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« God save the Queen… »
Dans une tribune du 4 juin sur le site Boulevard Voltaire, Stéphane Buffetaut, à l’occasion du jubilé des 70 ans de règne, soulignait avec beaucoup de justesse l’immense avantage du peuple britannique qui possède « sa » reine, « sa » famille royale. C’est-à-dire sa représentation d’une continuité historique, qui personnifie en quelque sorte l’unité et la destinée de tout un peuple, quelles que soient ses origines. Élisabeth II « incarne le devoir dans un monde où l’on veut nous faire croire que seuls importent le choix individuel immédiat, le caprice du consommateur, le confort de l’égoïsme… Et, malgré tout, ce sens du devoir étonne et force l’admiration des blasés et des cyniques ».
Bien sûr en Grande-Bretagne la reine règne mais ne gouverne pas, ce qui peut choquer notre esprit monarchique français. De plus les Iles Britanniques ne sont pas à l’abri des tourments idéologiques délétères qui éloignent le peuple de la loi naturelle, destructeurs des corps sociaux, notamment la famille. La maison royale n’est pas des plus exemplaires.
Cependant notre auteur continue, en partant de la devise royale : « Never explain, never complain… Dans une époque qui dégouline d’émotion poisseuse et sélective, ce sens de la retenue, de la dignité surprend. Et, là encore, conduit au respect ». La reine représente la fonction première du supérieur, explicitée par le maître dominicain, Saint Thomas d’Aquin : le chef de tout corps constitué est d’abord le responsable, le garant du maintien de l’esprit de ce corps tel que voulu par sa constitution, par ses origines. C’est le premier devoir de la reine, elle est redevable devant son peuple de cette mission essentielle. Cette retenue et cette dignité viennent de ce que la reine ne représente pas sa personne, Élisabeth Windsor, mais tout ce qui la dépasse, et dépasse d’ailleurs chaque britannique en particulier : plus de 1000 ans d’histoire d’un peuple chrétien, avec son génie propre qui s’est exprimé dans de nombreux domaines, la science, les arts, les explorations sur tous les continents, l’industrie…
L’auteur poursuit : « Il existe de nombreuses monarchies, en Europe. Parmi elles, la Couronne britannique impressionne plus que toute autre. Peut-être le faste y est-il pour quelque chose ? Mais il y a plus profond. Élisabeth II est la seule souveraine à être réellement sacrée, ointe du saint chrême. C’est devant Dieu et de par Dieu qu’elle tient son autorité et que pèse sur ses épaules le poids de ses devoirs. Cette verticalité est d’une bien autre nature que les combines politiciennes ou les faveurs électorales ».
En quelque sorte pour la reine une nature particulière, due à sa préparation depuis l’enfance au sein de la famille royale, aux exemples de ses aïeux, véritable poids de l’histoire entraînant des devoirs. Et des grâces particulières, on peut l’espérer. Le premier ministre gouverne en rendant compte chaque semaine à la reine de sa mission. Un épisode de « The Crown » saison 1, publié par l’éditeur Netflix, présente admirablement la reine Elisabeth à ses débuts recevant le premier ministre Winston Churchill, qui, malgré son prestige de vainqueur de la guerre, marque toute la déférence et le respect pour l’autorité morale qui le dépasse. Subtil mécanisme très anglais, qui certes ne transforme pas les hommes en anges, mais représente un certain garde-fou.
Une chose me frappe avec le Brexit de 2020, voulu par le peuple, et mené à bien à l’encontre de toutes les élites nationales et internationales si puissantes. Je vois là en particulier le simple fait que ce peuple, dans son sentiment le plus profond, sait ce que veut dire le mot « souverain » grâce justement à sa souveraine qui l’incarne, symbole autant que réalité. Des fonctionnaires bruxeliens quelconques, « vulgum pecus », de plus sans patrie et sans religion, au-dessus de la reine ? My God ! Shocking ! Seul Dieu est au-dessus de la reine !
On est bien sûr là très loin des logorrhées de notre président réélu, pour qui le mot « souverain » tant répété n’est qu’un pernicieux argument électoral, propos de bateleur de foire, mêlant à dessein souveraineté nationale et souveraineté européenne en créant une confusion permettant de mieux enterrer cette souveraineté ancestrale tangible, auprès d’un peuple globalement anesthésié, qui est passé du roi souverain au peuple souverain, pour ensuite mieux se faire déposséder de toute souveraineté.
Qui pour incarner la France ?
Alors qui pour incarner la France, qui pour représenter son âme profonde. Marianne ? En 1792, il fallait bien adopter un symbole de la République naissante, et de la « Liberté » mère de ce régime : une femme coiffée d’un bonnet phrygien. On y voit là plutôt une quelconque harpie dépoitraillée, issue des barricades telle que l’a représentée le peintre Eugène Delacroix. Dans tous les cas la pauvre ne vaut guère plus que 15kg de plâtre accrochés au mur des mairies, on fait mieux comme incarnation.
La République doit alors se trouver des succédanés, représentant au moins ce qui pourrait unir un peuple dans sa diversité, qui puisse faire sa fierté. Ce sera suivant les humeurs du temps une équipe nationale de football, qui gagne parfois, rarement, mais dans laquelle, même avec la meilleure volonté, on a du mal à trouver un soupçon de représentation de l’âme française. Il y a aussi les fameuses « Valeurs de la République », mais là comme incarnation on peut difficilement faire pire, personne n’ayant jamais trouvé le commencement du début de leur définition. Peut-être « l’Universalisme », concept défendu par quelques philosophes ou politiques éthérés, qui en exprimant l’idée qu’ils vont remplir le monde entier de bons sentiments, ne font que montrer le néant d’une pensée concrète et utile pour le quotidien de notre patrie.
Dans les périodes à venir, certainement délicates tant les difficultés non résolues s’amoncellent, bien des pays de notre vieille Europe ont au moins cet avantage d’avoir conservé une monarchie donnant un chef qui, même avec des pouvoirs très limités, constitue un facteur d’unité tangible. Héritage de l’histoire qui dépasse les représentants même de cet héritage, ils n’y sont pour rien. Principe qui permet dans un pays à chacun, à chaque partie, à chaque corps social ou politique, d’y voir n’ont pas un compétiteur qui gagne contre les autres, mais un fédérateur qui accompagne tout un peuple.
Et qui pour désigner ce fédérateur?
La question pose d’abord un préalable, peut-on en France encore croire à l’instauration d’une monarchie ?
La visite du palais impérial de la Hofburg, à Vienne, nous laisse une impression très nostalgique. Tout est resté présent dans les enfilades imposantes de salles, le bureau de l’empereur portant son encrier et ses photos personnelles, les salons et les chambres avec leur mobilier, sans oublier les monumentales poêles en faïence. Un peu comme dans le château de la Belle au Bois Dormant, tout semble assoupi, et prêt à se réveiller. Il est vrai que la continuité dynastique en Autriche est simple et bien assurée. De plus à peine un siècle les sépare de cette période, des anciens peuvent raconter qu’ils ont connu dans leur jeunesse d’autres anciens ayant vécu sous l’empereur, le bienheureux Charles. Son épouse, Zita, décédée il y a tout juste 40 ans, reste dans les mémoires de nombreux Autrichiens.
Nous, Français, sommes évidemment bien loin de cela. Toutefois un espoir doit rester en nous si nous sommes convaincus que, comme chaque homme a une destinée particulière sur terre, voulue par la Providence, chaque nation a aussi sa vocation particulière. Cette mission, affirmée par l’évêque fondateur de la première dynastie mérovingienne, Saint Rémi, et confirmée par de nombreux évêques et papes au cours de l’histoire, notamment par Saint Pie X (cf. bulletin ARLV N°33), et par le pape Jean Paul II en 1980 au Bourget et en 1996 à Reims, est la défense de la foi authentique ainsi que la propagation de cette foi dans le monde entier. De ce point de vue l’exemple récent de nos terres, magistralement démontré par le père Argouarc’h dans son livre « Passion de la Vendée », est édifiant. Après la saignée de la tempête révolutionnaire, censée effacer toute trace de religion sur ces terres, l’auteur présente la floraison des séminaires, et recense 161 prêtres vendéens nés au XIXème siècle, partis évangéliser le monde entier.
On peut noter que si la Grande-Bretagne a conservé sa monarchie, bienfait certain, elle a par contre, depuis Henri VIII en 1531, sombré officiellement dans le schisme et l’hérésie anglicane. La France malgré tout, malgré ses « philosophes », esprits forts du siècle des Lumières, ses révolutionnaires sans-culottes autant que sans-Dieu, ses républicains laïcards et francs-maçons, a conservée dans son âme, si ce n’est dans ses institutions et dans son peuple, l’attachement à l’authentique foi catholique et au trône de Pierre. Bien sûr tout cela semble aujourd’hui bien dévoyé, et même un peu utopique tant l’Eglise elle-même semble tanguer, soumise aux mauvais vents du siècle, acquise pour une grande part à la religion horizontale des Droits de l’Homme, de l’homme fait Dieu et non plus du Dieu fait homme.
Toutefois, si les générations du concile Vatican II et de la nouvelle liturgie de 1969 ont pu vivre ces événements comme une rupture avec un passé révolu, pleine d’espérance, il faut bien reconnaître qu’on en attend toujours les merveilleux fruits promis. Et que cet esprit là, s’il reste encore présent chez bien des plus âgés, ne s’est pas transmis aux jeunes générations qui s’engagent, non pour rejeter la tradition bimillénaire, mais bien souvent à la recherche de cette tradition. Le grand succès du pèlerinage de Pentecôte à Chartres proposant la liturgie traditionnelle, réunissant 300 prêtres et plus de 15 000 jeunes, en est la manifestation éclatante. La loi des générations se renouvelant fait son effet, les réalités finissent par s’imposer. Avec plusieurs évêques présents, les lignes bougent même dans la hiérarchie de l’Eglise. Alors pourquoi la France ne pourrait-elle pas un jour revivre aussi plus en accord avec les lois naturelles, et retrouver des institutions mieux garantes de ces lois ? Aujourd’hui et près de chez nous, la Hongrie, avec son premier ministre Viktor Orban largement réélu à chaque fois, progresse dans cette direction.
« La contre-révolution ne sera pas une révolution contraire mais le contraire de la révolution » (Joseph de Maistre). Il ne s’agit pas pour nous de détruire l’autorité existante, si faible et malfaisante soit-elle, mais de penser à un avenir, au jour où cette autorité s’effondrera. Depuis 1500 ans l’Eglise n’a pas réagi autrement. Face à la disparition du cadre politique de l’Empire romain au Ve siècle, et aux hérésies, le grand saint Rémi, évêque de Reims, suscite en 496 une nouvelle dynastie avec le baptême de Clovis. En 751 le pape Zacharie adoube Pépin le Bref, premier roi de la dynastie des carolingiens. En 987, le duc des Francs Hugues Capet est élu roi grâce au soutien actif d’Adalbéron, l’archevêque de Reims.
Pour chacune de ces périodes des graves troubles, en particulier des invasions, et un pouvoir central défaillant entraînant un grand danger pour la Chrétienté. Et si les chefs fondateurs de dynasties ont d’abord fait personnellement leurs preuves, affirmé leur autorité, leur compétence naturelle, leur sens du devoir au service du bien commun, c’est bien l’Eglise qui a adoubé ce pouvoir. Mieux encore, en 1429 c’est le Ciel lui-même, malgré une partie de l’Eglise acquise à la cause anglaise, qui par les voix des saints suscite le départ de la jeune Jeanne d’Arc afin de restaurer l’autorité légitime défaillante. Nous avons là d’un point de vue naturel une belle raison d’espérer. Sans parler de l’Espérance surnaturelle.
Pascal Théry – président Association Royaliste Légitimiste de Vendée
Gallia
“Mais il y a plus profond. Élisabeth II est la seule souveraine à être réellement sacrée, ointe du saint chrême”. Seul le sacre des rois de France confère l’onction davidique. Comme le confirme l’évêque de Reims, Hincmar, dans sa lettre à Louis le germanique en 858. Il n’y a qu’un seul oint du Seigneur, et actuellement, il n’y en a pas, tout simplement. Et ce n’est certainement pas cette reine maçonnique, hérétique et amie des usuriers qui peut s’en prévaloir. S’il est vrai que tout pouvoir politique vient de Dieu, il existe une hiérarchie des nations sur terre, tout comme il existe une hiérarchie des églises. Les rois de France, depuis Clovis et saint Rémi, dont Samuel et David n’étaient que la préfiguration, bénéficient d’un primus inter pares temporel. Dieu n’est pas égalitariste. L’onction de Reims est supérieure. Les Allemands, par exemple, l’avaient bien compris lorsqu’ils tentèrent, sous l’inspiration de Satan, de détruire totalement la cathédrale de Reims.
Giacomo
“Toutefois, si les générations du concile Vatican II et de la nouvelle liturgie de 1969 ont pu vivre ces événements comme une rupture avec un passé révolu, pleine d’espérance, il faut bien reconnaître qu’on en attend toujours les merveilleux fruits promis”.
60 ans après le Concile, on constate que les fruits récoltés sont malheureusement bien plus vénéneux que bénéfiques. L’Eglise “s’ouvrait au Monde” et “l’esprit du Monde” s’est rué dans l’Eglise où il s’est enkysté profondément.
Meltoisan
“Qui pour incarner la France ?”
Moi, bien sûr, sinon rien !