Longuement interrogé dans Valeurs Actuelles, Patrick Buisson revient sur la séquence politico-médiatique de la réforme des retraites :
[…] Par la grâce du gouvernement dont le projet de réforme des retraites ne participait d’aucune urgence, une thématique de gauche aura entièrement vampirisé le débat durant trois mois. Moyennant quoi, l’intersyndicale a remis la main sur l’agitation sociale et enterré pour la seconde fois les “gilets jaunes” au grand soulagement d’un pouvoir auquel les débordements incontrôlés et incontrôlables des “dépossédés” avaient donné tant de sueurs froides voilà quatre ans. Le fleuve a regagné son lit. Il y a eu, dans ce théâtre d’ombres, une souterraine convergence d’intérêts entre le pouvoir et les syndicats. On a retrouvé, pour le plus grand confort de tous, l’immémorial jeu de rôles où le gouvernement a pu surjouer la fermeté et rallier le parti de l’ordre, tandis que les syndicats, après avoir retrouvé leur lustre et rempli leurs caisses, ont promis de “ne rien lâcher” avant de replier banderoles et calicots jusqu’à la prochaine. Tout le monde se frotte les mains. Ce mouvement, c’est un grand bond en arrière sur fond bistre et sépia, le grand moment muséal d’une exposition vintage à ciel ouvert.
Pour vous, le réveil de la gauche doit aussi beaucoup à Marine Le Pen…
Son recentrage idéologique sur le pouvoir d’achat pour escamoter la question identitaire favorable à Zemmour a été le moment décisif de la campagne présidentielle. Il a beaucoup contribué à réactiver le métabolisme de la gauche et à faire décoller la candidature Mélenchon, longtemps stagnante, au point que ce dernier a fini par la talonner à 400 000 voix près. De leur côté, les insoumis et la gauche ont tout intérêt à agiter la menace Le Pen car ils rêvent de l’affronter en 2027. Quoi qu’on en dise, la stratégie agonistique du leader de LFI, qui consiste à mettre en scène une forte conflictualité, s’avère toujours payante. Nous sommes donc repartis pour quatre ans de carnaval antifasciste à coups de sondages alarmistes et de prophéties autoréalisatrices. Situation d’autant plus absurde que Marine Le Pen est la dernière ou presque à brandir le fétiche archéo-marxiste de la lutte des classes et qu’elle est prête à toutes les braderies programmatiques pour prix d’une dédiabolisation chimérique dont seuls ses adversaires ont la clé. […]