Et pour vous en donner envie, voici le résumé de Tugdual Denis :
D’abord, un mot sur la forme: que la droite est belle. Que ce fut agréable de voir et d’entendre durant plusieurs heures sur la scène du Palais des sports, dans la salle, sous le dôme, des couleurs vives, des musiques entêtantes. De la lumière et du bruit. De l’humour et de la vie. Il en faut pour s’éveiller. L’esthétisme n’a rien d’un gadget ou d’un pis-aller, il relève de la discipline morale, puisque nous vous devons de ne pas nous laisser aller.
Hier jeudi, entre 19.00 et 23.00, ce sont une myriade d’instants rythmés, de débats physiques, de moments d’autodérision, de conversations de haute volée, auxquelles nous avons eu droit. Il n’y a aucune autosatisfaction dans cette assertion puisque nous étions, autant que vous, tributaires de la capacité des invités à donner. Ils l’ont fait au-delà de nos espérances.
Le 22 mars 2022 était nimbé de l’électricité des campagnes présidentielles, celle qui transforme les conférences en meeting, celle qui galvanise d’emblée les citoyens en militants, et qui transforme parfois la lucidité en mauvaise foi.
Hier, l’énergie était chimiquement pure. Désintéressée. Les intervenants sont venus sans agenda autre que leurs convictions. Il flottait une odeur d’authenticité et le public virevoltait entre applaudissements, réprobations, écoute active, dans une même et unique danse.
Il n’y a sans doute rien de plus faux et injuste qui a été dit, à propos de la deuxième édition du Grand débat des Valeurs, que la phrase prononcée par un conseiller de Marine Le Pen dans un article paru dans Le Monde le lendemain matin de la soirée: “C’était mon premier meeting de Zemmour. Franchement, ça ne donne pas envie.”
Commençons par la fin de cette citation de Renaud Labaye, citation d’autant plus déconcertante qu’elle émane d’un ancien cyrard intelligent. Le débat d’hier donnait envie, plus qu’envie, quand enfin François-Xavier Bellamy put parler à Manuel Valls de la signification, pour lui, du mouvement contre le mariage pour tous durant le quinquennat de François Hollande. Il s’agit-là d’une sortie courageuse de l’eurodéputé, car quoi qu’on pense du mariage gay, force est de constater que la droite a depuis copieusement abandonné toute forme de réflexion anthropologique sur le sujet. Une fois encore, ce n’est pas l’homosexualité qui est cause, mais notre capacité commune à pouvoir s’interroger sur nos choix de société. Du simple droit à le faire.
Cette soirée donnait encore envie quand Manuel Valls fut chahuté par François-Xavier Bellamy sur ses années au pouvoir. L’ancien Premier ministre proclama alors avec force son souci civilisationnel: « Avant tout programme politique, avant toute candidature qui l’incarne, il faut penser à défendre cette civilisation, cette culture et cette identité. »
Le débat appétissant ne s’arrête pas là: après avoir échangé de nombreux constats documentés sur l’état de notre biodiversité, Hugo Clément et Jordan Bardella en viennent à mêler accords et désaccords. L’écologie ne peut pas être que de gauche dénonce le second; elle doit être partout y compris dans un programme du Rassemblement national assez faible sur le sujet avance le premier. Voilà Bardella qui dénonce le catastrophisme et brosse le tableau d’une France bonne élève des émissions de CO2. Hugo Clément infirme. “Moins de Sandrine Rousseau et plus d’Hugo Clément” dira Bardella prenant son contradicteur à revers. Le journaliste engagé termine l’échange par une pirouette pimentée: sa venue ce soir était conditionnée à un don à la fondation Brigitte Bardot. Les spectateurs ont donc financé une association qui lutte contre la chasse et la corrida. La salle vit, les joueurs joutent.
Les fins de soirées sont déprimantes sauf quand Charles Consigny et Stanislas Rigault décident de s’occuper de la musique. Consigny, avocat Les Républicains adepte de la provocation charge Zemmour comme à la parade: vision falsifiée de l’Histoire, thèmes de sa campagne hors-sujet pour les Français. Le jeune zemmourien Rigault ne s’en laisse pas compter: “Les LR, vous êtes dans la merde” assène-t-il tout simplement lors d’un court laps de temps où Consigny reprend son souffle. Je vous assure que sur place pareille phrase n’avait rien de vulgaire et tout de drôle. A la régulière.
Venons-en au fond, à savoir la première partie de la phrase du conseiller de Marine Le Pen: “C’était mon premier meeting de Zemmour.” Alors, il y avait beaucoup de partisans d’Eric Zemmour dans la salle. Que nous remercions chaleureusement d’être venus. Il y avait beaucoup de partisans du Rassemblement national dans la salle. Que nous remercions chaleureusement d’être venus. Il y avait des fans de Charles Consigny lui-même. Charlotte d’Ornellas m’a d’ailleurs confié avoir entendu un improbable “Consigny président !” surgir des travées. Il y avait aussi des athées, des pratiquants, des abstentionnistes, des capricorne et des végétariens. Il y avait en réalité des gens qui se ressemblent en de nombreux points: des gens capables d’applaudir Hugo Clément quand il fait remarquer que nous n’avons plus besoin de laver nos pare-brise depuis que la population des insectes s’est écroulée, d’apostropher un ancien Premier ministre puis de lui acheter son livre, des gens qui ont voté Eric Zemmour à la présidentielle et qui encouragent bruyamment Jordan Bardella. Des électeurs de Valérie Pécresse qui trouvent que Charles Consigny ne manque pas de toupet, des électeurs de Marine Le Pen qui reconnaissent à François-Xavier Bellamy un talent dont ils auraient aimé être dotés.
En réalité, il y avait des gens curieux. Des gens qui ont faim et qui ont soif. C’est cela, la leçon politique du Grand débat des Valeurs. Si un couple vient de Poitiers un jour de grève, comme j’en ai croisé un à la sortie, c’est parce qu’il veut comprendre dans quel monde on vit, confronter son ressenti à la parole d’un décideur public. Sans doute veut-il trouver, pour paraphraser Emmanuel Macron, “un chemin d’avenir” pour la droite, et pour la France. Alors Zemmour, Le Pen, Bardella, ce sont des étiquettes, qui ne viennent que se surajouter à la vraie vie des vraies préoccupations des vrais gens. Cette salle était joyeuse et diverse, polie et chercheuse. Elle regarde, elle réfléchit, elle s’exprime, elle doute, elle s’amuse, et personne ne pourra lui voler sa soirée.