Robert Ménard vient de publier Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir (Editions Pierre Guillaume de Roux, novembre 2016). Il a bien voulu répondre aux questions du Rouge & le Noir. Extrait :
"Il y a plusieurs France. Il y a d’abord une France qui s’en sort bien, pour qui la mondialisation est une mondialisation heureuse, une “identité heureuse” comme dirait Alain Juppé. Une France qui n’a pas de soucis, qui vit confortablement dans la capitale, dans les capitales régionales, qui est à l’unisson des médias, dont les enfants sont dans des écoles où il n’y a pas de problème de délinquance, qui aiment le “vivre-ensemble” parce qu’ils ne le pratiquent pas et qui, au fond, n’a que les avantages de ce système-là. Il y a cette France mais il y a aussi la France que j’administre, dont Béziers est un exemple emblématique. C’est-à-dire une France délaissée, abandonnée, oubliée. Une France qui, tous les jours, est confrontée aux questions d’immigration, d’identité, à l’islam…
Oui il y a deux France. Je suis un élu de cette France qui n’en peut plus, de cette France qui aurait voté Trump aux Etats-Unis, qui, spontanément, déteste Hillary Clinton comme elle déteste les hommes politiques français. Une France qui en a marre qu’on lui marche sur la figure et qui essaie de s’en sortir. À l’intérieur de cette France-là, de cette France qui, au fond, est du mauvais coté du manche, il y a de plus en plus de gens qui ne veulent pas mourir, qui entendent se faire respecter. Ce petit livre n’a d’autre objectif que de leur dire à ces Français-là : ce que vous pensez, ce que vous ressentez, ce que vous vivez, ce que vous lisez, ce que vous aimez, ce dont vous rêvez, tout cela n’est pas honteux, n’est pas minable comme on vous le répète à longueur de temps. C’est ce que je dis aux Biterrois : soyez fiers de ce que vous êtes.
[…] Ce que je veux retenir de Trump, c’est tout d’abord qu’il faut dire les choses telles qu’elles sont. J’entends des commentateurs moquer le fait qu’il n’emploierait que 700 mots dans ses discours. Et alors ? Il emploie les mots des gens. Il faut convaincre les gens avec leurs mots. Quand je m’adresse à mes concitoyens, je ne fais pas une thèse de troisième cycle, je m’adresse à eux avec leurs mots qui, ça tombe bien, sont les miens.
La deuxième chose à retenir, c’est qu’il ne faut prendre aucun gant avec la presse. La presse est contre nous, elle est contre le peuple. J’ai été le patron de Reporters sans frontières pendant 23 ans, j’ai été journaliste durant 35 ans. Naïvement, quand j’ai choisi ce métier, j’imaginais que la presse devait être au service de ceux qui étaient du mauvais côté, de ceux qui n’aient pas réussi… Et qu’est-ce que je constate aujourd’hui ? Que l’immense majorité des journalistes sont toujours du côté du manche, du côté des gagnants… Il faut en tirer toutes les conséquences. Demain au pouvoir, il faudra commencer par supprimer toutes les aides publiques à la presse. On verra bien qui survivra, qui répondra aux attentes du public… […]"