Suite au dépôt par le PCD d’un référé-liberté auprès du Conseil d’Etat pour contester la décision discriminatoire du Gouvernement de prolonger l’interdiction des cérémonies religieuses à l’issue du déconfinement national du 11 mai, nous avons interrogé Jean-Frédéric Poisson.
Pourquoi déposer un référé-liberté pour contester le prolongement des cérémonies religieuses publiques ? Ne craignez-vous pas une recrudescence de l’épidémie ?
Pas plus que le gouvernement ! Je prends acte du fait qu’à compter du 11 mai prochain, le gouvernement lui-même n’envisage pas de recrudescence de l’épidémie. Et même au contraire, puisqu’il organise le déconfinement à compter de cette date. Il donne la possibilité à de très nombreuses activités humaines de reprendre, non sans fixer bien sûr des contraintes sanitaires particulières comme autant de conditions de reprise. Donc la question n’est pas de savoir si l’interdiction de célébrer les offices religieux est motivée par un risque sanitaire. Elle est de savoir si les cérémonies religieuses peuvent se soumettre aux mêmes conditions sanitaires que les autres activités qui, elles, seront permises. A cette question, la réponse est évidemment oui : l’exemplarité des personnes concernées et leur expérience de l’organisation d’événements permet d’assurer cette réponse.
Le gouvernement ne peut feindre d’ignorer cela. La prolongation de l’interdiction des cérémonies religieuses est donc une mauvaise manière spécialement faite aux croyants- une sorte de mépris en fait – et un acte discriminatoire à l’égard des cérémonies cultuelles. C’est également un acte discriminatoire sur le plan géographique, dans la mesure où, là encore, de nombreuses activités humaines connaîtront des régimes d’interdiction différents selon les départements, en fonction de la couleur mentionnée sur la carte de la France.
J’ajoute que la liberté de culte ne peut se limiter à la seule liberté de conscience. Le Conseil d’Etat lui-même a déjà jugé que cette liberté inclut le droit d’accès aux lieux de culte, en l’absence de raison impérative qui l’empêcherait. Or le déconfinement fait tomber – au moins en certains endroits du territoire national – cette raison impérative. Donc…
Alors, à cause de cette discrimination qui porte atteinte à nos libertés fondamentales, nous avons déposé ce référé pour rendre aux croyants leur liberté de culte pleine et entière.
Cette action en justice a-t-elle été prise en concertation avec l’épiscopat ?
Non. Notre démarche n’est pas de nature confessionnelle, ni au sens spirituel, ni au sens institutionnel. C’est une démarche judiciaire et politique, visant à rétablir tous les français dans l’intégralité de leurs droits et de leurs libertés. Nous avons cru comprendre que la Conférence des Evêques de France ne souhaitait pas traiter la question de manière contentieuse. Nous avons fait un autre choix.
En cas de rejet, que prévoyez-vous ?
Nous avons déposé ce référé-liberté en étant persuadés que le Conseil d’Etat nous donnerait raison, conformément à sa jurisprudence constante sur la question des libertés fondamentales, et spécialement sur la liberté de culte. Nous savons que cette institution est libre, ainsi que l’a prouvé, par exemple et très récemment, l’avis qu’elle a rendu sur le projet de loi portant la réforme des retraites. Nous attendons impatiemment la même liberté, d’autant plus que cette fois ce sont nos droits fondamentaux qui sont en cause, au motif que ces droits ne peuvent pas être amputés en partie sans disparaître totalement.