Alain Escada, président de Civitas, a publié un communiqué critique sur la façon dont s'est déroulée la Marche pour la vie.
Le frère Clément-Marie, de la Fraternité Missionnaire Notre-Dame, lui répond :
Cher Monsieur,
Après avoir lu votre texte intitulé : « La Marche pour la vie impose une réflexion stratégique », je souhaite y réagir. Je suis religieux et prêtre de la Famille Missionnaire de Notre Dame. Notre Supérieur, le Père Bernard, a donné à cette marche il y a quelques années une impulsion importante, et nous y participions cette année pour la huitième fois.
Je souhaite reprendre les quatre points que vous évoquez, et que, pour partie, je trouve sévères, voire injustes.
– Le combat de la jeunesse. C’est peut-être le point où je trouve votre critique la plus fondée, même si je la trouve trop dure. Il est vrai que nous sommes là pour dénoncer les atteintes à la vie, et en particulier l’avortement, que le concile Vatican II qualifie de « crime abominable » (Gaudium et Spes, nº 51 §3). Il faut quand-même reconnaître que cela a été fait clairement lors de la Marche pour la vie. Nous avons eu au Trocadéro une minute de silence avec des images très fortes retransmises sur les écrans. Il me semble cependant normal que l’ambiance soit familiale, car nous sommes présents aussi pour témoigner de la beauté de la vie et de la famille. Ce rassemblement doit donc être grave, mais aussi familial. Il est fait inséparablement pour dénoncer et pour témoigner. L’équilibre n’est sans doute pas facile à trouver, et peut sans doute être perfectionné.
– Le combat des mots. Si votre analyse du sigle I.V.G. est totalement exacte, je pense que votre critique sur ce point est très injuste à l’égard des organisateurs. Nous avons craint la même chose que vous il y a quelques années. Cependant, à vous lire, je pense que vous n’étiez pas à Paris ce dimanche 21 janvier. Le mot « avortement » a été prononcé de très nombreuses fois. Les discours en ont parlé sans langue de bois, ainsi que de toutes les atteintes à la vie humaine (je vous renvoie, entre autres, à ceux de Jérôme Triomphe, de Cécile Édel, de Jean-Marie Le Méné ou d’Émile Duport). Les chansons de Patrice Martineau chantées au Trocadéro sont sans ambiguïté. Quant aux banderoles de la Marche, beaucoup étaient on ne peut plus explicites. Je vous cite seulement trois d’entre elles : « On a aboli la peine de mort et on n’a jamais autant tué » ; « Après les bébés, tuer les handicapés » ; « Soignez-moi, ne me tuez pas »…
– Le combat des idées. Sur ce point encore, je ne vous rejoins pas. Les droits de l’homme sont issus des Lumières, c’est partiellement exact. Mais les Lumières ont repris et vicié des idéaux profondément chrétiens. À nous donc de les rendre à leur signification première. Si la Révolution française a eu un caractère profondément totalitaire (je vous rejoins évidemment sur ce point), ce n’est pas en raison des principes de liberté égalité et fraternité dont elle s’est parée, mais parce qu’elle n’a cessé de les bafouer tout en les proclamant. Nous pouvons et devons donc reprendre ces mots et ces textes, en les purifiant des parodies dont ils ont été l’objet, et les proposer à la raison de nos contemporains. C’est ce qu’ont fait Jean-Paul II et Benoît XVI de manière très profonde. Je me permets de vous envoyer l’homélie que j’ai faite le dimanche 21 janvier à Paris ; elle fait allusion, sur la question des droits de l’homme, à une célèbre conférence de Joseph Ratzinger lors d’une rencontre avec Habermas. Et je vous renvoie aussi au discours prononcé par Benoît XVI à l’O.N.U. en 2008, où il interroge les dirigeants des nations sur les fondements de ces droits de l’homme. Je pense que ces droits de l’homme sont une occasion de faire comprendre aux hommes d’aujourd’hui que même la mentalité moderne, paradoxalement, est obligée de reconnaître qu’il existe des éléments normatifs qui ne peuvent jamais dépendre d’une majorité. Il reste alors une nouvelle étape : en découvrir l’origine transcendante, ce que Benoît XVI a invité à faire. C’est un peu l’objet du quatrième point.
– Le combat doctrinal et eschatologique. Vous reprochez aux organisateurs de la Marche de ne pas assumer leur foi. Là encore je trouve cette critique en bonne partie infondée. Cette marche revêt un caractère aconfessionnel, et veut s’adresser à tous les hommes de bonne volonté – ce qui est assurément une bonne chose. J’ai d’ailleurs été abordé l’année dernière par un participant bouddhiste qui, voyant mon habit religieux, est venu me faire part de sa surprise devant le peu de prêtres présents à cette Marche, surprise que je lui ai dit comprendre… Comme vous je regrette une timidité excessive (voire coupable) de la part de beaucoup de baptisés et de membres de la hiérarchie dans ce combat pour la vie. Mais si cette marche est aconfessionnelle, je ne crois pas qu’on puisse dire que les organisateurs dissimulent la foi qui anime beaucoup d’entre eux. Vous trouverez par exemple sur le site de la Marche le soutien du Cardinal Barbarin à cette Marche. Si vous aviez été présent à Paris, vous auriez entendu des jeunes, au micro, remercier ceux qui étaient là en leur disant qu’ils sont « le sel de la terre » ou encore évoquer sans complexe la « pluie de grâces » de ce dimanche.
Pour finir, j’admire comme vous l’engagement généreux de ces nombreux jeunes pour cette cause de la vie, et c’est sans doute un beau fruit des pontificats de Jean-Paul II et Benoît XVI que beaucoup d’entre eux s’engagent et se forment avec compétence dans des structures et des associations comme Alliance Vita, Choisir la vie ou d’autres associations. Remercions Dieu pour cela. Vous avez raison de souligner l’importance que tous ces jeunes soient bien guidés. Que soient remerciés tous ceux qui y contribuent.
Quant à récolter les fruits de ce qui est semé, demandons à Dieu que cette moisson arrive le plus tôt possible !
Je vous assure de ma communion dans la prière pour la grande cause de la vie et pour notre pays, la France, fille aînée de l’Église"