figaro, Jean-Marie Guénois nous en livre son analyse :
Rejet de la bénédiction de couples homosexuels, report à long terme d’une éventuelle abolition du célibat sacerdotal, remise en cause du pouvoir exclusif de l’évêque au profit d’une «coresponsabilité» du gouvernement ecclésial avec les laïcs, large ouverture pour donner des responsabilités aux femmes, mais dont le statut reste à définir, sont les quatre propositions majeures du «rapport de synthèse» de la première étape du synode sur l’avenir de l’Église, présentées samedi 28 octobre dans la soirée à Rome.
Une seconde session synodale aura lieu en octobre 2024. Néanmoins le synode reste un organe consultatif pour le pape qui seul décidera début 2025 ce qu’il appliquera pour l’Église. Le pape a déjà déclaré qu’il ne touchera pas au célibat sacerdotal et que l’ordination des femmes reste impossible, même si 20 % des votants, 66 sur 277, se sont opposés à l’article qui faisait état des différents points de vue «concernant l’accès des femmes au ministère diaconal». Mais le rapport souligne que
«il est urgent de garantir que les femmes puissent participer aux processus décisionnels et assumer des rôles de responsabilité dans la pastorale et dans le ministère».
Y compris en passant par une «adaptation du droit canonique». Des femmes pourraient être nommées «juges» dans les procès canoniques des tribunaux ecclésiastiques.
Le terme de propagande «LGBTQ+» qui apparaissait dans «l’instrumetum laboris», le document de travail initial du synode, n’a pas été retenu dans le rapport final. Le texte parle de
«personnes qui se sentent marginalisées ou exclues de l’Église en raison de leur situation matrimoniale, de leur identité et de leur sexualité et qui demandent également à être entendues et accompagnées, et à ce que leur dignité soit défendue».
«Si nous utilisons la doctrine avec dureté, dans une attitude de jugement, nous trahissons l’Évangile. Mais si nous pratiquons une miséricorde à bon marché, nous ne transmettons pas l’amour de Dieu».
Le synode noie le sujet des personnes homosexuelles dans ce qu’il appelle des «questions nouvelles» : «la fin de vie», «les situations matrimoniales difficiles», «l’intelligence artificielle» mais aussi «l’identité de genre, l’orientation sexuelle». Comme l’a précisé le cardinal Müller, ils changent ainsi la définition des péchés :
Il n’y a pas de péchés. Ce ne sont que des personnes blessées. Ce ne sont pas des pécheurs. Ce sont des personnes blessées, blessées par l’Église – par la doctrine de l’Église. Ils ne croient pas au péché originel, ni au péché en tant qu’acte. Ils ne le nient pas théoriquement, mais pratiquement. Pour eux, l’Église est l’agresseur, et c’est donc l’Église qui doit changer – l’Église est responsable. Mais qu’est-ce que l’Église pour eux ? En réalité, ils parlent d’eux-mêmes. Ils disent : “Nous sommes l’Église”. Mais s’ils parlent négativement de l’Église Catholique, ils parlent de l’Église comme d’un objet. L’article 11 de la constitution Lumen Gentium du concile Vatican II dit que l’Église est le Corps Saint du Christ et que nous pouvons blesser le corps du Christ avec nos péchés. Mais pour certains participants au synode, c’est le Christ qui nous blesse. Si je vole votre argent et que vous me traitez de voleur, pour eux, c’est vous qui me blessez.
Le sujet sans doute principal de cette première session synodale est la place donnée aux laïcs dans l’Église en vue d’une gouvernance en «coresponsabilité» avec les évêques et les prêtres. Cela peut passer par la création d’un «véritable ministère de la Parole de Dieu» pouvant aller jusqu’à la «prédication» pendant la messe, ouvert donc aux hommes et aux femmes non ordonnés prêtres ou diacres. Des «couples mariés» pourraient également recevoir un «ministère» pour «soutenir la vie familiale» et «accompagner les personnes qui se préparent au sacrement du mariage». Face aux laïcs, les prêtres sont loués pour leur service : le synode leur «exprime avant tout une profonde gratitude». Mais il les met en garde contre «le cléricalisme» qui est un «obstacle au ministère et à la mission» que le synode se propose d’éradiquer dès le séminaire et même avant l’entrée en formation des candidats au sacerdoce. Encore faut-il qu’il y ait des candidats…
Le pouvoir épiscopal, celui des évêques, mais aussi celui de «l’évêque de Rome», le pape, est le point le plus profondément remis en question par cette première étape du synode. Avec cette idée nouvelle : «la culture de ‘rendre des comptes’ (la ’cultura del rendiconto’ en italien, langue du rapport) est une partie intégrante d’une Église Synodale qui promeut la coresponsabilité». Ainsi l’évêque ne doit plus être isolé dans ses prises de décision en tout domaine de sa compétence. Il faut rendre «obligatoire» un «conseil épiscopal» qui existe déjà dans beaucoup de diocèses mais en soumettant les évêques à une forme régulière de contrôle de leur activité et décisions sous l’œil de prêtres et de laïcs. Car les évêques traversent «une crise de leur autorité» étant à la fois pris en contradiction entre leur rôle de «Père» et celui de «juge» dans leurs diocèses.
Le cardinal Müller dénonce cette image d’une “pyramide inversée” de la gouvernance :
Certains orateurs avaient une idée sociologique de l’Église, une compréhension naturaliste de l’Église, mais ils n’avaient pas la compréhension théologique. Ils parlent toujours de l’Esprit, mais l’Esprit n’est pas un fluide. L’Esprit dans l’Église est la Troisième Personne de la Trinité. C’est une Personne. Et nous ne pouvons jamais parler de l’Esprit-Saint sans le Fils et le Père. Nous parlons toujours et en tout temps de l’Esprit du Père et du Fils. Jésus-Christ n’est pratiquement jamais mentionné – uniquement de manière pédagogique, de manière à transformer les paraboles et leur signification. Jésus n’a pas condamné la femme adultère, par exemple. Les interventions parlaient de notre relation à Jésus, mais pas de Jésus en tant que Parole de Dieu, qui nous a été donnée une fois pour toutes.
L’Assemblée synodale appelle aussi «à une révision des critères de sélection des candidats à l’épiscopat, en équilibrant l’autorité du nonce apostolique et la participation de la conférence épiscopale». Au vu de la médiocrité d’un certain nombre de nomination épiscopale, il est certain que les critères, notamment de cooptation, sont à revoir. Néanmoins, ce n’est pas en affaiblissant le rôle de l’évêque que l’Eglise en sortira grandie. Le Synode plaide pour une consultation plus large pour le choix des évêques
«en écoutant un plus grand nombre de laïcs, hommes et femmes, consacrés et non consacrés, et en veillant à éviter les pressions inappropriées».
Le document reconnaît que le synode n’a pas engendré la mobilisation espérée parmi les catholiques mais aussi chez de nombreux prêtres et évêques. C’est un peu l’échec du dialogue et donc de la synodalité synodalisante… Et pour cause : la manipulation autour de ce synode a été éventée par de nombreuses interventions avant cette assemblée. Et c’est ainsi que, alors qu’il était annoncé que la structure de la synthèse finale intégrerait les points de «divergences», ce terme a disparu du texte. Ne reste que celui de «convergences» et de «questions à affronter» pour aboutir à terme à une «harmonie»… Autant dire que nous en sommes loin.