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L'Eglise : L'Eglise en France

Renaissance de l’Eglise en France. Quelques pistes.

Renaissance de l’Eglise en France. Quelques pistes.

Par Guillaume de La Tour d’Auvergne pour Le Salon beige :

Cette nuit j’ai fait un cauchemar. En fait j’en ai fait deux, et ça m’a réveillé au petit matin. Dans le premier, il s’agissait d’une église de mon enfance où je revenais 30 ans plus tard découvrant avec horreur qu’une partie de la charpente et de la voûte s’était effondrée à l’endroit de l’autel. Le bâtiment était devenu la propriété d’un vieil homme dévot du quartier qui avait été riche et essayait tant bien que mal de financer de vagues travaux pour éviter l’effondrement complet. Les bas-côtés servaient de préau pour jouer au foot à quelques enfants du quartier les jours de pluie. Plus de messes, plus de fidèles. Je discutais avec le vieil homme qui me disait sa lassitude. Il ne pouvait plus payer l’entretien de ces ruines. Il était désabusé. « Qu’est-ce que vous voulez mon bon monsieur, c’est comme ça, il faut prendre les choses comme elles sont… » me disait-il. Il essayait de se convaincre que c’était normal et dans le sens de l’histoire.

Dans la deuxième partie de cet épisode irréel, j’étais transporté sur la place d’une petite ville de province, Lourdes, si mes souvenirs sont bons, et je me trouvais sur une espèce de terrain vague, à l’herbe rare. En bordure de cette place, je reconnaissais un couvent de religieuses semi-apostoliques que j’avais visité jadis à l’occasion d’un déplacement professionnel. Les Sœurs avaient un bel habit gris clair, un long voile et une robe de bure assez ample. Je m’approchais des bâtiments et rejoignais une sœur qui descendait les escaliers venant dans ma direction. Elle était en larmes, c’était la supérieure. Dans mon rêve, je me souvenais d’une conversation que nous avions eue jadis, elle et moi, lors de mon premier passage. Elle me racontait à l’époque combien sa communauté priait pour avoir des vocations, ardemment. Elles étaient encore assez nombreuses, une petite vingtaine de sœurs, la plus jeune devait avoir 45 ans mais la majeure partie avait plus de 70 ans. Maintenant, une dizaine étaient décédées et la communauté ne pouvait plus faire face. Tant de souvenirs étaient attachés à ces lieux : le noviciat, resplendissant dans les années 50-60, les grands et beaux offices, les jardins et vergers, les allées, les statues fleuries…

Les années post-conciliaires avaient vues les transformations liturgiques avec le choc que constituaient certaines réformes impactant durement les us et coutumes des sœurs. La majorité d’entre elles voulaient continuer à prier et vivre comme elles avaient toujours prié et vécu. Mais le phénomène de basculement qu’avait connu la société des années 60, conséquence, entre autres, de la violence des deux guerres mondiales qui avaient ébranlé profondément la psyché des peuples de nos pays de vieille chrétienté ; ce phénomène de basculement avait profondément atteint la conscience des catholiques. Cela avait eu un impact jusque dans les modalités d’exercice du charisme de la plupart des communautés religieuses. Les sœurs que je retrouvais dans mon rêve tenaient jadis des écoles. En quelques années, plutôt en quelques mois, elles durent quitter leurs établissements et les confier à des laïcs ; encore pouvaient-elles faire du catéchisme, où essayer d’en faire, en se jouant des nouveaux parcours obligatoires… Elles ont tenu ainsi, 50 ans, avec de rares vocations, mystérieusement envoyées par la Providence comme pour dire aux jeunes catholique de notre temps « nous avons tenu jusque-là, c’est à vous maintenant ». J’écoutais la vieille sœur me parler et voyais en esprit l’immense jardin potager, le verger et les novices qui y travaillaient jadis. Je voyais surtout la merveilleuse chapelle pratiquement vide. J’étais comme en présence d’un antique violon à l’archet défraîchi et auquel il ne restait plus qu’une corde à moitié effilochée. Que faire me disais-je ? Pour éviter de sombrer dans une mélancolie sans retour, je repensais à la terrible virée de Galerne lors de la tourmente révolutionnaire et à l’incroyable renaissance de la foi et des vocations une trentaine d’années plus tard.

J’étais tellement bouleversé pendant ce cauchemar que je finis par me réveiller… pour réaliser que celui-ci était réaliste. Sans doute l’église de mon enfance n’est-elle pas en ruines, mais certains clochers de nos campagnes ou de nos quartiers n’ont pas la même chance. Alors que faire ? Prier et agir me dis-je. Prier comme si tout dépendait de Dieu et agir comme si tout dépendait de nous…

Il semble que prier signifie un retour à une vie contemplative des chrétiens, de leurs prêtres, des consacrés, un retour à l’oraison quotidienne, à la récitation du rosaire, à l’adoration eucharistique, et, au sommet de tout cela, à la célébration de la messe selon l’esprit de la liturgie, si profondément mis en lumière par Benoît XVI et expliqué notamment par le Cardinal Sarah, plus récemment dans son livre la Force du Silence et ses récentes interventions sur le sujet.

Agir, nous pourrions le comprendre comme une continuation de la prière par nos œuvres. Oui, continuer par nos œuvres les actes d’adoration envers Dieu, notre contemplation de sa lumière, de sa vie, de son amour, de sa joie. Dans la prière nous sommes tournés vers Dieu, qui est amour et vérité, et qu’en nos œuvres nous le soyons tout autant… Ainsi, nos dynamismes missionnaires prolongeront cette manière d’être, cet ethos contemplatif. Face à Dieu jusque dans l’action, en demeurant dans la contemplation pour que nos œuvres soient lumière, charité, vie et joie et être unifiés profondément, comprenant quel peut être notre agir dans le monde. Si le Royaume de Dieu est au-dedans de nous alors nos œuvres étendront le règne du Christ.

Il me semble qu’en ces temps, Dieu veut que nous soyons dépouillés de tout, appauvris de tout ce que nous croyons être la bonne voie, la solution, etc. tout ce qui est en réalité notre œuvre, … pour que nous fassions son œuvre. Comme Job, sur son tas de fumier, comme le Père de Foucauld dans l’apparente stérilité de son apostolat auprès des Touaregs, comme Sainte Thérèse de Lisieux qui, à quelques instants de la mort, connaissait des tourments vertigineux… comme Notre-Seigneur en sa Passion. Oui, Dieu veut nous détourner de nous pour que nous ne nous appuyons que sur lui. Il veut purifier notre compréhension de sa présence et ce que nous pensons être sa volonté. Ce faisant, il nous pousse à faire un acte de réalisme, à ouvrir les yeux du corps pour comprendre et discerner avec la raison et le cœur. Encore faut-il accepter de mourir à nos petites certitudes, que nous identifions souvent à la volonté de Dieu alors que celles-ci ne sont bien souvent que l’émanation de nos velléités, de nos petites idées qui nous paraissent vraies parce que souvent elles nous sécurisent. Oui, il faut accepter de perdre pied, de sentir le tapis glisser sous nos pas, pour pouvoir reconnaître la corde que Dieu nous tend pour que nous la saisissions et ne tombions pas. C’est dans la nuit noire que la plus petite lumière est visible. C’est dans le grand silence que la brise légère est perceptible. Dégageons-nous de nos petits calculs et acceptons si Dieu nous y appelle la solitude, la souffrance, le mépris, l’angoisse, entre équilibre spirituel et folie aux yeux des hommes. C’est un ferment miraculeux. Alors nous réalisons que ce n’est plus nous qui vivons, mais c’est le Christ qui vit en nous, car tout ce qui doit vivre en nous pour l’éternité est infiniment plus fort que nos angoisses. Etre avec Dieu et demeurer en lui, n’est-ce pas ce qui nous importe le plus ? Ni la mort, ni la vie, ni présent ni avenir, rien ne nous séparera de l’amour du Christ.

A la virée de Galerne succéda le printemps de la foi et des vocations. Dieu nous parle souvent par les faits ; ainsi celui qui veut se marier doit d’abord rencontrer une femme et que leur projet de vie soit réciproque. C’est ainsi que l’on discerne basiquement un éventuel mariage. Pour discerner aujourd’hui les appels du Seigneur pour son Eglise, nous devons partir des faits. Pour que l’époux comprenne les souhaits de son épouse, pour que l’époux se donne à son épouse, ne faut-il pas qu’il entende les besoins qu’elle exprime et fasse l’expérience que la communion conjugale passe par le don qu’il fera de lui-même en réponse à ses besoins ? Se donner jusqu’à en mourir, pour vivre. Ainsi fait le Seigneur avec son Eglise.

Aujourd’hui, ce qui saute aux yeux, c’est l’essor du nombre des catéchumènes, le boom des écoles indépendantes catholiques, l’explosion du nombre des pèlerins de Chartres, le volume des ordinations à la Fraternité Saint Pierre, la Communauté Saint Martin, l’Institut du Christ Roi, l’Opus Dei, la Société Jean-Marie Vianney… C’est aussi la proportion de ceux qui rentrent dans les communautés qui ont une doctrine sûre et une liturgie toute tournée vers le Seigneur par sa sacralité. Prenons la peine de dresser une liste, non exhaustive, d’instituts en belle santé : des carmels, les religieuses apostoliques comme les Servantes des Pauvres, les chanoinesses d’Azille, les abbayes de la Congrégation de Solesmes,… Lagrasse, la Chartreuse, le Barroux et la Garde, Sept-Fons, l’Institut du Bon Pasteur, Boulaur, Chéméré, les Dominicains de Toulouse, les Carmes de Montpellier, Pontcallec, Mondaye, les Petites Soeurs des Pauvres, les Oblats de Saint Vincent de Paul ou encore les belles communautés franciscaines et tous ceux qui ne sont pas nommés car tellement discrets mais ô combien féconds. N’oublions pas non plus dans les rangs de la Fraternité Saint Pie X ces personnes qui ont un amour profond de l’Eglise et ne comprennent pas. N’oublions pas non plus quelques séminaires diocésains et les belles initiatives pour les vocations comme on en trouve en Vendée etc.

Comment répondre à l’appel de Dieu aujourd’hui ? That is the question. Qu’est-ce que Dieu veut dire à l’Eglise qui est en France ? Une réponse me vient à l’esprit : c’est là où ça pousse que l’on trouve du fourrage pour les brebis. En regardant les fruits, même s’ils ne nous parlent pas, s’ils ne sont pas à notre goût. Un seul critère : la foi et les mœurs. Le reste, ce sont des détails et le diable se cache dedans pour faire croire que ceci ou cela est une raison suffisante pour dire que telle communauté ou prêtre n’a rien à faire dans le diocèse ou que cela va troubler qui ou quoi… C’est normal que le Malin râle quand quelque chose de bien se fait. C’est normal que des médias s’affolent, que des pétitions circulent, … c’est même plutôt bon signe. Pendant de longues années, les confrères du St Curé d’Ars ont pesté contre lui, l’ont dénoncé à l’évêque… Pourquoi est-il si difficile pour certains instituts en santé florissante d’obtenir des apostolats ? Sont-ils hérétiques à ce point ? Me revient à l’esprit l’histoire de la paille et de la poutre… On évalue aujourd’hui à moins d’un million le nombre de catholiques qui, en France, vont à la messe chaque dimanche. De la même façon, on évalue à plus de 120 000 le nombre de fidèles qui vont à la messe traditionnelle, dite de Saint Pie V, et leur moyenne d’âge est très jeune. Va-t-on reprocher à ces derniers d’avoir fait confiance à Benoît XVI en leur reprochant d’aimer ce que le pape défunt leur avait promis de valoriser ? Pourquoi avoir peur de ces signes que le Seigneur nous envoie ? Pourquoi avoir peur des écoles dites hors-contrat ? Pourquoi avoir peur des attentes de ces jeunes qui aspirent à la sacralité, à une doctrine sûre ? Pourquoi tenir à l’écart de certaines responsabilités diocésaines des prêtres qui portent la soutane ? Pourquoi aussi les tenir à l’écart de l’épiscopat ? Pourquoi ?

Peut-être parce que nous ne sommes pas assez proches les uns des autres, que nous ne nous aimons pas assez à la lumière du Christ ou ne prenons pas la peine de nous connaître pour mieux nous aimer, et de remercier Dieu pour l’œuvre de salut qu’il opère en chacun.

Le jour est levé, depuis longtemps maintenant. Et j’espère vivre un rêve. Un rêve où les catholiques aimeraient vraiment leur évêque et prieraient chaque jour pour lui, un rêve où les évêques seraient toujours plus pères, comprenant les aspirations des familles à transmettre la foi et l’amour du Christ, un rêve où les évêques seraient dans la paix profonde, entourés de leurs brebis. Un rêve où la seule peur que nous pourrions avoir c’est de mal nous aimer les uns les autres, où ce qui n’est pas obligatoire resterait facultatif et où ce qui est requis soit exigé. Comme le dit l’adage « dans les choses nécessaires, l’unité ; dans les choses douteuses, la liberté ; en toutes circonstances, la charité. » Un rêve où la réalité prendrait le pas sur l’idée.

Afin que Dieu soit tout en tous.

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