De Jean-Pierre Maugendre sur Renaissance catholique :
Ainsi donc après huit années de bons et loyaux services c’en est fini de l’apostolat de la Fraternité Saint Pierre dans le diocèse de Quimper-Léon ? Monsieur l’abbé Courtois, assisté comme diacre par l’abbé de Giacomoni, nouveau supérieur du district de France de la FSSP, a célébré le dimanche 25 août sa dernière messe solennelle en l’église St Matthieu de Quimper. L’assistance était nombreuse, grave mais aussi joyeuse et déterminée comme en a témoigné le sympathique pique-nique « paroissial » d’adieu aux abbés Courtois et Pélisson au château de Lanniron.
Une autre foi ?
Les raisons invoquées par Mgr Dognin pour procéder à ce qu’il faut bien appeler une exclusion seraient les « tensions » entre les activités pastorales proposées par la paroisse et celles proposées par la Fraternité Saint Pierre. Certes « la plupart d’entre vous ne s’en rendaient pas compte » écrit Mgr Dognin aux fidèles de Saint-Matthieu et Sainte-Sève le 10 août mais, avec son œil de lynx, Mgr de Quimper a vu ce que « la plupart » ne voyaient pas. Et décrété que « les messes dominicales seront célébrées selon l’ancien missel » par des prêtres diocésains cependant « je demande aux fidèles des deux communautés de participer aussi aux messes selon le missel actuel (…) pour certaines grandes fêtes comme signe de la reconnaissance de la validité des sacrements célébrés dans l’Eglise universelle ». Faut-il en déduire que la messe traditionnelle ne sera pas assurée pour la Toussaint, l’Ascension ou le 15 août ? Un éclaircissement serait le bienvenu. Mgr Dognin n’a pas dû beaucoup écouter ses paroissiens de St Matthieu pour croire, ou faire semblant de croire, qu’ils remettent en cause la validité de la messe réformée célébrée selon les rubriques en vigueur par un prêtre validement ordonné ayant l’intention de faire ce que veut faire l’Eglise soit renouveler le sacrifice non sanglant du calvaire. En quoi d’ailleurs la participation à la nouvelle liturgie serait-elle plus signe d’unité que la participation à la liturgie traditionnelle ?
Il est difficile de sortir, logiquement, de l’alternative suivante : soit la liturgie réformée et la liturgie traditionnelle expriment la même réalité et alors à quoi riment ces exclusives, soit ces deux formes liturgiques expriment des réalités différentes et il serait honnête, alors, de dire clairement qu’il s’agit là d’une nouvelle croyance, voire d’une nouvelle théologie et donc d’une nouvelle foi. Rendons hommage à la franchise du cardinal Roche, préfet du Dicastère pour le culte divin déclarant le 12 mars 2023 sur les antennes de la BBC : « Vous savez, la théologie de l’Église a changé. Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, toutes les personnes – celles-ci étaient pour ainsi dire canalisées par cette personne qui était la seule à célébrer la messe – ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui. Il s’agit là d’une affirmation très forte. » Il est très probable que les fidèles de St Matthieu n’ont aucune envie de célébrer la messe avec… Mgr Dognin !
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : lex orandi, lex credendi. La loi de la prière détermine la loi de la foi. Derrière les querelles liturgiques et ce que l’on appelle les « pédagogies traditionnelles » c’est la foi qui est en cause. En réalité, trop souvent le Saint sacrifice de la messe a laissé la place à un rassemblement communautaire sous la présidence du prêtre, l’unicité du salut en Jésus-Christ est devenue le salut universel pour tous quelles que soient les religions et les comportements : « On ira tous au paradis », l’idéal ascétique et mystique de sainteté s’est mué en humanitarisme larmoyant, le culte de Dieu a été remplacé par celui de l’homme et de la Pachamama. Avec les résultats que chacun peut observer : un effondrement de la pratique, une ignorance religieuse abyssale, un désintérêt de la jeunesse pour une liturgie tragiquement médiocre et un enseignement sans transcendance ni cohérence. Les fidèles de St Matthieu ont tous dans leurs familles des parents qui ont sagement obéi aux consignes épiscopales et pontificales de réformes et dont les enfants ont, très majoritairement, perdu la foi et pris quelques distances avec l’enseignement moral de l’Eglise. Le drame avec les idéologies c’est que les faits n’ont aucun impact sur elles. Il y avait 1000 prêtres dans le diocèse il y a 60 ans, il en reste aujourd’hui 80 d’actifs, dont de nombreux Africains. Peu importe. On continue… droit vers le mur !
Une curieuse conception de la liberté religieuse
Sur sa lancée, Mgr Dognin interdit la célébration des baptêmes, mariages et confirmations selon le rite traditionnel. N’est-il pas stupéfiant que 60 années après la déclaration conciliaire Dignitatis Humanae qui affirmait benoîtement :
« qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres »
un tel mépris des consciences et un tel autoritarisme puissent encore avoir cours ? Résumons : chacun a le droit de penser et faire ce qu’il veut mais quant à vous, il s’agit de m’obéir au doigt et à l’œil.
Concernant les prêtres diocésains qui assureront les messes dominicales Mgr Dognin croit utile de préciser : « Ils ne sont pas vos ennemis ! » Plus que sur des paroles chacun jugera sur des actes. La nouveauté pastorale est que plusieurs prêtres célèbreront la messe à tour de rôle. Le curé d’Ars doit se retourner dans sa tombe ! La logique du pasteur conduisant son troupeau car il le connaît et l’aime fait place à une fonctionnarisation de la vocation sacerdotale et de la fonction liturgique. Il s’agit, en réalité, d’empêcher l’établissement d’une relation stable entre un prêtre et la communauté dont il a la charge. Exactement l’inverse de ce que l’Eglise a promu, avec succès, depuis 2000 ans. La dure réalité est qu’alors que ses enfants demandent à Mgr Dognin du pain il leur jette des pierres. Si cela est bien triste cela ne doit en aucune façon étonner ni décourager. L’histoire de l’Eglise n’est pas un « reposoir de Fête-Dieu » (Emile Poulat), ce que confirme, si nécessaire, un excellent article de l’abbé Chanut paru dans la revue de la FSSP Tu es petrus sur le jansénisme. Les évêques autoritaires et sectaires comme les clercs prévaricateurs ou assoiffés de pouvoir y sont légion sans oublier les violences verbales et physiques.
Ce qui est certain c’est que le dossier n’est pas clos comme en témoigne le communiqué de l’association Tradition et Unité en Finistère publié le 13 août et manifestant le refus de nombreux paroissiens de Saint-Matthieu et Sainte-Sève de se soumettre aux oukases épiscopaux. Cela d’autant plus qu’il semblerait y avoir quelques difficultés pour trouver un célébrant pouvant assurer la célébration de la messe traditionnelle tous les dimanches à l’église St Matthieu. La volonté de Mgr Dognin, face au succès de la pastorale traditionnelle de la foi mise en œuvre par la Fraternité St Pierre – développement numérique important, célébration de 40 baptêmes d’enfants, 15 d’adultes et 22 mariages, éclosion de 5 vocations (4 séminaristes et 1 religieuse) en 8 années d’existence – est clairement de conduire cette communauté prospère à se dissoudre dans la pastorale locale. Pari risqué tant il est vrai qu’aujourd’hui l’obéissance inconditionnelle à Rome et à la pastorale réformée qui commence par l’acceptation de la réforme liturgique et finit, parfois, par la bénédiction des paires homosexuelles s’avère être un échec quasi général.