Le dernier numéro de L’Homme Nouveau consacre un dossier à l’obligation pour des chrétiens de « passer devant le maire », avant le sacrement à l’Eglise, une habitude légaliste qui n’a de raison d’être ni pratique ni morale. Un juriste, un notaire et un avocat contribuent à ce dossier.
En écho à ce dossier, Rémi Fontaine nous propose ce texte :
L’interdiction des mariages pendant la période de confinement a relancé la question de la conditionnalité qu’impose la loi française au mariage religieux, illicite s’il n’est pas précédé par le mariage civil (1). Dans un tweet pertinent, Mgr di Falco interrogeait :
« Et si c’était l’occasion de mettre un terme à cette interdiction qui remonte à la Révolution française ? L’Eglise pourrait répondre à l’attente des futurs époux sans dépendre du bon vouloir des maires. »
Déjà au moment de l’institution du « mariage pour tous » (en 2013) un autre évêque (celui de Luçon) avait demandé :
« Comment pouvons-nous garder comme porte d’entrée obligatoire au mariage religieux un mariage qui n’en est, en réalité, plus un ? »
Rappelons que dans de nombreux pays d’Europe (Espagne, Irlande, Portugal, Grèce, Italie, Pologne…), le mariage confessionnel implique (à la différence de la France) des effets civils de facto et de jure. La soumission pénale du mariage catholique au mariage civil pourrait être tolérée en France si ce dernier renvoyait – même de manière imparfaite – à la loi naturelle comme élément stable et sûr de la vie en société, valable pour tous les citoyens quelque soit leur religion. Mais à partir du moment où la définition du mariage, sous cet angle de l’institution naturelle, n’est plus du tout la même entre l’Eglise et l’Etat, il n’y a logiquement et juridiquement plus aucune raison de faire dépendre l’un de l’autre.
En réalité la loi qui oblige qu’un acte civil enregistre le mariage avant sa célébration religieuse a été votée le 20 septembre 1792, le même jour que la loi autorisant le divorce. Dès l’origine, ce divorce possible altérait la nature propre de la société conjugale : une et indissoluble, ouverte à la procréation et subordonnée à l’éducation des enfants. Contracter un mariage selon ce présupposé révocable l’aliène en effet, le rend même nul et non avenu. Car le mariage n’est pas indissoluble en tant que sacrement mais en tant qu’institution naturelle, même si son caractère sacramentel renforce son unité indissoluble. A ceux qui défendent mordicus le mariage civil comme metaxu (intermédiaire) entre mariage naturel et mariage religieux, on peut répondre qu’il n’est en fait qu’un « abominable concubinage », comme disait Léon XIII en son temps. « Moindre pire » certes au regard de l’union libre ou du pacs…
Comme en toutes choses où convergent nature et grâce, il faut ici distinguer pour unir et non pour opposer. Ceux qui, comme les protestants (2) et les juristes modernes, avant même la Révolution, ont voulu trop séparer le « contrat » ou la « convention » (régie par le pouvoir temporel) de la bénédiction ou du sacrement (conféré par le pouvoir spirituel), sous prétexte de désacralisation, ont réussi à dénaturer progressivement et totalement le mariage. « Ôtez le surnaturel, il ne reste plus rien de naturel » (Chesterton). Lorsqu’on ne veut plus appuyer le naturel par le transcendant, c’est le naturel qui se plie à l’arbitraire. Jusqu’à l’abomination contre-nature du « mariage »gay qui a définitivement torpillé le concept du mariage !
Les couples croyants sont donc contraints aujourd’hui à se « marier » civilement par une loi de plus en plus inique, qui heurte leur conscience. Laquelle loi n’est paradoxalement plus obligatoire que pour eux, puisqu’elle les y oblige avant de se marier religieusement. Face à l’abus de pouvoir manifeste de l’Etat en matière religieuse lors du « confinement », certains ont légitimement demandé à nos évêques de nous rendre la messe. Sachons gré à ceux qui demandent aussi à l’Etat de libérer le mariage catholique de sa parodie séculière : « Rendez-nous le mariage ! » Il arrive un moment où la meilleure façon de défendre la loi naturelle est de faire appel au surnaturel.
Rémi Fontaine
(1) Après les propos de Mgr Dominique Lebrun interrogé à ce sujet sur le site de L’Homme Nouveau (le 4 mai dernier), la revue nous offre (dans son numéro 1712 du 23 mai) les regards d’un juriste (Grégor Puppinck, directeur du Centre européen pour le droit et la justice), d’un notaire (Claude Barthélémy) et d’un avocat (Isabelle Serrurier). Cf. également aux éditions de L’Homme Nouveau, dans la collection Focus, l’opuscule de Denis Sureau : Deux mariages et un enterrement.
(2) « En faisant du mariage un sacrement, ils [les papistes] n’ont rien fait d’autre que chercher une cachette pour toutes les abominations », accusait Calvin (cité par Yves Chiron dans Aletheia n° 208 du 14 novembre 2003), comme certains le prétendent aujourd’hui au sujet de la sacralisation du sacerdoce ministériel, dans un sophisme dont on peut mesurer les effets !
FGJV2
Mince nous nous sommes ” trompés “………… nous avons fais la chose dans le bon ordre.
Devant Dieu-Trinité et bien après le fumeux ” civil “, à l’époque c’était juste pour une histoire de parts fiscales à l’époque.
LELIEVRE
La réflexion est plus intéressante avec le texte incriminé:
Article 433-21 du code pénal
Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002
« Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
Et pour compléter il faut lire cette réponse ministérielle de 2011 qui cite des problèmes de respect de ce texte dans certains cultes et un seul cas de sanction en 2008.
https://www.senat.fr/questions/base/2011/qSEQ110418053.html
Mon commentaire
Ce texte ouvre la voie à chaque prêtre pour “procéder à un mariage” avant un mariage civil, mais pas à plusieurs. Il faut de plus une volonté délictueuse de la part du ministre du culte. Tout prêtre peut donc s’autoriser à célébrer un mariage avant le mariage civil.
Dans les faits, il faudrait savoir si tous les prêtres demandent un justificatif.
L’originalité du mariage catholique réside dans le fait que c’est le seul sacrement que se donnent un homme et une femme, qui sont les ministres du Sacrement de mariage. Le prêtre, lors du mariage catholique est un témoin, représentant de l’Eglise, officiant la Messe de mariage, bénissant les époux et leurs alliances. Pour les autres sacrements c’est le prêtre qui célèbre, officie et est le ministre. Donc le prêtre peut organiser une célébration de mariage, mais ce sont les époux qui sont les ministres de ce culte. Ce qui ne peut exonérer pour autant le prêtre de respecter la loi.
L’Etat n’a pas seulement investi le mariage, mais dans un esprit laicard, pour ne pas dire plus, a cherché à singer l’Eglise pour mieux la détruire et l’étouffer (exemple des baptêmes républicains). A l’origine, la multiplicité des religions en France (le protestantisme) a provoqué des difficultés car ils n’étaient pas admis sur les registres paroissiaux. Le registre de l’Etat-civil a permis d’y remédier. Ce faisant, elle a entraîné beaucoup plus facilement la prééminence du civil sur le religieux. De l’anarchie et du désordre, l’ennemi profite toujours.
Le mariage civil est dans son principe un simple contrat très facilement révocable, avec des obligations civiques et organisant le temporel (régime matrimonial, état-civil,fiscalité). Il n’apporte en soi rien de plus à des catholiques ayant compris le Sacrement de Mariage, sinon une reconnaissance de l’Etat.
Face au désordre de notre société, plusieurs possibilités s’offrent à nous:
– Changer le nom de “mariage” qui est totalement dénaturé par notre monde et qui n’a donc plus rien à voir avec le mariage catholique. Le mot Epousailles ou Alliance…Le Sacrement de l’Alliance. Nous nous sommes épousés.
– Résister toujours…
– Puisque la liberté de culte est une loi fondamentale, demander au Conseil Constitutionnel et ailleurs si nécessaire, de la faire respecter en reconnaissant cette prééminence du mariage civile sur le mariage religieux comme anachronique et contraire à la liberté publique. Les futurs époux peuvent choisir d’être mariés religieusement et non pas civilement, et l’inverse aussi. Ils peuvent aussi aujourd’hui se marier religieusement et se pacser civilement. Ils peuvent aussi s’engager à se marier civilement dans les trente jours, ce qui reviendrait alors, et ce serait l’intérêt de l’Etat comme de l’Eglise, à une coordination et non pas à une confrontation.
Car l’intérêt de l’Etat, contrairement à ce qu’il fait et en ce qu’il croit, est d’avoir des familles stables pour avoir une démographie convenable, représentant une vraie richesse.
LELIEVRE
J’ajoute ceci puisque le sujet nécessite une bonne connaissance historique, juridique, théologique.
Voir l’article de cette revue qui contient quelques éléments appréciables :
http://www.revuedlf.com/personnes-famille/le-mariage-normes-religieuses-et-droit-francais-quelques-exemples-dinteractions/
“Il faut tout d’abord observer qu’en droit musulman le mariage est un contrat qui comprend plusieurs conditions de validité, dont le principal est l’échange de consentements devant s’opérer, non pas devant un imâm, ni dans une mosquée, mais simplement en présence de deux témoins.” Exit donc le ministre du culte, le texte du code pénal rend inapplicable la sanction mais crée une difficulté de reconnaissance publique d’un mariage religieux.
Lors des débats sur le mariage pour tous, ” une revendication visant à supprimer l’obligation d’antériorité du mariage civil sur le mariage religieux a vu le jour, relayée sur la scène politique par plusieurs député et sénateurs qui ont déposé des amendements en ce sens à l’occasion de l’examen par le Parlement du projet de loi, amendements qui ont tous été rejetés.” (sur la base de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et de la restriction à la liberté de culte)
Sophie
Il faut aller se marier à l’étranger si on peut, pour éviter le mariage à la mairie qui est un brin pervers puisque les employés peuvent “s’échiner” à ne pas porter de signe religieux sur eux par exemple.