L'abbé Christian Vénard, aumônier militaire, écrit au président de la République, suite à la phrase de ce dernier "Tuer un prêtre, c'est profaner la République.". Extrait :
"[…] Le prêtre que je suis aurait pu se contenter de remarquer, avec une certaine acrimonie, que déifier ainsi un régime politique – on ne profane que ce qui est sacré et divin – participe précisément d'une hubris de l'État moderne, toujours dangereuse. Mais l'aumônier militaire que je suis aussi, cherchant chaque jour, depuis près de vingt ans, à réfléchir sur le sens de l'action politique et militaire et de sa coordination avec les forces spirituelles au sein de notre patrie, veut considérer dans votre propos quelque chose de nouveau, susceptible d'amorcer la refondation de cette unité nationale, si nécessaire en ces temps troublés. Pas une seconde je ne peux imaginer – comme certains l'ont déjà écrit – que le discrédit de la parole politique soit tel que ce propos soit insignifiant, ou le fruit du manque de professionnalisme de vos conseillers. C'est donc que ces paroles, venant du chef de l'État, chef des armées, ont été pesées, dans le cadre d'une déclaration officielle, et ont donc une portée novatrice dans la pensée politique de la Ve République.
Apurer notre histoire récente
La République que vous invoquez, monsieur le Président, n'a pas toujours été tendre, c'est le moins que l'on puisse écrire, avec l'Église catholique en général et avec ses prêtres en particulier. Faut-il rappeler ici les pontons de Rochefort, les milliers de prêtres guillotinés ou déportés sous la Révolution française ? Faut-il, plus récemment, évoquer les milliers de religieuses et de religieux expulsés hors de France sous la IIIe République, et malgré leur retour sous les drapeaux en 1914 et les lourds sacrifices humains consentis par l'Église catholique au cours du premier conflit mondial, les tentatives à nouveau d'exclusion de la vie publique dès 1918 par certains idéologues républicains ? Faut-il rappeler les deux grandes spoliations de tous ses biens qu'a subies l'Église catholique de la part de la République, en 1791 et en 1905 ? La liste serait trop longue en deux siècles des avanies, des vexations, des persécutions voulues par la République à l'encontre d'une part importante de sa population : les catholiques – et ce, malgré le ralliement aux institutions républicaines demandé par Rome en 1892.
Reconstruire notre unité nationale ne peut passer, monsieur le Président, que par la réconciliation en profondeur de la République avec le catholicisme. Votre phrase en marque, je le souhaite de tout mon cœur, le début. Pourquoi ne pas créer une commission nationale de réconciliation, composée d'historiens, de politiques et de religieux, afin que nous puissions apurer notre histoire récente ? La République peut-elle enfin reconnaître les torts historiques qui ont été les siens en pourchassant ou en ostracisant une part non négligeable de sa population ? Ce faisant, avec courage, elle marquerait aussi les esprits et répondrait précisément, sur le plan doctrinal, à Daech. Réconcilier la République, les Français, avec la religion qui a forgé leur histoire, marqué leurs paysages, pour le meilleur, parfois pour le pire, n'est pas vouloir faire de chacun d'eux un catholique pratiquant de tous les dimanches, pas plus qu'abandonner les principes de neutralité laïque de l'État. Non. Bien au contraire, c'est retrouver encore plus profondément les racines de notre désir de vivre ensemble dans ce pays merveilleux, à la culture non pareille, et qui a toujours su accueillir et intégrer tant d'étrangers désireux de vivre de l'exception culturelle française, de la liberté, de l'égalité, de la fraternité. Il est important désormais que cessent les humiliations tant et tant de fois assenées, en particulier à travers les médias, aux catholiques de ce pays, sommés de tout accepter au nom d'une prétendue supériorité de l'athéisme militant. Il est primordial qu'à travers l'Éducation nationale et ses programmes, les jeunes Français se réapproprient leur histoire, avec certes ses médiocrités, mais aussi et surtout sa grandeur, sa fierté ! […]"