De Bruno Gollnisch dans Présent :
Au sujet du débat actuel sur les retraites, si l’on peut parler de débat, j’évoquais la semaine dernière deux questions majeures presque totalement occultées, qui sont pourtant à la racine du problème. L’une est celle du chômage que provoque la destruction méthodique de nos frontières, aussi bien économiques qu’humaines. Mais la plus importante, c’est la question démographique que, d’une certaine façon, – qui n’est certainement pas la nôtre ! – M. Delevoye nous a rappelée, peu de temps avant d’être contraint à la démission, en estimant qu’il était nécessaire, pour équilibrer les retraites, que 50 millions d’immigrés supplémentaires viennent peupler l’Europe.
L’immigration au secours des retraites ?
Proposition absurde, bien sûr. D’abord parce qu’il n’est nullement assuré que ces immigrés trouveraient du travail. Deuxièmement parce que l’expérience a montré que la plupart du temps, ils commencent par être à la charge de la société, et le restent trop souvent. Troisièmement parce que, s’il n’est pas question de nier que de nombreux étrangers de diverses origines ont par leur travail apporté leur contribution à la richesse nationale, et se sont souvent fort bien intégrés dans la société française, ce n’est malheureusement pas le cas de tous, tant s’en faut. C’est donc méconnaître complètement les effets secondaires d’une telle immigration, en termes de problèmes sociaux, de coûts d’éducation, de logement, de santé, de sécurité, etc.
Un propos révélateur…
Cet aveuglement est bien significatif de ce qu’a été la politique de l’UMP, dont, faut-il le rappeler, M. Delevoye, avant de devenir une pièce maîtresse de la Macronie, était l’un des fleurons. Il fut en effet, durant plusieurs décennies, un dirigeant majeur de cette fausse droite parlementaire, c’est-à-dire de la coalition gaullo-centriste, ou, si l’on préfère, conservatrice et libérale qui, sous Pompidou, Giscard, Chirac, Sarkozy, a gouverné notre pays. Sans d’ailleurs ni conserver ni libérer ce qui devait l’être. Parlementaire, président de l’Association des maires de France, M. Delevoye fut même candidat à la présidence du RPR avec la faveur de Jacques Chirac, puis ministre de la Fonction publique, de l’Aménagement du territoire et de la Réforme de l’Etat dans les deux premiers gouvernements de Jean-Pierre Raffarin. Médiateur de la République de 2004 à 2011, et enfin de 2010 à 2015, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), élu à la tête de cette institution grâce à la faveur des milieux économiques.
Loin des dogmes mensongers que l’on nous assène, les études véritablement indépendantes, et notamment celle de Pierre Milloz sur le coût réel de l’immigration, qui reste incontestée (même si les chiffres devraient encore aujourd’hui en être actualisés très vraisemblablement à la hausse !), montrent que l’immigration massive, incontrôlée, que nous connaissons depuis des années est en réalité un fardeau considérable pour nos finances et notre économie. Dans le meilleur des cas, le calcul à courte vue d’un certain patronat, allié pour la circonstance aux syndicats de gauche, a vu dans cette immigration la possibilité de maintenir le salaire du travail manuel à un prix relativement bas. Mais les économies ainsi réalisées par des entreprises privées ont été très largement rattrapées par les coûts laissés à la charge de la collectivité. Cette solution de facilité s’est révélée un avantage trompeur, retardant d’autant la nécessaire mécanisation du travail manuel. […]
Générations sacrifiées
Ce qui rend plus dramatique encore ce phénomène, c’est sa concomitance avec le vieillissement de la population d’origine, et le non-remplacement des « De souche ». J’utilise cette expression faute d’en trouver une meilleure. C’est ainsi par exemple que, depuis la loi Veil de 1975 (qu’il faudrait appeler plus exactement loi Giscard-Chirac-Veil, reconduite Barre-Peltier), c’est neuf millions d’enfants à naître qui ont été supprimés.
[…] Il y avait dans mon enfance quatre actifs et demi pour un retraité. Il n’y a plus aujourd’hui que 1,7 actif par retraité. L’OCDE (Organisation de Coopération & de Développement Economique) présente des chiffres supérieurs, mais trompeurs, car ils ont trait aux « actifs potentiels », c’est-à-dire au seul nombre de personnes dans la tranche d’âge 20-64 ans. Cela ne tient compte ni de l’âge de plus en plus tardif de la fin des études, ni du chômage des jeunes, ni de celui des seniors, ni de l’abaissement l’âge légal de départ en France.
En 2018, la France comptait 17,2 millions de retraités. Ce chiffre tend à grossir, sans que le nombre d’actifs puisse suivre le rythme. L’augmentation de la durée de la vie y a sa part : 85,3 ans pour les femmes et 79,5 pour les hommes, ce qui donne l’une des plus longues espérances de vie comme retraité : 26,9 années pour les femmes et 22,7 ans pour les hommes. L’abaissement démagogique de l’âge de la retraite sous Mitterrand est aussi en partie responsable des difficultés actuelles. Mais le non-renouvellement des générations y tient la plus grande part. La pyramide des âges devrait naturellement avoir une base plus large que son sommet. On tend aujourd’hui vers l’inverse. Les jeunes générations en nombre insuffisant sont autant d’actifs qui manquent, mais aussi de clients pour notre économie… et de cotisants pour les retraites des anciens.
Car les retraites, quel qu’en soit le système, sont exclusivement dépendantes des générations futures, de leur dynamisme, de leur insertion, de leur activité. Dans notre système actuel de répartition, les cotisations des actifs servent à payer les retraites des générations précédentes. En contrepartie, elles leur acquièrent une créance sur la génération qui les suit. Mais si le débiteur vient à manquer, que vaut encore la créance ?
Que l’on ne vienne pas dire que le système de la capitalisation permettrait de s’affranchir de ces contraintes démographiques. Car comme l’écrivait le 12 février dernier M. Yves Montenay sur le site « Contrepoints » :
« En effet, la pyramide des âges mine le système par capitalisation de la même façon que celui par répartition, même si ce n’est pas aussi directement évident. Car pour que les titres gardent leur valeur et leur rendement, il faut que les entreprises aient suffisamment d’employés dans les bonnes spécialités, et des clients. »
Accueillir la vie
En conclusion, toutes les discussions sur les mérites ou démérites du système par répartition ou par capitalisation, de la computation par annuités ou par points, de l’âge pivot ou de l’âge d’équilibre, de la légitimité ou non des régimes spéciaux, etc., qui agitent à l’heure actuelle le microcosme politique et syndical sont parfaitement dérisoires au regard de deux questions essentielles : celle du chômage, et plus encore celle de l’inversion de la pyramide des âges. Nous allons payer l’hédonisme à courte vue et le malthusianisme des décennies passées, la destruction de la famille, l’absence d’une grande politique d’accueil de la vie. Il n’est peut-être pas trop tard pour y revenir. Et, de toutes façons, mieux vaut tard que jamais.