Mgr Charles Chaput, archevêque de Philadelphie (Pennsylvanie), a donné l’homélie lors de la Messe de clôture de la campagne Fortnight for Freedom (21 juin-4 juillet) de l’épiscopat américain. Extraits de la traduction de Daniel Hamiche :
"Paul Claudel, le poète et diplomate français du siècle précédent, a un jour décrit le chrétien comme « un homme qui sait ce qu’il fait et où il va dans un monde qui ne connaît plus la différence entre le bien et le mal, entre le oui et le non. Il est comme un dieu au milieu d’une foule d’invalides. Lui seul possède la liberté dans un monde d’esclaves ». Comme la plupart des grands écrivains de son temps, Claudel était un mélange d’or et d’argile, de défauts et de génie. Il avait une foi catholique profonde et éblouissante, et quand il écrivit qu’un homme « qui ne croit plus en Dieu ne croit plus en rien », il ne faisait que rapporter ce qu’il constatait autour de lui. Il parlait d’une époque qui connut deux guerres mondiales et vit l’essor des idéologies athées qui assassineront des millions de gens innocents en utilisant le vocabulaire de la science. Il savait parfaitement où l’oubli de Dieu pouvait mener. […]
La plupart d’entre nous connaissent le passage de l’Évangile du jour de Matthieu. Ce que nous devons ou ne devons pas rendre à César façonne nombre de nos discussions quotidiennes comme citoyens. Mais je veux me concentrer sur un autre et plus important point qu’aborde Jésus dans la lecture de l’Évangile de ce jour : les choses que nous devons rendre à Dieu. Quand les Pharisiens et les Hérodiens essaient de tendre un piège à Jésus, il répond en demandant une pièce de monnaie. L’examinant, il dit : « L’image et la légende, de qui sont-ils ? ». Lorsque ses ennemis lui répondent « De César », il leur dit de la rendre à César. En d’autres mots, ce qui porte l’image de César appartient à César. Le mot clé dans la réponse du Christ c’est « image » ou, en grec, eikon. Le sens moderne d’“image” est plus faible que le sens original grec. Nous inclinons à penser que l’image a quelque chose de symbolique, comme une peinture ou un dessin. Le sens grec inclut ce sens particulier mais va plu loin. Dans le Nouveau Testament, l’“image” de quelque chose participe de la nature de la chose elle-même.
Cela a des conséquences dans nos propres vies parce que nous sommes faits à l’image de Dieu. Dans la traduction grecque de l’Ancien Testament, ce même mot eikon est utilisé dans la Genèse pour décrire la création. « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » dit Dieu (Gen 1, 26). L’implication est claire. Être fait à l’image de Dieu est plus qu’un pieux slogan. C’est un constat de fait. Chacun de nous partage, d’une manière limitée mais réelle, la nature de Dieu lui-même. Quand nous suivons Jésus-Christ nous grandissons en conformité à cette image.
Dès que nous comprenons cela, l’effet de la réponse du Christ à ses ennemis devient clair. Jésus ne joue pas avec les mots. Il ne propose pas un commentaire politique. Il fait une demande à tous les êtres humains. Il dit « rendez à César les choses qui portent l’image de César, mais plus important, rendez à Dieu ce qui porte l’image de Dieu », en d’autres mots vous et moi. Nous tous.
[…] En réalité, tout appartient à Dieu et rien – à tout le moins rien de ce qui est permanent et important – n’appartient à César. Pourquoi ? Parce que tout comme la pièce porte l’empreinte de l’image de César, nous portons l’empreinte de l’image de Dieu au baptême. Nous appartenons à Dieu, nous n’appartenons qu’à Dieu. […] L’authentique liberté ne connaît aucun autre attachement qu’à Jésus-Christ. Cet attachement n’a aucun amour pour les riches ou pour les envies qu’ils essaient de satisfaire. L’authentique liberté s’éloigne de tout : richesse, honneur, célébrité, plaisir. Même le pouvoir. Elle ne craint ni l’État ni même la mort. […] C’est ce type de liberté qui peut transformer le monde. Et c’est cela qui devrait animer tout ce que nous disons au sujet de la liberté, religieuse ou autre. Je dis cela pour deux raisons. Voici la première : la vraie liberté n’est pas quelque chose que César peut donner ou reprendre. Il peut s’y immiscer, mais quand il le fait il vole sa propre légitimité.
Voici la seconde raison : le but de la liberté religieuse est de créer le cadre pour une authentique liberté. La liberté religieuse est un droit fondateur. Elle est indispensable à une bonne société. Mais elle n’est jamais suffisante pour le bonheur humain. Elle n’est pas un but en soi. En dernière analyse, nous défendons la liberté religieuse afin de pouvoir vivre la plus profonde liberté qui est celle d’être des disciples de Jésus-Christ. De quel bien serait la liberté religieuse, consacrée par la loi, si nous n’utilisons pas cette liberté pour chercher Dieu de tout notre esprit, de toute notre âme et de toutes nos forces ? […]
Voici ce que cela signifie pour chacun d’entre nous : nous vivons dans une époque qui exige des sentinelles et le témoignage public. Chaque chrétien à chaque époque à du affronter la même tâche. Mais vous et moi nous sommes responsables de ce moment. Aujourd’hui. Maintenant. Nous devons parler, pas seulement pour la liberté religieuse et les idéaux de la nation que nous aimons, mais pour le caractère sacré de la vie et pour la dignité de la personne humaine, en d’autres mots pour la vérité de ce que signifie être fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Nous devons être les témoins de cette vérité non seulement en parole mais par nos actes. Au fond, si nous ne sommes pas les missionnaires de Jésus-Christ, nous ne sommes rien. Et nous ne pouvons pas partager avec les autres ce que nous ne vivons pas fidèlement et joyeusement nous-mêmes. […]"
trahoir
Même genre de réflexion en profane :
Mais s’il n’y a pas de projet alternatif, c’est-à-dire pas de quoi se projeter dans le futur, dans le monde, dans la vie… alors on tombe dans une dépression noire, un nihilisme psychologique… C’est ce qui me vient à l’esprit en écoutant Emmanuel Todd. (C’est ce qui vient derrière les mots du journaliste, qui ne veut pas y croire).
Nous voilà pris dans l’obligation de naviguer entre ces deux nécessités (si nous voulons résister, si nous voulons vivre, tout simplement):
• ne pas fournir au Système de quoi s’alimenter encore, sous la forme d’une opposition structurée, d’un projet relativement bien définis ;
• et l’obligation psychologique de se projeter dans la vie tout de même, l’obligation de nourrir notre vitalité en nous, laquelle alimente notre résistance au Système.
Nous voilà pris dans l’obligation de lui opposer une sorte “de vide, de vacuité” en face, mais qui sait secrètement que la vie ressurgira, sous les formes précisément qui permettront d’éviter ce à quoi elle résiste, ce à quoi elle s’oppose, ce qu’elle trouve insupportable…
http://www.dedefensa.org/article-m_ditation_sur_la_vie_en_r_sistance_04_07_2012.html
Sancenay
Seigneur donnez-nous des prélats américains, beaucoup de prélats américains.