Clémence Dibout, grand reporter à BFM TV, a été interrogée dans Conflits sur ses reportages en zone de guerre. Extrait :
L’information peut-elle rester objective dans un conflit ?
L’objectivité absolue n’existe pas. On a toujours accès à un réseau ou une brigade en particulier. Si on a accès à un camp, c’est que quelqu’un a un intérêt à nous y emmener. Il faut juste en être conscient. Même les démocraties cherchent à contrôler le récit. Être totalement seul sur une ligne de front n’est ni professionnel ni souhaitable. On accompagne une armée régulière, parfois même un groupe terroriste… Ce n’est pas du bénévolat ni de la grandeur d’âme, c’est une logique d’accès à l’info. Notre travail, c’est aussi de comprendre pourquoi on nous montre telle chose à tel moment.
Le statut de journaliste protège-t-il encore ?
Plus autant. L’idée – c’est pourtant toujours vrai – que les journalistes sont des observateurs extérieurs au conflit prévalait avant. Ça n’est plus le cas. On influence le récit, donc on devient pour les belligérants une partie du conflit. Donc une cible. En Ukraine, en février 2023, mon équipe et moi nous sommes fait tirer dessus par des chars alors qu’on venait d’arriver. On avait les gilets “PRESS”, mais on ne saura jamais s’ils ont tiré parce qu’on était journalistes. C’est devenu très difficile. […]