Intéressante analyse de Thierry Boutet sur la crise à Saint-Jean-de-Passy :
[…] Il manque une faute objective, caractérisée, comme le reconnaît implicitement Jean-François Canteneur : «Nous avons constaté un ensemble de situations réellement problématiques pouvant être qualifiées de fautes, ce qui a pu échapper à un certain nombre de parents d’élèves, voire de professeurs, qui ne sont pas au fait de toutes les relations de travail au sein de l’institution».
De fait, ces «situations réellement problématiques» ont totalement échappé a de nombreux membres de la communauté éducative de Saint-Jean de Passy, parents, cadres administratifs ou enseignants qui se sont révoltés contre la décision du CA. Elles semblent aussi avoir échappé au CSE (Conseil social d’établissement), qui se réunit régulièrement. À aucun moment il ne s’est manifesté. Pourquoi ce silence ? Pourquoi aussi n’y a-t-il pas de plaintes de salariés pour étayer les conclusions de l’audit ? Pourquoi la Médecine du travail n’a-t-elle pas été alertée ? Comment se fait-il qu’aucun arrêt de travail n’ait été constaté pour les raisons invoquées dans le communiqué ? Aucun fait précis ne semble pour le moment soutenir l’accusation. Seuls des «effets de souffrance» auraient été évoqués. Pire, certaines personnes interrogées par les «auditeurs» parlent d’une «procédure soviétique» et songeraient à retirer leur témoignage en voyant l’interprétation qui en a été donnée.
Dans ces circonstances, il est difficile de se défaire de l’idée que l’on a cherché des prétextes pour instruire le procès du directeur de Saint-Jean de Passy et de son adjoint. Sa gestion ne peut être mise en cause. En termes académiques, Saint-Jean de Passy performe comme jamais, et ses finances n’ont jamais été aussi bonnes que depuis que François-Xavier Clément le dirige.
UN AUTRE PROJET ÉDUCATIF
En revanche, François-Xavier Clément a apporté à Saint-Jean un style managérial clivant. «L’éducation intégrale» qu’il préconise n’est pas du goût de tous. Les professeurs sont loin d’être tous des catholiques pratiquants. S’ils choisissent d’enseigner à Saint-Jean de Passy, ce n’est le plus souvent pas en raison des exigences spécifiquement chrétiennes de son projet éducatif, mais parce qu’à tout prendre, il vaut mieux enseigner dans un établissement prestigieux du 16e arrondissement que dans le 20e…
De leur côté, un certain nombre de parents ne regardent que les performances scolaires de leurs enfants. La formation spirituelle obligatoire, la statue de la Vierge dans la cour d’honneur et le port de l’uniforme ne sont pas des choix tout à fait à leur goût. Ils l’acceptent parce que les statistiques de mentions aux bacs de Saint-Jean de Passy sont parmi les meilleures à Paris. Les «valeurs du christianisme», un peu «d’ouverture aux autres», un zeste d’écologie et de solidarité font propre sur un CV et suffisent à apaiser leurs consciences, même si à la sortie, la priorité demeure le business…
Or ce catholicisme peu encombrant n’est pas celui du directeur actuel. Dans cet environnement précautionneux sur les questions de foi, son courage détonne. Il a des convictions, de la personnalité, du charisme, un franc-parler. Il fait partie de ces hommes habités qui embarquent leurs collaborateurs ou peuvent en être détestés. Avec peut-être une certaine témérité, il ne cesse de témoigner par ses actes et par sa parole qu’il prend au sérieux l’enseignement de l’Église sur l’enseignement catholique, sur la formation intégrale de la personne, sur la nécessité des sacrements pour grandir dans la vie intérieure. Cette témérité peut sans doute lui faire commettre, comme à chacun, des erreurs. Il s’est probablement fait des ennemis. Depuis son arrivée, il a remodelé l’équipe dirigeante. Il y a eu des départs parfois difficiles qui, pour certains, ont laissé des traces. Mais, en aucun cas, ce tempérament ne constitue une faute de management ni ne justifie une sanction aussi totalement disproportionnée que celle que lui inflige le CA et le directeur diocésain.
Il faut donc espérer que la nouvelle enquête demandée par Mgr Aupetit et les décisions qu’il lui reviendra de prendre permettront aux élèves de Saint-Jean de Passy de ne pas trop pâtir de cette crise. Il faut aussi souhaiter qu’elles permettront à la communauté éducative de retrouver la paix.
Jean-François Canteneur, lorsqu’il a pris ses fonctions, disait : «De mon prédécesseur, Fréderic Gautier, je garde l’idée que le directeur de l’Enseignement catholique est d’abord en charge de l’unité… Ma mission est de favoriser l’action concordante, de respecter l’autonomie de chacun. La cellule de base demeure l’établissement qui porte la réalité quotidienne.» Cette unité mise en péril par la décision à laquelle il a participé, sur quelle base ou sur quel principe pourra-t-elle se faire ?
Le même déclarait : «J’évite de définir le fameux “caractère propre” du privé en termes de catéchèse. Il s’agit d’une réalité bien plus vaste. Il nous faut une école où la communauté éducative lie l’élève à son maître dans une relation chaleureuse, ouverte à la grâce reçue par l’autre, tout en gardant l’exigence intellectuelle. C’est pourquoi nous ne recrutons pas que des professeurs catholiques (il n’y aurait de toutes façons pas assez de candidats !), mais des personnes en chemin vers l’évangélisation, animées par des convictions chrétiennes.» Et d’ajouter : «L’école n’est pas une paroisse, ni le lieu de la vie sacramentelle ! C’est le lieu où il faut révéler le Christ à travers la connaissance et le service, la poignée de main, l’attention au plus faible. Il me semble important de ne pas créer un enseignement profane d’un côté et une bonne catéchèse musclée de l’autre» Certes ! Tous les mots du répertoire catholique y sont… moins la radicalité, et dans un ordre où le Christ se révèle dans la poignée de main plutôt que dans sa Parole et sa présence sacramentelle.
Sans remonter à l’encyclique Divini illius Magistri du pape Pie XI, est-ce vraiment l’enseignement de l’Église sur l’éducation intégrale ? Cela peut-il se discuter ? Si c’est le cas, cette crise n’est-elle pas révélatrice d’un clivage plus profond entre deux manières d’envisager la mission de l’école catholique ? Dans ce cas, le conflit qui agite Saint-Jean de Passy et que Mgr Aupetit devra trancher dépasse les questions de personnes.
margot
On a bien compris depuis le début qu’une cabale a été menée par ‘un groupe de profs qui sont dans l’enseignement catholique par intérêt matériel et qui n’apprécient pas par principe un chef d’établissement chrétien qui veut donner aux élèves la chance d’une formation chrétienne.
On a bien compris qu’il s’agit d’un groupe de profs de gauche matérialiste athée veut la peau d’un chef d’établissement.
Courage à ceux qui défendent les deux accusés.
Cosaque
Conteneur : démission !
Morin
Clofer,
J’ai eu l’honneur durant vingt ans de témoigner dans des établissement catholiques sous et hors contrat.
Je garde un très bon souvenir de Saint Jean de Passy et à Gerson même si, comme dans ces quartiers privilégiés on se doutait bien que la foi vécue n’était pas la priorité de beaucoup de parents, mais comme dans la société catholique en général. On pouvait y parler de sa foi sans s’excuser à cause d’élèves ou de professeurs incroyants voire pire, ce qui est la règle dans pas mal d’écoles dites catholiques. Et de plus en plus d’enfants vivent des situations difficiles dans tous les quartiers, essayer de les porter vers le haut ne peut que leur faire du bien.
J’y ai eu des problèmes avec certains professeurs, quasiment jamais avec des élèves même si mon discours était rude.
Dans le 20ème, je suis intervenu dans un collège/lycée dont le nom commence par G et dont je garde un bon souvenir de l’équipe. Pour résumer mon expérience vu de l’extérieur, les convictions de l’équipe dirigeante, une équipe d’aumônerie convaincue et soutenue par la direction, peuvent faire des miracles, tant que les profs et parents hostiles au projet sont tenus en laisse. Beaucoup d’écoles de l’enseignement dit catholique ne méritent plus ce titre et un bon nombre ne savent pas faire respecter le projet. Les syndiqués CFDT, ex catholiques, sont parfois pires que les gauchistes car ils ont une revanche à prendre.
Quand aux directeurs diocésains, ils suivent le vent dominant et cherchent la tranquillité à tout prix, donc concessions et reniements. Ils ont souvent la foi honteuse.
Ermort
Boutet ne dit rien de plus que d’autres. Rien de très intéressant non plus puisque peu d’informations ont été diffusées sur le fond du dossier.
capdora
On sait au contraire beaucoup de choses, qu’il n y a eu aucune plainte au pénal, aucun arrêt maladie lié à cette question, aucun témoignage à découvert depuis (alors que personne ne risque grand chose maintenant). On sait aussi que depuis il y a plusieurs arrêt maladie (c est très stressant de travailler dans un contexte où vous pouvez être renvoyé du jour au lendemain sans raison visible) et une grande souffrance qui s est abattue sur l ecole, en particulier sur les plus faibles, ceux que l on n écoute pas, les enfants.
capdora
Le fait est reconnu, y compris par ceux qui ont lancé la procédure de licenciement.
capdora
A Monsieur Renaud, en effet, je comprends bien votre idée, simplement la mise à pied n a aucun lien avec une plainte éventuelle.
capdora
Bonjour Monsieur,
Merci tout d abord pour votre longue réponse, et pour les éléments très intéressants que vous soulevez. Je vais tenter d y répondre point par point.
J ai bien lu les témoignages du Figaro, hélas je n ai pas Facebook, je n ai donc rien vu qui puisse relever de près ou de loin d’un élément à charge important. Je ne doute d ailleurs pas que, si c était le cas, des plaintes au pénal eussent été déposées, il y a des choses plus importantes que la réputation d un établissement, les crimes contre les enfants qui ont ébranlé l Eglise nous l ont clairement démontré.
La médecine du travail a elle même dit qu’il n y avait pas eu d arrêt maladie lié à une souffrance professionnelle avant les mises à pied. Etant donné le secret médical et l anonymat garantit, on peut penser qu’elle n a aucune raison de ne pas dire la vérité. Vous me parlez de témoignages d enseignants sur le net, donc de témoignages anonymes, qui sont ou non d enseignants de l’école. Quand bien même il y en aurait, étant moi moi-même enseignante, et ayant souvent déménagé, je vous dirais que la critique d’un directeur est assez courante dans le métier, et le changement d établissement pour mésentente est loin d etre rare. Simplement ces faits sont habituellement moins sous les feux de la rampe. Je sais tout à fait que certains enseignants ont quitté SJP pour des divergences personnelles, mais ce fût le cas dans presque tous lycées où j’ai travaillé. Pour qu une accusation tienne la route, il faut des personnes, des faits, des circonstances. Sinon on virerait la moitié des chefs d établissement de France.
Vous prenez activement la défense de ceux qui ont pu souffrir, sans considérer ceux qui souffrent actuellement (puisque là les arrêts maladie existent bien) et je ne peux que m étonner de cette compassion à deux vitesses : ceux qui subissent le stress lié aux deux mises à pied comptent ils moins que ceux qui auraient pu être stressés par le passé ? Le fait qu’ils se sentent menacés par ce qui apparaît quand même comme une purge, et que ce soit suffisamment grave pour les rendre malades n a t il aucune importance? Il y a actuellement une violence morale contre les personnes à un niveau très élevé, la quasi totalité des cadres du lycée étant en arrêt maladie.
Dans cette affaire, personne n a appelé les enfants à faire grève (ce sont les enseignants qui l ont faite). Hélas les enfants ne sont pas du tout en dehors de tout cela! Sans école, sans enseignants, sans amis depuis plus de six semaines, les voilà avec une rentrée sans pilote pour le navire, avec de nombreux responsables malades, en pleine période d orientation pour certains. Les voilà privés de deux personnes appréciées et aimées (regardez l article de témoignage de deux “anciens” de 18 ans sur Valeurs Actuelles, en accès libre, vous vous ferez une idée du niveau de ces grands éducateurs), à un âge où on a besoin de sérénité pour se construire et d exemples pour grandir. N avez vous pas le souvenir de personnes que vous avez croisé à ces âges là, et qui ont marqué votre vie? Ne voyez vous pas, avec les affaires de pédophilie, qu on a trop longtemps refusé d écouter la souffrance des enfants ? Si les adultes peuvent être fragiles, combien le sont plus encore nos élèves, qui n ont aucune protection. Croyez vous vraiment que l on passe par ces épreuves sans que cela ne laisse de traces ? Etait il nécessaire de passer par de telles méthodes ?
J ai tout à fait constaté, comme vous, certains départs, dont une année 4 enseignants en prépa + 2 départs à la retraite. Ce sont des turn over que j ai déjà vu dans d autres établissements, souvent pour des différences de vue, ce qui ne veut absolument pas dire que les directeurs étaient coupables de quoi que ce soit. Je ne vois pas en quoi il est dingue, sauf à méconnaître le monde de l’ecole .
Certes nous devons faire preuve d humilité, mais aussi de raison, l un n’empêche pas l autre. Et de justice aussi, car si on plaint les uns, on ne peut pas nier la souffrance des autres, et notamment des cadres et enseignants aujourd’hui dans la tourmente.
On ne peut que regretter qu en voulant défendre, peut-être à juste titre, des personnes exprimant un mal-être au travail, on ait déversé de manière très violente une souffrance forte sur toute la communauté éducative et sur les enfants que notre rôle d adultes est justement de protéger.
Bien à vous.