L'Homme nouveau consacre un dossier à Robert Spaemann, philosophe de renom en Allemagne et
dans une grande partie de l’Europe,
proche du Pape Benoît XVI, au point de
participer chaque année au séminaire
estival réuni autour du Souverain Pontife. Extrait :
"C’est certainement dans l’affaire des bureaux
de consultation pour l’avortement que Robert
Spaemann a pris le plus de risques. L’avortement
se met en place en Allemagne la même année
qu’en France mais la loi de dépénalisation est
cassée par la Cour constitutionnelle au motif que
l’embryon est une personne distincte et qu’à ce titre
il n’appartient pas à la femme. En 1976 est votée
une nouvelle loi qui prévoit une dépénalisation de
l’avortement dans quatre cas : indication médicale
(danger vital pour la femme enceinte), eugénique,
criminelle (cas de viol) ou cas de détresse.
Les femmes devant consulter préalablement à un
avortement, c’est à cette époque que se constituent
les premières officines de consultation. Encouragées
par l’État, les Églises, dans ce climat de l’après-Concile marqué par une forme d’optimisme naïf
vis-à-vis du monde, s’engagent donc dans cette
mission de consultation. L’objectif est de sauver des
vies mais si la femme maintient son désir d’avorter
à l’issue de la consultation, le consulteur est
dans l’obligation de lui remettre un « laissez-passer
» pour l’avortement.C’est contre cette complicité active à l’avortement
de la part de l’Église que Robert Spaemann
s’est battu à la fin des années quatre-vingt. En 1988,
Spaemann dénonce cette pratique dans un texte
intitulé «Responsables de ceux qui vont naître»
et, une dizaine d’années plus tard, il réitère cette
dénonciation dans un grand article de la Frankfurter
Allgemeine Zeitung intitulé «La doctrine mauvaise
des bonnes fins». En arrière-plan de ce débat,
on trouve bien sûr la question du moindre mal, mais
ce qui est également en cause, c’est le système allemand
de laïcité ouverte dans laquelle l’Église s’est
engagée en tant qu’«experte en humanité» et qui
l’oblige à accompagner la dégradation des moeurs.
La théorie justificative de l’ensemble est le conséquentialisme
qui met en balance le bien et le mal
et qui décide d’accepter un mal s’il peut avoir pour
conséquence de produire un peu de bien.
Sur ce sujet, Robert Spaemann s’est battu seul
contre les théologiens et la hiérarchie catholiques
et son combat s’est révélé prophétique, puisque
Jean-Paul II, sous l’impulsion du cardinal Ratzinger,
lui a donné raison dix ans plus tard. Depuis, l’Église
allemande s’est officiellement désengagée et
seule Donum Vitæ, une organisation de catholiques
indépendante de l’Église, continue ce travail de
consultation."
Chataignon
Pouvez-vous me faire savoir si l’Eglise française qui, elle aussi, de la même manière, a été complice dans les mêmes années à l’avortement (CLER, Grossesse Secours, etc.) s’est désengagée ?